Les spécialistes de la conjoncture dépriment.

L’Euro paraît condamné. En effet les atermoiements allemands lorsqu’il s’est agi de sauver la Grèce ont donné aux milieux financiers internationaux l’impression que l’Europe n’était pas, même dans sa version réduite (la Zone Euro), capable de se construire. L’Echec de MF Global, essentiellement investi en obligations européennes, a montré au « Monde  Entier » que spéculer sur le développement harmonieux de l’Europe était une erreur majeure et que l’on pouvait SANS  RISQUE vendre à découvert tous actifs européens et acheter des « naked » C.D.S.s ou plus spéculativement encore jouer sur des C.F.D.s.
Les difficultés que l’on rencontre pour confirmer l’accord selon lequel les Banques acceptent VOLONTAIREMENT une « réduction» de 50 % de leurs créances (pour éviter, s’il s’agissait d’un amortissement forcé,  l’activation des CDS  grecs, dont personne ne connaît l’importance) montrent l’importance du problème posé et les risques rencontrés. Mais la décision de faire cet « haircut » a suffi pour provoquer un malaise dans le monde bancaire comparable à celui provoqué  par la faillite de Lehman Brothers. Les banques n’ont plus confiance les unes dans les autres. Aussi pour essayer de comprendre comment va se comporter l’année 2012 il nous faut voir les raisons du pessimisme actuel et celles qui justifient un optimisme certain.

I) L’Europe paraît entrer dans une crise majeure pour deux raisons

1) Les mesures de « protection » Bâle 3 aggravées par Bâle 2,5  et Solvency II ont pour effet de réduire considérablement les possibilités du secteur financier européen à fournir des fonds aux entreprises pour assurer leur développement. En effet, en Europe,  le Secteur financier apporte aux entreprises 75 % des fonds extérieurs utiles à leur croissance tandis  qu’en Amérique c’est le Marché financier qui fournit 75 % de ces mêmes fonds. Bien plus, la France est spécialement pénalisée (par rapport à l’Allemagne ) car les marges bénéficiaires sont très « tendues » en France d’où de faibles possibilités d’autofinancement .Dans le même ordre d’idées, l‘usage de la « Fair Value » dans un contexte de produits dérivés spécifiques non cotés mais évalués « à la louche »  sous la forme de « Market to Model  » réduit encore les possibilités des Banques et des Assurances de faire leur métier : fournir des fonds aux entreprises

2) Toutes ces réglementations aident à aggraver la crise européenne, même si les causes sont indépendantes de l’intensification des « mesures de précaution ».A première vue la situation devrait donc s’améliorer au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la crise des « Subprimes ».
HEUREUSEMENT il y une technique parfaitement mise au point de « cercle vicieux » appelée communément « cercle vertueux ». L’Allemagne a une balance commerciale somptueuse due au laxisme des autres pays de l’Union Européenne,  car elle a pratiqué chez elle, seule en Europe, depuis 10 ans, une politique d’austérité. La hausse des salaires, assez forte depuis 2010, ne suffit pas encore  à rattraper celle des autres pays de la zone Euro, mais elle s’accélère car le public allemand comprend de plus en plus mal que l’Allemagne ait une situation brillante et que les salaires montent moins vite que l’inflation.
Le modèle allemand réussit à donner à l’extérieur l’impression que le succès du pays est du à cet effort d’austérité. Aussi à son exemple, et sous son influence, les autres pays européens se mettent à pratiquer le même type de politique (au risque de réduire la marge d’exportation de l’Allemagne).  Cela devrait accélérer l’effet déflationniste en Europe, créant même un « double dip  »  qui pourrait s’étendre au monde entier

II)  Une tendance à l’amélioration
Or à l’époque où l’on attend une détérioration de la situation allemande commencée au troisième trimestre 2011, à cause de la diminution de la demande européenne tant en Angleterre qu’en Zone Euro, on s’aperçoit que la situation a plutôt tendance à s’améliorer. Plusieurs éléments sont en fait très favorables.
1) la reprise américaine.
Pour la première fois depuis 2008 l’emploi s’améliore. Depuis le mois de Novembre l’emploi repart à un rythme soutenu très supérieur aux prévisions les plus optimistes .L’immobilier se stabilise, même si il reste un risque vu l’importance des logements dont les prix restent au dessous du prix des hypothèques souscrites.
Cette reprise est la preuve du succès de la politique néo-keynésienne de Ben Bernanke. Elle pourrait permettre d’éviter un troisième Q.E. (quantitative easing). Elle peut arrêter le ralentissement qui semblait débuter dans les pays émergents (Chine, Brésil).Surtout elle donne aux Américains la possibilité d’augmenter l’achat de biens et de services européens.

