La Commission Attali propose 300 mesures pour relancer la croissance Française. Ces 300 mesures vont dans le bon sens, ce qui pose problème est la façon dont elles sont mises en application. L’exemple de la mise en application de la mesure sur l’ouverture du marché des taxis parisiens a abouti à une paralysie des transports suivie d’un report de la mesure.

Le rapport Attali est une mine de propositions sur les évolutions possibles de l’environnement économique et social français pour stimuler la croissance. Il doit être utilisé comme un outil d’échanges et de négociations entre les différentes composantes du corps social pour modifier les rapports contractuels ou informels entre ceux-ci, et les rendre collectivement plus performants.

C’est par le dialogue que les acteurs du corps social prendront conscience de la nécessité d’une évolution rapide de notre société sauf à prolonger la croissance molle inférieure ou égale à 2 % du PIB français en moyenne sur près de 20 ans.
Il revient donc au pouvoir politique d’organiser ce dialogue à tous les niveaux de la société et dans toutes ses composantes pour que les raisons du changement nécessaires soient comprises, acceptées puis mises en œuvre de façon consensuelle. C’est un effort pédagogique de très grande ampleur sur plusieurs années qui permettra de réaliser ces transformations profondes qu’ont réalisé nos voisins scandinaves, britanniques, espagnols.
Les stratèges savent bien qu’il ne suffit pas d’avoir la bonne vision pour que la réussite soit là. Il faut savoir la mettre en œuvre pour éviter les dérapages opérationnels. Si le débat n’est pas engagé en profondeur les mesures proposées seront perçues comme venant d’en haut et technocratiques. De ce fait elles seront peu appliquées et souvent rejetées. On retrouve là les caractéristiques de ce phénomène décrit par Michel Crozier il y a plus de 40 ans.
Parmi les différentes mesures proposées certaines peuvent avoir un effet rapide en 12 à 36 mois si l’on se concentre sur leurs applications. Toutes les mesures favorisant les PME innovantes doivent être déployées dans les meilleures conditions et le plus simultanément possible car elles auront alors un effet rapide sur l’emploi et le pouvoir d’achat.
Ceci suppose de faciliter leur création et leur déploiement, de renforcer le financement de ces dernières aux différentes étapes de leur développement.
Le dernier colloque organisé par l’Andese le 6 décembre dernier sur les « PME innovantes et les pôles de compétitivité » a montré la nécessité urgente d’aller à l’opérationnel. Il est clairement ressorti des différentes interventions que la commande des grandes entreprises est l’un des éléments clé du redémarrage de l’écosystème des PME innovantes. La commande entraîne la croissance et cette dernière favorise l’intervention des capital-risqueurs et des banquiers.

Cependant peut-on augmenter le crédit impôt recherche (CIR) dont vont bénéficier en priorité les grandes entreprises sans leur demander d’être plus citoyennes dans leurs commandes vis à vis des PME ? C’est à dire d’augmenter le volume de commandes qu’elles génèrent vers plus de PME, de se décider plus vite à commander [les décisions de commande émanant d’entreprises françaises sont deux à trois plus longues (durée) en moyenne que lorsque ce sont des entreprises russes, américaines ou israéliennes qui les prennent selon le comité Richelieu], et enfin une fois la commande passée de la régler dans des délais raisonnables. Cette mesure (le CIR renforcé) qui se déploie actuellement sans contreparties citoyennes spécifiques va renforcer les plus forts et n’accélérera pas à priori la croissance des PME qui créent les emplois sur le territoire national.
Les mesures présentées ci-dessous, tirées du rapport Attali, visent à produire un renouveau du tissu industriel et économique :
- Passer de 5 milliards de capitalisation actuellement sur la plateforme Alternext à 50 milliards d’ici 2012
- Augmenter de 30 % le nombre de sociétés cotées sur le CAC 40, d’ici à 15 ans.

Si l’on souhaite parvenir à ces objectifs il faut absolument faire évoluer fortement les pratiques actuelles sur le sujet.

Il nous paraît indispensable que les grandes entreprises affichent dans leur bilan non seulement les délais moyens de paiement aux PME comme proposé par la commission Attali mais également le montant de leurs achats et la croissance de ces achats d’une année sur l’autre. On pourra ainsi apprécier le comportement citoyen de ces entreprises qui bénéficient d’allégements fiscaux financés par le contribuable français. La contribution de ces grandes entreprises à la croissance de l’écosystème des PME par leurs commandes est une des clés incontournable de la relance de la croissance et de l’emploi.
Il n’y a pas révolution en la matière. Il s’agit tout simplement de rattraper le retard constaté vis à vis de l’Allemagne, des pays scandinaves et de la Suisse qui font partie des pays « leaders » en Europe selon le tableau de bord de l’innovation publié par l’Union européenne (Voir la revue Vie et Sciences Economiques n° 176-177).

Il ne peut y avoir de politique de relance ambitieuse sans un volet de politique industrielle et de services fort relayé par les pôles de compétitivité. La mise en place de cette relance industrielle doit s’appuyer sur les acteurs clés que sont les grandes entreprises, et valoriser les PME existantes et émergentes. Les grandes entreprises ont tout à y gagner pour leur image et leur notoriété. La réussite de cette démarche suppose cependant une volonté réelle du pouvoir exécutif, constamment appuyée par un souci de pédagogie.

A défaut d’une telle politique le pays continuera de glisser de plan PME en plan PME comme il le fait depuis 20 ans avec les succès mitigés connus. On mesure depuis 18 mois en grandeur réelle l’effet destructeur de la faiblesse de l’écosystème industriel sur la structure des exportations en période d’énergie chère. Le déficit de la balance commerciale est de près de 40 milliards € en 2007 avec des taux d’intérêt plus favorables que les taux 2008.
La conjoncture financière mondiale actuelle n’est guère porteurse car ses premiers effets en Europe se traduisent par un reserrement du crédit et une légère hausse des taux. pour les PME. Cependant la constitution d’un socle fort de PME innovantes et internationalisées notamment vers les pays émergents à fort taux de croissance ne peut que favoriser une meilleure absorption des crises cycliques par l’économie française au sein de l’économie européenne.
Cete politique industrielle est un chantier de moyen et de long terme qui recompose l’offre produits/services en réhaussant sa compétitivité. Cette stratégie mise en œuvre par les scandinaves il y a déjà 20 ans et l’Allemagne il y a plus de 10 ans, montre ses effets positifs pour les économies de ces pays. Elle s’appuyait également sur un ensemble de mesures touchant à la production de connaissances (renforcement de la recherche et des pôles universitaires), à la consolidation des fonds propres et du financement des PME et à des mesures favorisant leur internationalisation. L’ensemble des ingrédients de cette relance est disponible en France. La diagnostic est réalisé et il convient donc de se focaliser sur l’ application de certaines des mesures préconisées en y mettant une forte dose de pédagogie et cela dans la durée.


Daniel Bretonès le 21 mars 2008