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Catégorie : Notes de conjoncture
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Le populisme a trois caractéristiques : il est démagogue, nationaliste et mercantiliste.

a) Pour convaincre les milieux populaires, les candidats populistes promettent de fortes hausses de salaires (contre Hilary Clinton, Sanders proposait de faire passer le minimum social horaire de 7 dollars à 15). De même ils attaquent les responsables des gouvernements au pouvoir (appelés « élites », la « finance » ou « Wall Street ») coupables de n’avoir pas pris les mesures démagogiques maintenant proposées.

b) Le Nationalisme Populiste consiste à rejeter les difficultés du Pays sur les « étrangers », les « minorités locales laïques ou religieuses » ou même ceux qui ont un niveau élevé de richesses (certainement accumulées au détriment des « vrais travailleurs »). Il suffit à ce sujet de relire l’analyse de Thomas Piketty (qui fait simplement abstraction de la « redistribution sociale »).

c) Le mercantilisme rend les individus favorables à la protection sur le plan économique pour réduire les importations et améliorer la production interne mais il est désireux quand même d’améliorer les exportations (toujours pour améliorer la production interne).

On voit ainsi comment voudraient se comporter l’Angleterre post Brexit (c’est-à-dire dès Mars prochain) ou Donald Trump dès le 20 janvier 2017 ou Beppe Grillo du Mouvement des 5 étoiles s’il réussit à prendre le pouvoir.

Mais ils se heurtent aux réalités économiques et politiques : D’une part nous sommes au creux d’un mouvement de type « Kondratiev » c’est-à-dire au cœur d’une mutation économique où les industries de main d’œuvre non spécialisées sont peu à peu remplacées par des usines robotisées et où les nouvelles innovations commencent à se mettre en place.
Certes les politiques d’extension de la masse monétaire viennent de provoquer une reprise assez forte aux États Unis, en Angleterre  et en Allemagne, moyenne en Espagne, assez faible en France. Ce dernier cas est très particulier. Il y a à la fois une hausse des salaires, une des plus fortes des pays riches et en même temps il y a baisse du niveau de vie car les besoins (informatique, vacances, etc.) augmentent plus vite que les hausses de salaires.
Les Banques Centrales sont dans une situation difficile. Leur relative «  Indépendance » les oblige à raisonner en termes économiques  face à des gouvernements dominés par leur idéologie. Aussi est-il très difficile de prévoir quel sera le degré d’inflation que les pratiques populistes vont entraîner dans les pays gouvernés par des populistes (Hongrie, Pologne, U.S.A.) ou même influencés par eux (Brexit anglais, échec du référendum de Matteo Renzi) et comment les Banques Centrales vont manœuvrer les taux pour limiter les dégâts dus aux politiques gouvernementales.
Ce sont ces deux points qu’il nous faut examiner.

I.Le danger d’Inflation

La fermeture partielle des frontières provoque une baisse de pouvoir d’achat. Son ampleur dépend d’une part du montant des droits prélevés sur les importations, d’autre part de la perte possible de valeur de la monnaie si la fermeture des frontières entraîne un manque de confiance des étrangers… et même des nationaux.
Cela a plusieurs conséquences.

a) Les produits importés augmentent de la valeur du montant des droits de douane.

b) La réaction des autres pays peut n’être pas favorable et donner lieu à des décisions du même type à l’encontre du pays qui veut ainsi protéger son économie.

Mais, en fait, la situation va dépendre de deux paramètres :

a) l’autonomie économique du pays.

