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Catégorie : Notes de conjoncture
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Historiquement les Bourses ont trois fonctions :   
- Elles permettent une évaluation psychologique des entreprises selon l’idée que s’en font les Investisseurs     
- Elles facilitent la collecte de fonds par les entreprises cotées (Introductions, émissions d’actions et d’obligations) et surtout
- Elles permettent la revente de titres entre investisseurs.

Il est important de déterminer si les Bourses actuelles, et en particulier celle de Paris, répondent à cette triple définition et si une bourse Européenne aiderait à une meilleure réalisation de ces objectifs.

La Bourse de Paris a été fusionnée avec celles de Bruxelles, Luxembourg, Amsterdam et Lisbonne pour former « Euronext ». Cette Bourse a d’abord tenté un accord avec Francfort, puis a fusionné avec le « New York Stock Exchange NYSE ». Cette dernière a été rachetée par l’Intercontinental Exchange I.C.E. ». Euronext a retrouvé récemment son indépendance grâce à sa cotation sur le Marché.

Si Euronext est encore au 5 ème rang international en matière de capitalisation boursière (actions) son rang à l’échelon mondial est insignifiant vu la faiblesse de son marché de produits dérivés (en particulier parce que l’I.C.E. a conservé le Marché Anglais de dérivés, le « LIFFE » qui était son plus bel actif en matière de rentabilité.

Mais en posant le problème de cette façon on ne répond pas à la vraie question c'est-à-dire les Bourses servent-elles encore l’économie des pays et en particulier de la France ?

Cela pose deux questions :                                         
- Les bourses traditionnelles ont-elles encore un sens face :

1 - au développement des Bourses non réglementées « Mutilateral Trading Facilities M.T.F.s »,                             
2 - à des opérations de « Gré à Gré » dites « Over The Counter O.T.C. ».
3 - à des opérations partiellement « confidentielles » effectuées dans des «Plateformes opaques /  Dark Pools »                              
- L’épargne française est-elle capable d’assurer le financement des entreprises avec ou SANS passage par la Bourse ?

En essayant de répondre à ces deux questions, on pose alors le problème de l’intérêt qu’il y aurait à faire une bourse Européenne (au moment où l’Angleterre et l’Allemagne envisagent de faire une Bourse Commune.)

I Le nouveau Marché financier.

Le Marché actuel a trois caractéristiques :

- Les Bourses subsistent mais n’ont plus de monopole. Les commissions prélevées par les intermédiaires donnent lieu à une concurrence farouche entre eux.  Cela rend peu rentables les opérations classiques (actions et obligations) dont l’importance économique est pourtant très supérieure à celle des produits dérivés.  Ceux-ci se subdivisent en :

 - Produits cotés à très large marché (par exemple le 10 Mai 2010 un Broker a pu passer un ordre de 4,5 milliards de Dollars en contrats « mini Standard & Poor’s 100 Stock Price Index » en provoquant d’ailleurs un Krach célèbre.)
 - En produits cotés à marchés plus ou moins étroits où le manque de liquidité assure aux teneurs de marché des marges confortables            
 - Produits qui s’échangent hors des bourses traditionnelles (O.T.C.).

Ce manque de liquidité (sauf pour les quelques produits à très large marché) explique la forte rentabilité des Bourses de Produits Dérivés. Ainsi l’Intercontinental Exchange ou I.C.E a pu s’offrir le « NYSE Euronext » (en ne gardant d’Euronext que le « joyau » qu’était le marché des dérivés anglais le « LIFFE ») tandis que la Bourse de Francfort cherche à acquérir le « London Stock Exchange L.S.E » qui détient également une Bourse de produits dérivés. Or en prenant les chiffres publiés par la « World Federation of Exchanges » pour 2014, on voit que les Bourses Actions de New-York (19 trillions), Tokyo (4,3 trillions) et même Euronext (3,3 trillions) ont une capitalisation beaucoup plus importante que celle de la Deutsche Börse (1,7 trillions) ou des Bourses (actions) de Chicago.

