A une époque où se mélangent de plus en plus le « réel » et le « virtuel », il était pensable que cette tendance n’épargne pas la monnaie.

Revenons aux principes de base : la masse monétaire est en constant développement. Milton Friedman a démontré dans son étude sur « l’histoire monétaire des Etats- Unis » qu’il fallait une augmentation annuelle en termes réels de 3 % pour assurer une croissance régulière des économies. Irving Fisher a montré que l’élément important dans l’analyse quantitative de la monnaie n’était pas la masse monétaire mais le « mix » monnaie multiplié par la vitesse de rotation de celle-ci , vitesse qui se ralentit en cas de crise et qui s’accélère en cas d’inflation.

Or le montant global de la masse monétaire est difficile à déterminer, car tout le monde participe à sa création : La banque centrale parce que c’est sa fonction fondamentale, le secteur bancaire parce qu’il multiplie ses fonds propres et utilise, pour faire des prêts, une partie des fonds qui lui sont déposés, le secteur privé grâce aux « délais de paiements »que consentent les créanciers (600 milliards d’euros en France ce qui n’est pas négligeable), les particuliers enfin par l’émission de chèques et l’utilisation de cartes de crédit . Aussi le besoin constant de monnaie a incité les « financiers » à imaginer des monnaies virtuelles : Bitcoins, Bitcoins Cash, Ether,Ripple, littlecoin, Dash, Monero etc ; En juin 2017,le Bitcoin et le Bitcoin cash (une branche sécessionniste du Bitcoin) représentaient 39 % du marché des « Alt-monnaies » l’Ether émis par le blockchain Ethereum 31 %, Ripple 9 %. Le 21 Janvier 2018 les Bitcoins étaient capitalisés 237 milliards de dollars, l’Ethereum 125, les Ripples 82,les Bitcoins Cash 44 pour ne citer que les 4 premiers. Au total les 1.400 monnaies cryptées avaient à cette date une capitalisation de 700 milliards.

Cela suppose toute une structure : des « Blockchains » pour assurer une transmission « sans risque », des « plateformes » pour faciliter les transactions , mais également les buts poursuivis ce qui nous conduit naturellement à essayer de comprendre la « nature » de ces produits. Ce sont ces trois points : structure des systèmes, buts recherchés et l’analyse économique de ces « monnaies qu’il faut essayer de comprendre.

I - Structure des systèmes

Cela comprend des « blockchains », des plateformes et un réseau d’opérateurs qui aident les opérateurs finaux à faire leurs transactions.

a) Les « blockchains 

Le blockchain est un « registre(ledger) » qui enregistre des « instructions » et les « sécurise » en les faisant accepter par des opérateurs dit « mineurs »et dès qu’acceptées deviennent inviolables et se conservent indéfiniment.
Le premier créé celui des Bitcoins a été lancé par un Opérateur anonyme intitulé Satoshi Nakamoto ; celui-ci ou les vrais auteurs de bitcoins encore inconnus ont construit un système clos croissant jusqu’à un montant de 21 millions de Bitcoins (on en a «émis » jusqu’à présent 16,5 millions en faveur des « mineurs » cad des informaticiens qui arrivent à faire fonctionner le réseau plus vite que les autres mineurs et qui sont actuellement rémunérés de 25 bitcoins à chacune de leurs réussites.)(ce sera bientôt seulement de 12,5 avant d’arriver à zéro dès que la limite sera atteinte).Jusqu’à présent on en a émis « seulement »   17,6 millions .
Les transactions ne peuvent plus disparaitre du système, sont anonymes et « théoriquement »   inviolables. Cependant il y a eu des détournements de bitcoins .la société Chinoise Mt.Gox s’est fait voler en 2013 une grande part de son dépôt en bitcoins et a dû déposer son bilan en 2014. Mais sa liquidation qui se fait en ce moment pose un problème juridique important. Il reste un certain nombre de bitcoins dans le portefeuille de MT .Gox : la liquidation doit-elle se faire en dollars sur la base du cours de l’époque (440 $) ou en distribuant les bitcoins restants ce qui ferait des 25.000 créditeurs, les bénéficiaires d’une magnifique opération financière. D’autres détournements ont eu lieu depuis. Ainsi en juillet 2017 un «  piratage  » de « jetons / tokens » d’Ether de la société allemande Dao a couté 7 millions de dollars. Mais tous ces détournements ont mis en cause la conservation de coins mais pas le système de la blockchain qui jusqu’à présent reste inviolé.
Le Blockchain Ethéreum n’a pas de limite et son « registre » sert pour la plupart des autres « monnaies ». Quelques-unes, cependant, créent leur propre blockchain.

b) Les intermédiaires

Cela comporte des courtiers qui prélèvent une commission sur leur clientèle privée (près de 2 millions aux U.S.A.)et les « mineurs »qui assurent le développement du système .Comme ,pour obtenir l’allocation de 25 coins, les opérateurs développent des systèmes informatiques de plus en plus puissants .On parle alors de « fermes de mineurs ».Comme celles-ci nécessitent un usage considérable d’électricité ces « fermes » recherchent des endroits où l’électricité est la moins chère Ainsi en Suisse elles se sont installées à Zug pour profiter d’une électricité bon marché et d’une fiscalité légère. La Chine est le principal centre d’activité de ces « fermes », mais le gouvernement qui tente de les interdire intervient parfois comme au Sichuan en interdisant aux Centrales Hydroélectriques de leur fournir de l’énergie. Ces coins sont négociés sur des plateformes spécialisées comme Bitstamp ou GDAX.

II - les buts de ce système

Quand Satoshi Nakamoto a inventé le système du Blockchain et du Bitcoin, il s’agissait pour lui, semble-t-il, de créer un moyen de générer des opérations financières hors contrôle de gouvernements, (donc anonymes )parfaitement sécurisées et indestructibles. Mais ,les opérateurs ont vu qu’il était possible d’augmenter à l’infini les émissions de telles monnaies en en inventant d’autres, en créant d’autres blockchains (par exemple l’Ethereum) et en les faisant connaitre par des émissions sur des plateformes spécialisées sous forme d’introductions appelées « Initial Coins Offerings I.C.O » (pour imiter les Initial Public Offerings I.P.O en français Introductions en Bourse.)Il nous faut analyser ces deux points.

a) les rôles du bitcoin.

Son caractère anonyme en fait, en apparence, un merveilleux outil pour le blanchiment de fonds illicites. On se heurte cependant à une difficulté : si vous voulez échanger quelques bitcoins contre des monnaies « sérieuses » c’est très facile, mais en général cela n’intéresse pas les trafiquants qui ont toujours des sommes très importantes à « liquider ».Or il n’y a alors que des banques qui puissent résoudre leur problèmes et celles-ci demandent obligatoirement l’origine des fonds(ce qui les ramène au problème précédent)On évalue cependant l’activité illicite à 60 % de l’activité des bitcoins.
Aussi les bitcoins et leurs suiveurs ont heureusement une autre activité : faciliter les transferts de fonds. En effet ils sont très rapides très peu couteux et rendent ainsi de grands services. Enfin on a découvert une autre activité celle de servir d’intermédiaires pour la création de start-ups ce sont les I.C.O qu’il faut maintenant analyser.

c) Les I.C.O.s

Comme pour les transferts de fonds où les monnaies cryptés permettent des transactions rapides et presque sans frais on a imaginé de faciliter les lancements de startups rapidement et presque sans frais. Le mécanisme est simple. Une société crée une alt-monnaie qu’elle va introduire (I.C.O.) sur un marché en annonçant pour qui vont être les fonds collectés. Le porteur des coins ainsi souscrits va avoir tous les droits d’un porteur normal des actions souscrites (dividendes, augmentation de capital, etc.). La Société va pouvoir faire son premier ou deuxième lancement d’autant plus facilement que si l’activité proposée plait ,il y a alors un engouement de la part d’un public mondial qui a ainsi immobilisé 60 millions de dollars en 2016 et 2,3 milliards en 2017. Bien entendu il y a de nombreux excès : « Gnosis » pour une société de « prédictions » a collecté 12 millions dans ses 15 premières minutes et est actuellement valorisée300 millions, « Titcoin » s’intéresse à la pornographie et « Potcoin » à la culture du cannabis. Si l’on veut être plus sérieux envisageons les principales I.C.O.
La Société IPFS (Inter Planetary File System) cherche à vendre du « Computer Storage » crée pour cela une Alt-currency « Filecon » qui collecte 250 millions de dollars. « Tezos qui sécurise des « smart contracts » a obtenu 233 millions etc. Des grandes sociétés cherchent à suivre la « mode actuelle » en créant leurs propre alt monnaie c’est le cas de Kodak qui a lancé ses « tokens » et sur cette annonce a monté en bourse de 30 %. Ainsi les 1.400 ICOs rendent un important service en facilitant les collectes de fonds de start ups. Malheureusement la spéculation s’en mêle et, si les émissions actuelles en profitent, on ne sait pas ce qui se passera quand la mode actuelle aura changé.

III - L’avenir des monnaies cryptées

Il dépend en grande partie des décisions des Etats qui semblent pour le moins hésitants n’étant pas convaincus de la nature des « alt monnaies ».
La Chine, principal pays où se retrouvent les mineurs, pour profiter d’une énergie bon marché (surtout en Mongolie) essaie de les interdire.
Le Japon qui est, semble-t-il, à l’origine de ces « tokens » acceptent les bitcoins comme monnaie à côté du yen mais à deux conditions :la « KYC : Know Your Customer » suivant laquelle on ne doit pas pouvoir négocier des bitcoins sans donner les coordonnées de l’acheteur et du vendeur et tout opérateur qui veut opérer sur cette monnaie doit fournir un « Livre blanc» dans lequel il explique les mesures qu’il prend pour empêcher tout blanchiment.
Entre ces extrêmes on trouve toutes sortes de solutions : Aux Etats-Unis règne une grande liberté. Ainsi Goldman Sachs est prêt à en négocier mais uniquement à la demande de clients « informés ». La CFTC a accepté la cotation sur les marchés à terme de Chicago « CME » le 1ersemestre 2018 et « CBOE » le 1er mars 2018 mais on ne traite pas des Bitcoins ce qui aurait pour effet d’augmenter la masse de tokens. On cote en dollars indexés sur le cours du bitcoin tel qu’il est fixé par 4 plateformes Bitstamp,GDAX,itBit,Krakens (CME) ou une seule « Gemini  »  (CBOE). Cela peut influencer le marché du Bitcoin, mais ne pas interférer avec la technique qui limite la production de ce « token ».

Conclusion

On voit la grande difficulté que représente la nature du bitcoin et bien entendu des autres « monnaies ». Le Bitcoin possède deux des caractéristiques d’une vraie monnaie : la possibilité de faciliter les échanges et de servir de monnaie conservée du moins dès que l’on aura trouvé le moyen d’éviter des vols de jetons par des « hackeurs » astucieux. Par contre comme l’or qui fluctue constamment, il lui manque un arrêt de la volatilité qui empêche pour le moment d’en faire une monnaie de référence pour l’évaluation de biens réels. On peut penser que le développement du KYC et des mesures anti-blanchiment pourront réduire l’activité du Bitcoin et permettre sa stabilité ce qui en ferait une monnaie d’appoint très utile pour amortir les mouvements cycliques.