Trump peut assez facilement protéger ses frontières en créant des lourdes taxes à l’importation, vu l’importance des productions internes et les possibilités de les augmenter pour remplacer un grand nombre de produits importés. Mais dans ce cas, les prix de revient  seront sensiblement plus élevés, augmentant ainsi les prix de vente au public. Les Etats-Unis risquent, en outre, des « représailles » des pays gênés par de telles taxes. Les Américains peuvent cependant espérer que certains pays exportateurs vers l’Amérique aient du mal à pratiquer ces « représailles » car ces pays ont besoin d’exporter pour obtenir de précieux dollars. Mais  on entrerait dans un cycle de taxations réciproques alors que les Américains ont encore le souvenir des effets dévastateurs « pour l’Amérique » du « Hawley –Smoot  Tariff » de  1930.
Par contre l’Angleterre et l’Italie (ou la France si les mouvements populistes pouvaient se faire élire aux prochaines élections) n’ont pas ces possibilités. Aucun de ces pays n’a, à l’heure actuelle, les moyens d’une politique autarcique, par manque d’outils de production dans de nombreux domaines. Il y aura de forts risques d’inflation et donc de baisse de niveau de vie. Bien plus, si les syndicats arrivent à protéger les ouvriers et employés en activité, il peut y avoir en outre une « inflation par les coûts » qui s’ajoute à l’« inflation importée » la rendant plus difficilement contrôlable. Ainsi on commence à voir en Grande-Bretagne des débuts de mouvements sociaux (chemins de fer, postes ,aviation ) , par réaction devant les petites hausses de prix dues à la baisse de la Livre, car les syndicats ont peur de leur aggravation après la fin Mars.

b) Les monnaies sont interconnectées.

Leur évolution va correspondre également au « rôle international des pays. » Ainsi l’arrivée de Donald Trump a créé une demande internationale de dollars par peur d’une pénurie si les Etats-Unis se referment sur eux. IL y a donc une hausse de sa devise. Bien entendu l’effet inverse pourrait se produire si la politique suivie entraîne une remise en cause du Dollar avec remplacement par une monnaie comme le « Droit de Tirage Spécial (S.D.R.) » le « Yen » ou le « Yuan », car Japonais et Chinois détiennent respectivement 1.130 et 1.120 milliards de $ Dollars. Cette peur d’une remise en cause du dollar pourrait provoquer de la part des Japonais et des Chinois une vente de leurs réserves de devises. (Les Chinois ont bien commencé à vendre une cinquantaine de milliards, mais le but est différent, il s’agit de défendre la parité actuelle de leur monnaie).

Le cas du Brexit est assez particulier puisque décalé de plus de 9 mois après le vote du référendum. Pourtant le public a fait baisser la livre de 1,50 Dollars à 1,14, avant de remonter au taux actuel de 1,28.Il s’agit d’une anticipation des difficultés de l’Angleterre lorsqu’elle entrera dans le Brexit.                                                               Dans le cas des pays inclus dans la zone euro le décalage monétaire serait encore plus grand puisque la valeur de l’Euro est totalement dépendante des pays de l’Europe du Nord propulsant leurs monnaies vers le haut si l’un de ceux-ci  abandonnait la monnaie unique et vers le bas si l’un des Pays du sud  (France comprise ) décidait de quitter la Zone Euro.

Même si l’effet sur le cours des monnaies est différent , les conséquences de ces situations sont sensiblement les mêmes : au début, et le succès du référendum anglais l’a montré, les pays profitent des projets de fermeture des frontières  pour améliorer leurs exportations et ne subissent  les hausses de produits internes que progressivement, Aussi l’importance de la baisse de pouvoir d’achat va dépendre de l’ampleur des réductions d’importations et des possibilités des syndicats de réagir devant la diminution de la valeur « interne » de la monnaie.

II. Les politiques des Banques Centrales pour protéger les économies.

Dans les trois cas importants où l’influence du Populisme a provoqué des dégâts (Ítalie, U.S.A. et Angleterre) rien n’est fondamentalement urgent.                               L’Italie a trouvé un gouvernement qui reproduit à peu près celui de Matteo Renzi.
L’Angleterre, qui a voté son Brexit en Juin 2016, a reporté à Mars  2017 l’activation de l’Article 50. La prise de pouvoir de Donald Trump a eu lieu le 20 Janvier. Jusqu’à cette date il ne se passe rien si ce n’est des « spéculations » (à la hausse du dollar) comme celles que l’on a vu sur la Livre (à la baisse). Aussi jusqu’au 20 Janvier (U.S.A.), 31 Mars (U.K.) et une date inconnue où le Parti des 5 étoiles pourrait prendre le pouvoir et celle aussi hypothétique d’une victoire du F.N. en France, les dégâts du populisme restent   nuls, le nouveau Président du Conseil Paolo Gentiloni est l’ancien Ministre des Finances de Matteo Renzi. Après ces dates, les seules forces qui puissent protéger les pays soumis à des gouvernements populistes ce sont les Banques centrales (dans la mesure où elles peuvent rester indépendantes).