2) les conséquences sur l’Euro de la « crise grecque »
La crise grecque a été mal gérée. Cela a permis une spéculation intense contre les obligations des Etats européens et a  déstabilisé les banques (et provoqué la faillite de MF Global), mais elle a eu un avantage non négligeable ; elle a  fait baisser l’Euro de 1,5 à moins de 1,27 Dollars donnant un souffle d’oxygène aux pays européens (essentiellement l’Allemagne, et un peu la France.). Ainsi le solde de la balance commerciale allemande est passé de 12,5 milliards € en Octobre à 15,5 en Novembre, tandis que dans le même temps le déficit français était en baisse, passant de 5,5 milliards € à 4,4.
Certes l’Euro est encore à un cours tout à fait anormal puisque la parité de pouvoir d’achat permet de l’évaluer entre 1,10 et 1,15 dollars. Or si les inconvénients de la crise subsistent encore les effets de la baisse de l’Euro sur les exportations se font peu à peu  sentir.

3) la politique de la Banque Centrale
Visiblement Mario Draghi donne à la B.C.E  un rôle de plus en plus actif. Dès son arrivée il a activé le S.M.P (Securities Market Program) qui lui permet d’acheter sur le Marché des emprunts espagnols et italiens empêchant ainsi les taux de ces deux pays de continuer leur hausse. Par un accord de swap avec les autres banques centrales, la B.C.E. compense un peu le manque de dollars des banques européennes à une époque où la F.E.D. « déconseille » aux banques américaines de prêter en Europe à plus de 8 jours .Enfin et surtout en ouvrant aux banques la possibilité  d’emprunter à 3 ans des fonds « illimités » elle a soulagé les banques dont les dettes à rembourser en 2012 dépassent les 500 milliards d’Euro
Le succès a été au rendez-vous. 532 banques ont emprunté 489 milliards d’euro tout en en déposant au jour le jour plus de 450 milliards, donnant l’impression que les banques avaient peur de souscrire des emprunts publics et réservaient leurs fonds pour épurer les dettes de l’année .En tout cas il s’agit d’un mini Q.E. puisqu’il y a  sur cette somme 200 milliards de création monétaire.

Conclusion
A une époque de pessimisme envahissant où même des entreprises européennes inspirées par ce néfaste « esprit de précaution »  si répandu dans notre vieux monde, se préparent à une fin de l’Euro on peut certes compter sur la formule américaine  « Public is always wrong » mais surtout sur les mesures en cours d’élaboration aux Etats-Unis et en Europe. Même les politiques commencent à se rendre compte que si on applique à la lettre le texte de Maastricht, on va en Europe vers une crise majeure. Devant la menace de baisse de la notation franco-allemande pour « croissance insuffisante » l’idée d’une réunion mensuelle Merkel –Sarkozy pour relancer les économies européennes devrait permettre d’assurer une année 2012  meilleure que 2011
Deux phénomènes semblent aller à l’encontre de notre analyse :
a) la reprise allemande (due à la baisse de l’Euro), mais elle ne représente  qu’une part très faible du commerce allemand et
b) la dégradation des obligations souveraines françaises.

Ces deux évènements paraissent  renforcer la position allemande et  la pousser à vouloir inciter les autres pays à aggraver les mesures d’austérité.
Il n’en est rien car cette amélioration de la balance commerciale allemande se fait vers les pays émergents et ceux-ci ne représentent qu’une faible part (moins de 30 %) de leur commerce extérieur.
Par ailleurs  la hausse des salaires (comme en Chine) devrait leur permettre de rattraper assez vite les niveaux des autres pays européens. réduisant ainsi leurs possibilités d’exportations vers l’Union Européenne, leur principal client (à 75 %).
Enfin la dégradation des titres de l’Etat Français a pour effet d’isoler l’Allemagne, d’inciter la France à une double politique ; d’austérité (sous l’influence allemande) et de rapprochement des autres pays de la Zone Euro, obligeant une Allemagne plus isolée à laisser l’Europe évoluer vers un système plus confédéral