L’économie française est minée par un paradoxe classique en période de « déflation » : la consommation baisse  et l’épargne augmente. On accuse « la crise internationale » d’être la cause de cette anomalie. Or dans le même temps les USA et la Grande Bretagne  améliorent leur situation. Certes  ces deux pays ont relancé leurs économies par des pratiques financières « non conventionnelles » que l’Europe avait refusées avant le 22 Janvier 2015, mais ils ont également recréé la «Confiance » qui fait défaut dans notre pays.


 Les Français n’osent pas « trop » consommer car ils ont peur du chômage et vont chercher dans des placements  quasi non rémunérés,  vu les taux très bas actuels, une fausse solution à leurs problèmes. Cela suppose, pour comprendre comment sortir de ce dilemme, une analyse  des comportements d’un des trois « Stakeholders » c’est-à-dire les « financeurs du  développement des entreprises » (les «  épargnants »).


Car les  deux autres participants,  clients et personnel des entreprises, sont dépendants de la première catégorie.  Ainsi  le comportement des clients dépend non seulement de leurs possibilités financières personnelles mais surtout de leur confiance dans la gestion de l’économie. Ainsi si l’investissement est insuffisant par manque de moyens, le chômage augmente et la baisse des prix est un « accélérateur » de la « déflation ».Par exemple l’espoir de baisse de prix de l’immobilier est un motif suffisant pour inciter les individus désireux d’investir dans la « pierre »  à retarder leurs achats.


Les troisièmes participants (employés et ouvriers) sont  malheureusement dépendants des deux autres même s’ils participent, un peu, comme clients et épargnants à la situation économique. Certes tout le monde les défend  « en paroles » mais personne ne sait comment les protéger. Les politiques, dont cela devrait être la mission, se contentent de mesures « un peu » démagogiques pour s’assurer une popularité à « court terme ». Les Syndicats protègent surtout les « travailleurs en activité » et, sauf dans leurs discours, se sentent moins concernés par les « chômeurs »


I. Les contraintes des Epargnants

Ceux-ci subissent trois différentes influences qui les incitent à une certaine passivité :

A) L’esprit de précaution

Non seulement il est inscrit dans la Constitution, mais il fait l’objet de toutes les attentions. Lors d’une introduction sur le marché financier, l’A.M.F met en garde les souscripteurs potentiels contre  les risques qu’ils courent. Les pouvoirs publics incitent les Ménages à utiliser leur épargne en dépôts dans les « Caisses d’Epargne » même si le taux réel est négatif, ou si ce taux devient trop rébarbatif en Assurances –Vie monétaires essentiellement placées en fonds d’état et un peu en obligations « Corporate ».  Certes on a créé des Assurances en « Unités de Compte » qui jusqu’à présent ont eu relativement peu de succès. Lorsque le public est tenté,  en période de hausse de la Bourse, de s’intéresser aux valeurs mobilières, on l’incite plutôt à souscrire des O.P.C.V.M.s où les risques sont « répartis » c’est à dire rendus, en apparence, un peu moins dangereux. Mais c’est une forme de « collectivisation » de l’épargne. Les individus sont dépossédés du plaisir de réaliser par eux-mêmes (ou leurs gérants) une gestion où la connaissance des entreprises leur permet d’avoir l’impression de participer au « Capitalisme ».

Les Français acceptent de prendre des risques (loteries variées, casino, contrats Ponzi style Madoff etc) mais ce sont toujours des risques à échéances courtes et à bénéfices potentiels importants. Cela permet de « rêver », surtout si les sommes « mises en jeu » restent faibles, (ce qui n’est pas toujours le cas).


B) La politique des Autorités de Contrôle

Il s’agit essentiellement des mesures prises dans Bâle III et Solvency II (en Amérique le  Sarbanes-Oxley Act voté en 2002 et dont la complexité et la lourdeur sont tels que les décrets d’application ne sont toujours pas terminés). Leur but est d’éviter, lors de difficultés financières futures, le « recours au Prêteur en dernier Ressort »   au nom d’une contre-vérité économique partielle selon laquelle ce recours entraîne toujours un appel de fonds du public (augmentation d’impôts). En effet,  en général, ce  « Recours » n’a lieu qu’en période de crise  c’est à dire lorsqu’une émission de monnaie non gagée (vulgairement la « Planche à Billets ») par la Banque Centrale  se révèle indispensable pour compenser le ralentissement de la vitesse de rotation de la monnaie et assurer la reprise économique. (CF. les politiques non conventionnelles anglaise et américaine et depuis le 23 Janvier 2015, la tentative très particulière de la Banque Centrale Européenne).

Aussi, l’analyse classique qui ne tient pas compte de la vitesse de rotation de la monnaie, qu’elle considère « stable » donc négligeable, entraîne une politique  à courte vue de « non émission monétaire non gagée. ». Cela  gêne toute reprise économique et ne répond absolument pas à l’existence des risques actuels. A titre d’exemple on peut citer la masse de produits dérivés (plus de 600 trillons de dollars). La solution trouvée consiste à en faire passer le plus possible par des « Chambres de Compensation » qui garantissent la bonne fin des opérations. Or les capitaux propres qui servent de couverture aux risques que ces chambres acceptent est en général d’un milliard à un milliard et demi de dollars, montant insignifiant par rapport à la masse des produits dérivés.