Aussi on peut envisager deux périodes

a) la période actuelle où les politiques d’avant les votes populistes continuent. Ainsi Janet Yellen a remonté de 0,25 les taux de la F.E.D. pour montrer au Monde le succès de la reprise américaine. Si Mark Carney a abaissé le taux de court terme de la Livre et augmenté le Q.E à 450 milliards c’était pour montrer qu’il est prêt à intervenir dans la période suivant.  Mario Draghi a allongé son Q.E.et réduit son montant mensuel de 80 à 60 Milliards d’Euro pour faire face aux difficultés de certains pays. « Business nearly as Usual ».

b) En suite dans les pays où le Brexit est dominant, la Banque centrale devra modifier son rôle pour pratiquer une politique contra-cyclique. Ainsi il semble que la politique de la Federal Reserve devrait se modifier en relançant des politiques de Q.E.si le dollar monte trop pour fournir ainsi des dollars au Monde entier.

La Banque d’Angleterre, au contraire, devrait aggraver les mouvements qu’elle vient de lancer pour protéger la « réputation » de la Livre (par peur de sorties de capitaux des dépositaires étrangers). Le cas de la Banque Centrale Européenne est plus délicat mais présente l’avantage que la prise du pouvoir (malgré le cas des Pays-Bas où les « populistes » n’ont pas l’air de poser de problèmes) n’est pas vraiment envisagé. Si cela se produisait la politique de la B.C.E. serait écartelée entre les pays de l’Europe du Nord pour lesquels il faudrait abaisser les taux  (même s’ils sont déjà négatifs) et les pays du Sud pour lesquels des hausses de taux deviendraient nécessaires. Il est donc difficile de prévoir cette évolution plus politique qu’économique.

Conclusion

Il y a dans la montée des « populismes », deux types d’explications

a) L’excès d’« interventionnisme » de Bruxelles. On a tendance à oublier la règle de « subsidiarité » selon laquelle toutes les questions « secondaires » dépendent des Parlements Nationaux. Pourquoi Bruxelles règlemente-t-elle le mode de fabrication des fromages ? Un certain désir d’autonomie nationale favorise des excès comme le « Nationalisme Populiste »                 
b) Mais surtout il y a le fantastique développement des formulaires administratifs. La France avec ses 40.000 « normes » fait figure de leadeur mondial avec même une récente « amélioration » : les comptes de « pénibilité ». Au plan européen on a inventé le PRIIPS (pour le 1er janvier 2017 heureusement reporté d’un an) et qui  NE demande aux « Generali » QUE  50 .000 déclarations. La loi américaine Sarbanes-Oxley justifierait presque l’élection de Donald Trump qui parle de la supprimer.

On voit ainsi
a) une prise de conscience internationale des excès de la bureaucratie mondiale. Au moins on en parle. Même François Hollande s’en est préoccupé. On peut espérer que l’on passera bientôt aux actes.                                                                                                              
b) On peut croire être arrivé à la limite du développement du « populisme » : Son échec en Autriche, le fait que le « succès » du référendum italien n’ait pas débouché sur un gouvernement populiste (avec la mauvaise gestion de la Maire « Grilléenne » de Rome), les difficultés prévisibles que va rencontrer l’Angleterre dès Avril 2017, tout cela devrait donner à réfléchir aux défenseurs d’une Politique Néo-Poujadiste. Il serait souhaitable de faire des réformes efficaces des organismes supranationaux et d’administration interne et cela à un moment où la reprise s’ébauche hors de la « crise de longue durée » commencée au début du siècle.