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Catégorie : Notes de conjoncture
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Le système capitaliste repose sur une division du travail dont on prétend que c’est malgré quelques excès le meilleur système pour assurer l’amélioration de la vie des citoyens. Mais la technique style « Taylorisme » dite du « Travail en miette » n’a de sens que si l’on développe une « saine concurrence » et cette dernière ne fonctionne que si les opérations se font dans la plus grande « transparence »

Tout le monde est d’accord sur ces grands principes et pourtant en développant par exemple des « Dark Pools » on réduit la concurrence entre « opérateurs de Bourse » et on réduit au maximum la « transparence ». Le système financier transgresse ainsi les règles qu’il désire s’imposer et pratique ainsi une politique merveilleusement incohérente.

Pour essayer de comprendre cette situation il nous faut analyser les Mythes sur lesquels repose le consensus actuel, les réalités économiques et envisager les vrais risques que tout le monde accepte sans oser aller assez loin pour les éviter.

I - Le principal Mythe actuel : L’importance de la « Liquidité »

La Crise qui a débuté en 2007 a été une crise de liquidité. Des banques (Bear Sterns, etc.), des Assureurs comme Washinton Mutual ou surtout A.I.G.se sont trouvés « illiquides » et ont dû être assistés. Le cas de Bear Sterns sauvé par une intervention de la Federal Reserve a provoqué une levée de « boucliers » telle que la Federal Reserve de New York n’a pas pu empêcher la faillite de Lehman Brothers (Même l’ancien Gouverneur de la F.E.D Paul Volcker avait écrit à Ben Bernanke pour lui faire part de ses critiques concernant le sauvetage de Bear Stern). Or la liquidation de Lehman a internationalisé la Crise Economique. Mais même après le choc de cette déconfiture, le public n’a pas pris conscience de l’ampleur du drame et le Senat a d’abord refusé le projet « Troubled Asset Relief Program : TARP » de Hank Paulson et n’est revenu sur sa décision que parce que le premier vote avait provoqué un Krach Boursier de grande amplitude. (environ 25 %).

Or ce problème rappelle celui du « thermomètre » face à une « maladie ». On prend l’effet (manque de liquidité) pour la cause (le scandale vient du détournement d’une mesure sociale « les subprimes » pour aider des familles peu argentées). Mais elles devaient être capables de rembourser le capital et en payer les intérêts). Les vendeurs de biens immobiliers en ont fait un instrument spéculatif (les règlements étant retardé de deux ans) basé essentiellement sur de fausses déclarations de revenu, car les vendeurs savaient que les banques spécialisées (et leurs contrôleurs) ne faisaient aucun contrôle.
La crise des « Subprimes » a été d’une ampleur énorme dans un marché hypothécaire de 11 trillions de Dollars, car tout le marché a été dévalué par la panique issue du non-remboursement des premières liquidations immobilières. Mais si la crise a, en fait, été due entièrement au manque de contrôle, l’absence de liquidité a été due à la panique qui a suivi la déconfiture de Lehmann, aucune banque ne faisant plus confiance à ses confères.

Certes cette focalisation sur la notion de liquidité avait deux causes :

1.1 - L’incompréhension de l’opinion publique…et son manque de connaissances économiques. En effet le public américain a mis très longtemps à comprendre l’Affaire Bear Sterns et a incité le Sénat à refuser une première fois l’opération de sauvetage du TARP (700 milliards). Celui-ci a très rapidement été suivi par deux autres programmes le « Term Asset-Backed Securities Loan facility : TALF » de 200 milliards (porté en 2009 à 1.000 milliards) et le « Capital Purchase Program ». Le Sauvetage d’A.I.G (première société d’assurance mondiale), de Wachovia (Quatrième banque américaine), etc. ont donné au public l’impression que des sommes importantes étaient  accordées aux Banques alors « qu’elles auraient pu aussi bien (ou même mieux ) être utilisées au profit des victimes des opérations de « subprimes ».

1.2 - Le problème du « