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Catégorie : Nadia Antonin
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Un article publié en juillet 2015 par le Parlement européen révèle qu'en moyenne chaque citoyen européen consomme quatorze tonnes de matières premières et produit cinq tonnes de déchets par an. Face à ce constat, les députés pressent la Commission européenne de proposer un nouveau paquet législatif concernant l'économie circulaire suite à l'abandon du précédent.  Ils estiment que "l'UE doit utiliser les ressources naturelles de manière plus efficace. Une augmentation de 30% de la productivité des ressources en 2030 pourrait stimuler son PIB de près de 1% et créer 2 millions d'emplois durables supplémentaires". La Commission a lancé une consultation publique afin de recueillir les avis sur les principales options envisageables pour l'élaboration d'une nouvelle approche en matière d'économie circulaire.

1. Le concept "d'économie circulaire"

L'idée d'économie circulaire s'est développé peu de temps après la parution du rapport du Club de Rome en 1972 sous le titre "The limits to growth" appelé aussi "rapport Meadows".

Quant au concept lui-même, il est apparu pour la première fois en 1990 dans l'ouvrage intitulé "Economics of natural Resources and the Environment" de David W. Pearce et R.Kerry Turner, deux économistes anglais. Mais il n'existe pas de définition "normalisée" ni même stabilisée du concept d'économie circulaire.

Le projet de loi sur la transition énergétique (PLTE) définissait l'économie circulaire de la façon suivante : "La transition vers une économie circulaire appelle une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ainsi que, en priorité, un réemploi et une réutilisation et, à défaut, un recyclage des déchets, des matières première secondaires et des produits. La promotion de l'écologie industrielle et de la conception écologique des produits, l'allongement du cycle de vie des produits, la prévention des déchets, des polluants et des substances toxiques, le traitement des déchets en respectant la hiérarchie des modes de traitement, la coopération entre acteurs économiques à l'échelle territoriale pertinente, le développement des valeurs d'usage et de partage et de l'information sur leurs coûts écologique, économique et social contribuent à cette nouvelle prospérité".

L'OCDE de son côté avance l'objectif des 3R (réduire, réutiliser, recycler) et celui de Gestion Durable des Matières (GDM).

Enfin, selon l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie), l'économie circulaire peut se définir comme "un système économique d'échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l'efficacité de l'utilisation des ressources et à diminuer l'impact sur l'environnement.  L'économie circulaire doit viser globalement à diminuer drastiquement le gaspillage des ressources afin de décupler la consommation des ressources de la croissance du PIB tout en assurant la réduction des impacts gouvernementaux et l'augmentation du bien-être. Il s'agit de faire plus et mieux avec moins".

Selon l'ADEME, l'économie circulaire inclut les activités suivantes :

· "l'approvisionnement durable" qui traduit un mode d'exploitation/extraction des ressources ayant pour objectif l'efficacité et la réduction de l'impact sur l'environnement ;
· "l'écoconception" qui consiste à prendre en compte la protection de l'environnement dans la conception et le développement du produit tout au long de son cycle de vie ;
· "l'écologie industrielle et territoriale" qui constitue un ensemble d'opérations de rationalisation de la production par une collaboration interentreprises (optimisation des consommations énergétiques et matérielles, minimisation des déchets à la source, réutilisation des rejets pour servir de matières premières à d'autres processus de production) ;
· "l'économie de la fonctionnalité" qui privilégie l'usage à la possession et préconise la vente de services liés au produit plutôt que le produit lui-même ;
· "la consommation responsable" qui suppose d'orienter ses choix de consommation en fonction de critères sociaux et écologiques et qui a fait l'objet de la promulgation en mars 2015 de la loi sur la consommation afin d'apporter des réponses concrètes aux problèmes rencontrés quotidiennement par les consommateurs ;
· "l'allongement de la durée d'usage" ou de la durée de vie des produits consistant à réparer et à réutiliser le produit ;
· "le recyclage" visant à traiter des déchets et à les réintroduire dans le cycle de production d'un produit équivalent ou différent.

im1Source : ADEME

2. Les avantages économiques de l'économie circulaire

Le rapport "Economie circulaire, pour une Europe compétitive", qui est le fruit d'une collaboration entre la Fondation Ellen MacArthur, McKinsey Center for Busines and Environment et SUN (Stiftungsfonds für Umweltökonomie und Nachhaltigkeit) révèle qu’en adoptant les principes de l’économie circulaire et en prenant le virage des nouvelles technologies de l’information, l’Europe pourrait réaliser un bénéfice net de 1 800 milliards de dollars d’ici 2030, soit 900 milliards d’euros supplémentaires par rapport au modèle de développement linéaire traditionnel.

Les opportunités offertes par l'économie circulaire sont nombreuses. En effet :

—    L'économie circulaire est un levier de compétitivité pour les entreprises et une opportunité de développement de nouveaux marchés.  
—    Elle est créatrice d'emplois. En France par exemple, le secteur de la gestion des déchets représente plus de 135 000 emplois.
—    Elle est à l'origine de nouvelles activités notamment dans le secteur de l'écoconception, la gestion des ressources naturelles et des énergies renouvelables.  
—    Elle permet une réduction des coûts (réduction de la consommation des matières premières, utilisation des déchets en tant que ressources,  allongement de la durée d'utilisation des produits, moindre dépendance aux importations de matières premières et d'énergies).
—    Elle contribue à la sécurisation des approvisionnements.

3. L'Institut de l'économie circulaire

Afin de promouvoir le concept d'économie circulaire comme une alternative au système d'économie linéaire "extraire, fabriquer, consommer, jeter", a été créé en 2013 l'Institut de l'économie circulaire. Ce dernier a notamment comme objectifs de fédérer et impliquer tous les acteurs et experts concernés dans une démarche collaborative, de mutualiser les compétences et les ressources, de promouvoir et dynamiser la recherche, l'expérimentation et les réalisations concrètes sur l'économie circulaire et de faire évoluer la législation et la règlementation. Les six membres fondateurs sont ECOFOLIO, la Kedge Business School, FEDEREC, la Fondation Nicolas Hulot, GrDF (Gaz Réseau Distribution France), le Groupe La Poste et le Syndicat français de l'industrie cimentière (SFIC). Pour cet institut, l'économie circulaire "concrétise l’objectif de passer d’un modèle de réduction d’impact à un modèle de création de valeur, positive sur un plan social, économique et environnemental" (...). "L'objectif ultime de l'économie circulaire est de parvenir à découpler la croissance économique de l'épuisement des ressources naturelles par la création de produits, services, modèles d’affaire et politiques publiques innovants".

4. Des initiatives pour illustrer l'économie circulaire

—    Le projet WAVE de BNP Paribas

Au moment où la planète se heurte à de vastes défis économiques, sociaux et environnementaux, un très grand nombre d'initiatives menées au niveau mondial prouvent  que des solutions existent pour faire mieux avec moins. Ainsi, BNP Paribas a mis en place en septembre 2014 l'exposition WAVE qui s'est appuyée sur l'ingéniosité collective (voir glossaire).

L'ingéniosité collective rassemble cinq courants : la "cocréation" où il n'y a plus de dirigeant et d'exécutant mais uniquement des participants, le "mouvement des makers" qui part de l'idée que tout individu peut innover et changer le monde, "l'économie du partage" qui consiste à privilégier l'accès aux biens et services plutôt que leur propriété, "l'économie circulaire" où les déchets d'un processus se muent en ressources pour un autre et "l'économie inclusive" qui n'est pas seulement une question d'argent mais la rencontre des problématiques de l'entreprise avec les préoccupations de réduction de la pauvreté.

im8Source : BNP Paribas

—    Le cas de la Suède

La Suède qui a misé sur un fort développement du recyclage doit aujourd'hui importer des tonnes de déchets de la Norvège. A cet égard, Myriam Maestroni, Présidente d'Economie d'Energie, parle de la Suède comme "un exemple de la superefficacité de l'économie circulaire".

En avril 2015, le Club de Rome a publié un rapport intitulé "The circular economy and the benefits for society" - Swedish case study shows jobs and climate as clear winners". Pour les auteurs de cette étude, l'économie circulaire doit offrir de nombreux bénéfices sociétaux aussi bien dans la lutte contre le dérèglement climatique qu'en termes de créations d'emplois.

Entièrement basée sur l'examen de l'économie suédoise, l'étude conclut que la mise en oeuvre d'une combinaison de l'économie circulaire et de l'économie de la fonctionnalité  (voir glossaire) réduirait les émissions de gaz carbonique de la Suède de 70% et augmenterait le nombre d'emplois de 4%.

Une étude similaire est actuellement conduite sur la France et sera présentée très prochainement dans le cadre d'un partenariat entre le Club de Rome et l'Institut de l'économie circulaire.

4. Glossaire

ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) : Etablissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous tutelle conjointe du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ayant pour vocation d'accompagner la transition écologique et énergétique.

Développement durable : "Développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs" (Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien/1987).

Economie de la fonctionnalité : Remplacement de la vente d’un bien par la vente de son usage dans le cadre d’une prestation de service.

Ingéniosité collective : Capacité qu’ont les individus à trouver ensemble des solutions simples et efficaces pour faire mieux avec moins.

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