Parmi ces produits il en existe un dont le risque est majeur : les C.D.S.s (dont le montant actuel dépasse 20 trillons bien qu’il soit en légère baisse par rapport à celui des années précédentes). Le risque reste élevé pour les institutionnels qui vendent des C.D.S.s. A titre d’exemple l’accord de Deauville entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel faisant payer une partie de la dette grecque aux prêteurs privés a été considéré comme entraînant une faillite partielle. Cela a fait « jouer » le remboursement des C.D.S s et a coûté 3 milliards de dollars aux Institutionnels qui avaient vendu ces C.D.S.s. Aussi en cas de faillites importantes les C.D.S. entraîneraient une catastrophe bancaire d’une telle ampleur que les mini-mesures style Bâle III, si  parfaitement efficaces pour gêner le développement économique, seraient totalement insuffisantes pour éviter des faillites bancaires en chaine. Le recours au prêteur de dernier ressort serait alors  tellement important que, dans ce cas, on serait vraiment  obligé de faire appel au public.


C) Le rôle des Pouvoirs Publics.

La position des Pouvoirs Publics consiste à privilégier  deux  types de parties prenantes, c’est à dire les clients surnommés «  les consommateurs » et le personnel. Pour les premiers on cherche à augmenter au maximum la concurrence entre producteurs pour leur assurer les meilleurs prix .Cela risque de réduire les marges des entreprises et de les empêcher de faire des investissements, solution qui a surtout pour effet de pénaliser l’emploi.

A titre d’exemple, dans le domaine financier, on a de plus en plus besoin de faire appel à la Bourse pour assurer le financement des investissements car les banques vont de moins en moins pouvoir  fournir des fonds aux entreprises. Or, en contradiction avec cette politique, la multiplication  des Marchés financiers (MIFID I et II) assure, sans raison économique, une amélioration  de la concurrence entre intermédiaires. Cela  fait  baisser leurs commissions, mais  ne fait pas réellement diminuer le coût des transactions, vu le nombre de nouveaux intermédiaires qui « désirent être rémunérés ». Aussi pour assurer la protection des clients, on a inventé la « Best Execution », d’autant moins efficace que cette politique comporte un nombre « exceptionnel d’exceptions ». On a développé les « Flash Orders » pour essayer de réduire les écarts de cours entre les différents marchés. Aussi  un certain nombre d’Institutionnels autour de Fidelity sont en train de créer un « Dark Pool » spécialisé  interdit aux opérateurs de « Flash Orders » pour éviter leurs interventions.

Les organismes de protection des consommateurs jouent pleinement leur rôle comme protection des intérêts à court terme de leurs adhérents, mais cela provoque une détérioration des marges des entreprises , risque de réduire les investissements  et de ce fait entraîne le développement du chômage des mêmes individus dont on améliore le revenu.

De la même façon les Gouvernements ont tendance à pénaliser fiscalement les épargnants directs au profit (partiellement) de l’épargne « collective »ou des placements (directs ou indirects) en fonds d’Etat. Cela  facilite le renflouement des déficits publics, mais provoque un « effet d’exclusion » des actions. Or ces dernières sont la meilleure forme de placement pour le financement des entreprises car n’ont pas besoin d’être remboursées (A noter qu’en France on préfère l’endettement, en souvenir nostalgique de l’époque où celui-ci s’annulait régulièrement grâce à l’inflation).


II Les nécessités  de l’époque actuelle.

Il faut analyser les deux tendances actuelles! l’aggravation des risques grâce à l’excès de « précautions inutiles » et le retour vers le « Marché ». Mais il faut faire trois remarques concernant des comportements qui gênent spécialement le développement français.       

a) Comme toute l’Europe continentale la France collecte des fonds par le marché à hauteur de 20 % alors que le Etas Unis  en collectent 75 % ce qui rend les banques américaines moins vulnérables aux règlementations bancaires de style Bâle III                                                                                                                              
b) Les entrepreneurs ont peur de perdre le contrôle de leurs sociétés et recourent le plus possible à l’emprunt.
c) Les Marges Bénéficiaires  des entreprises sont très faibles en France d’où un manque d’autofinancement, (par opposition à l’Allemagne, où grâce à des marges bénéficiaires  très importantes, on résout mieux le problème du financement de l’investissement).

A. L’aggravation des risques grâce à l’excès de précaution.

En fait la politique de « combat pour la liquidité des banques » a pour effet de les inciter à augmenter les achats de fonds d’Etat, à limiter leurs prêts aux grandes entreprises (théoriquement sans risque) et à négliger les P.M.E et les start ups pour deux raisons :un manque de liquidité disponible et un désir de ne pas faire d’analyse économique de ces sociétés car cela est difficilement rentable.

Cela a plusieurs conséquences :

a) l’Etat doit alors « inciter » les banques à pratiquer une politique plus favorable envers les P.M.E et intervenir pour compenser ce manque d’intérêt des banques  (création de la B.P.I.).

b) Comme il faut trouver plus de fonds pour les petites entreprises on est obligé de faire appel au « Shadow Banking ». Bien entendu le risque économique est plus fort que celui du secteur bancaire. Aussi on tente de le contrôler au risque d’en réduire considérablement l’efficacité.

c) De là se crée un développement nouveau encore plus risqué le « Crowdfunding », solution originale, qui s’est développé de façon autonome mais que les pouvoirs publics sont décidés à régenter. Aussi grâce à l’imagination  des financiers il faut s’attendre à ce que l’on trouve des solutions encore plus dangereuses car le besoin d’investir est fondamental sous peine de tuer le reste des entreprises.

B) Une solution qui reste : le recours au marché boursier.La Bourse est mal connue et mal jugée. Une député spécialiste des problèmes financiers a pu même poser avec une complète bonne foi, la question de savoir si la Bourse « avait encore une utilité et ne devrait pas être fermée. En fait les mesures style Bâle III ont pour principal effet d’inciter les entrepreneurs à réduire leur dépendance à l’endettement bancaire et à augmenter leur appel au marché. La France voudrait que cet appel passe rapidement de 20 à 40 % des fonds servant à l’investissementEn fait la Bourse conserve des avantages par rapport aux autres secteurs du marché financier.

a) Elle assure une cotation qui reflète l’opinion du public sur une valeur donnée alors que plus un marché est « confidentiel » plus il est dangereux, même s’il facilite les transactions de « bloc de titres.

b) Elle permet d’intéresser le personnel  et le grand public à la gestion des entreprises même si, en France, la gestion manque de fonds du fait à la fois du caractère timoré du public à l’égard de la prise de risque et de l’effet d’exclusion de la part des placements publics ou assimilables.


Conclusion

De cette étude se dégagent deux problématiques : l’une interne : l’évolution du modèle français vers un modèle international, l’autre externe : les tentatives d’augmentation des crédits européens (315 milliards d’euro) et une certaine création monétaire (1140 milliards d’Euro) partiellement européanisée  (à hauteur de 20 % )

a) L’évolution actuelle consiste à rapprocher le modèle français du modèle américain. Euronext avec la création d’EnterNext(2013) et, en multipliant les introductions, travaille en ce sens mais il rencontre une difficulté : la faiblesse des fonds disponibles pour assurer la vraie transformation que les règlementations internationales  imposent. Malheureusement   les disponibilités des investisseurs sont limitées et l’imposition anormale des plus-values empêche le public de participer durablement aux «  Introductions », et  surtout, de suivre celles-ci après l’introduction rendant le marché post-introduction « difficile » De ce fait les plus belles introductions de titres français se font à New-York ou en Asie.
Or Il est indispensable d’inciter les entrepreneurs à augmenter et ouvrir leur capital car en période de stabilité monétaire on est obligé un jour de rembourser ses dettes. (quitte à  protéger son capital en utilisant par exemple les possibilités juridiques des « sociétés en commandite »).

b) Il faut aussi tenir compte de l’environnement économique.

I .la situation internationale est exceptionelle : baisse du pétrole à moins de 50 dollars, baisse des taux sous l’influence des différents Q.E. étrangers et baisse de l’Euro grâce à la politique de la B.C.E.

II. L’espoir du lancement d’un emprunt de 315 milliards d’Euro dans la Communauté Européenne suscite un certain regain d’optimisme, même si le financement de cette émission semble difficile à réaliser, les organismes (B.E.I, Banques Centrales etc) font preuve d’une grande méfiance pour en assurer la garantie.

III. Mais surtout le « Bazooka » de la B.C.E est lancé le 22 Janvier. Il débutera en Mars, sera d’un montant de 1.140 milliards d’Euro (minimum) soit  60 milliards d’Euro par mois jusqu’en septembre 2016( au moins). Ainsi, tous les mois 12 milliards d’Euro seront émis par la B.C.E. ( soit  20 % de l’émission),le reste par les banques centrales de chaque pays soit  25 % pour l’Allemagne (12 milliards) et 20% pour la France ( 9,6 milliards). Les fonds ainsi « créés » seront utilisés pour acheter auprès des Banques et Institutions des dettes structurées  (Asset back securities (A.B.S.) par exemple) et des fonds d’Etat. Cela entraîne plusieurs remarques. Une telle mesure n’est efficace que si les bénéficiaires en utilisent une part suffisamment importante en investissement dans les entreprises, ce qui n’a pas été le cas pendant très longtemps aux U.S.A (les fonds servaient à des spéculations de style « Carry Trade »,ou dans des accumulations de liquidités etc).  Par ailleurs on peut poser le problème de savoir si les montants émis sont suffisants car il faut bien noter qu’il y a encore des remboursements de V.L.T .R.O. (de 2011 et 2012) qui vont, dans le même temps, réduire la masse monétaire européenne.

On voit ainsi que la France  a toutes les chances de pouvoir profiter de la situation actuelle mais il serait intéressant de mieux utiliser les investisseurs privés  en réduisant les mesures confiscatoires qui les éloignent des marchés financiers.