  1. Les Bourses de Produits Dérivés sont, par contre, beaucoup plus rentables vu l’ampleur de leurs transactions. Par exemple en options sur « INDICES », le « Chicago Board Options Exchange CBOE » en a échangé en 2014 pour 246 trillions de $ US, le « Chicago Mercantile Exchange C.M.E » 130 trillions, « EUREX » filiale de la Deutsche Börse 340 trillions et Euronext seulement 17 trillions.
  2. Les « Electronic Communications Networks ou E.C.N.s) » devenus en Europe les « Multilateral Trading Facilities M.T.F.s » sont des Marchés électroniques en concurrence avec les Marchés dits règlementés. Ils profitent de la dématérialisation des opérations pour opérer avec un coût extrêmement bas.  Certains d’entre eux sont très importants comme « Bats-Global Market »   désormais second marché mondial par l’importance de ses transactions Tandis que sa filiale « Bats. Chi-X Europe » est le premier marché européen.  D’autres se sont fait racheter par les Bourses traditionnelles comme « INSTINET » par le « NASDAQ » (2 ème marché américain) ou « Archipelago » par le « NYSE » et « Turquoise » par la bourse de Londres « L.S.E. ».  Par contre les grands Marchés où existe encore une importante clientèle privée (U.S.A., Angleterre, Pays-Bas) gardent une importance très grande et assurent les cotations auxquelles se réfèrent les « faux marchés » (M.T.F.s, Black Pools, Crossing Networks etc.) quel que soit leur importance.
  3. Les opérations O.T.C s forment l’équivalent d’un gigantesque marché concernant surtout le Change et les Produits dérivés (essentiellement les « swaps de taux et de change » et les  «  Credit Default Swaps C.D.S »). Les Autorités financières cherchent à en limiter les risques en voulant obliger les opérateurs de ces produits    à les compenser à travers des « Chambres de Compensation ».  Mais cette garantie est limitée vu la taille relativement limitée de ces Chambres par rapport au volume total des produits dérivés actuellement encore cotés O.T.C.
  4. On doit ajouter à cette analyse « classique » des Marchés Financiers l’« Uberisation » qui se développe rapidement au détriment de l’activité bancaire. Parmi les « Fintechs », le « Prêt participatif ou Crowdlending » par exemple peut faire des prêts à long terme mais surtout dans les années à venir le développement du « Block Chain ». Ce système hyper sécurisé de transactions va permettre aux « Institutions » (Banques, Assurances, Sociétés de Gestion de Portefeuille, etc.) d’effectuer directement leurs ordres de bourse sans passer par des intermédiaires

II Pourquoi la Part Parisienne d’Euronext ne se développe pas plus.

L’efficacité d’une Bourse dépend donc de sa facilité à collecter des fonds au profit des investissements. Euronext est encore la 5 ème Bourse mondiale dans le domaine des actions, la Bourse de Paris a mal supporté

les fluctuations dues aux diverses crises des dernières années (le nombre de porteurs privés d’actions, d’obligations et d’O.P.C.V.M. est passé de plus de 7 millions à environ 3,7 millions). Autrefois, existait un maillage pour la collecte de fonds pour la Bourse Française grâce aux « Bourses de Province avec et sans Parquet ». Par un désir de rationalisation, on a peu à peu réduit l’espace de collecte, tandis que la Banque de France pratiquait une politique un peu semblable en faisant absorber par des grands « Etablissements de Crédit » la plupart des Banques Régionales. Delà un appel à l’Etranger qui détient environ 45 % des valeurs du C.C 40 et 60 % de notre dette obligataire.

Le développement des avantages fiscaux de l’assurance-vie assurait à tous les gouvernements la possibilité de combler ses déficits publics même si cette collecte de fonds se faisait au détriment des placements en actions (effet d’exclusion).

Cette politique des pouvoirs publics est facilement acceptée par les entreprises, Car elles ont peur de faire des augmentations de capital qui pourraient mettre en danger leur contrôle.  Les entrepreneurs eux-mêmes préfèrent assurer leur développement par des dettes bancaires ou des obligations avec l’espoir de ne rembourser que très partiellement grâce à l’inflation (technique d’ailleurs qui a permis le succès économique des « Trente Glorieuses »).

En 1973 le « Chicago Board of Trade » obtint l’autorisation de créer un marché pour des  «  Futurs » de Change. La physionomie des Bourses était transformée. Trois modifications importantes ont eu lieu :

2.1 - L’énorme marché des Dérivés lancé à Chicago (C.M.E.et C.B.O.T), à Londres (L.I.F.F.E) et à Frankfort (Eurex) puis plus tard à Atlanta (I.C.E.) ont assuré à ces marchés une puissance financière sans comparaison avec celle des marchés traditionnels. Fin 2015, selon les évaluations de la « Banque des Règlements Internationaux B.R.I » la « Position ouverte » totale en Produits dérivés atteint 552.9 trillons de Dollars montant incluant des « C.D.S » (le secteur le plus dangereux) qui a lui-même une position ouverte de 14,59 trillions.

2.2 - Bien plus les marchés traditionnels se sont décomposés sous une double influence : La création d’E.C.N.s a multiplié les cotations rivales et il s’est créé toutes sortes de marchés parallèles pour blocs de titres cotés et titres non cotés grâce à des structures dites de « Shadow Banking » ( Sociétés de Private Equity, Hedge-Funds, etc.  ). Dans le même ordre d’idée, au nom sans doute du désir de « transparence » on a créé des « Dark Pools » et en voulant que les « transactions soient ouvertes au grand public » les « High Frequency Tradings » réservé à des seuls initiés. 

2.3 - A la suite de crises diverses (2000) explosion de Sociétés informatiques en (2005), faillite d’Enron (2007), crise dite des « Subprimes » on a créé des organismes de contrôle (Bâle I, II et III), des lois pour organiser des « résolutions » de Banques (c’est à dire la liquidation en douceur des banques en difficulté). Chaque mesure entraîne des hausses de coût pour le secteur bancaire, incitant celui-ci à rechercher des fonds sur les marchés boursiers ou en capital investissement (au risque de créer un effet supplémentaire d’exclusion.).

On comprend alors que les Bourses se classent en fonction de leur rentabilité (d’où l’avantage énorme des Bourses de Produits Dérivés).  Les capitalisations boursières reflètent cette situation (en 2012 les 5 premières Capitalisations Boursières étaient Hong Kong (19 trillions), C.M.E. (17,5 trillions) Deutsche Börse (11,8 trillions) I.C.E. (9,33 trillions) et NYSE Euronext (5,8 trillions). Ces Bourses très rentables monopolisent des fonds importants rendant plus difficile la levée de fonds pour les investissements. Par ailleurs la France est handicapée par un certain manque d’esprit spéculatif (Le Matif n’a jamais réussi à se développer comme Eurex) et par le manque de capitaux privés disponibles (effet d’exclusion). Il faut ajouter à ce deuxième défaut une propension nationale à surfiscaliser l’Epargne ce qui ne facilite pas le développement de Paris. (A 65 % l’impôt sur les plus-values oblige les détenteurs de portefeuilles privés importants à les « geler » rendant toute gestion, difficile)

Conclusion : Faut-il rechercher à réaliser une Union Européenne des Bourses !

On voit ainsi :
 - que les Marchés les plus utiles économiquement sont les marchés d’actions et d’obligations. Seuls les premiers sont véritablement cotés sur des Bourses règlementées (en concurrence avec les marchés Informatisés et parfois O.T.C.s)
                
 - Mais l’importance économique réelle dépend de l’ampleur de la partie de l’épargne locale et des dépôts étrangers que la Bourse d’un pays peut mobiliser. Ainsi l’Angleterre génère peu d’épargne mais celle-ci est mobilisée pour les marchés financiers en outre elle reçoit des sommes importantes de l’étranger. Par contre l’Allemagne dispose de l’épargne financière la plus importante d’Europe, mais la plus grande partie est utilisée en « Schuldsheins » sortes d’obligations agrégeant des dettes privées. Cependant le solde utilisable sur le marché financier reste important. La France dispose d’une épargne très importante 15 à 16 % de son revenu disponible mais la plus grosse part va vers l’immobilier. Il reste 6 % d’épargne financière qui est presqu’entièrement utilisé pour le financement des déficits publics par l’intermédiaire des Caisses d’Epargne (dont une grande part des ressources est utilisée pour l’aide au logements sociaux) et surtout de l’Assurance-vie. Cela explique que des entreprises françaises comme « Critéo » ou « Cellectis » aient été se faire coter à l’étranger.                                                                                                                                                 
 - L’indépendance retrouvée d’Euronext, donne à Paris une nouvelle chance et assure un renouveau de son dynamisme financier. Les Introductions se multiplient malgré un marché hésitant. Le problème posé est de savoir s’il serait préférable de fusionner les bourses Européennes, opération commencée par la tentative actuelle de fusion entre le L.S.E. et la DB. Cela oblige à poser deux questions

Dans ces conditions une fusion des Bourses Européennes ne pourrait qu’aider au développement économique de l’Europe.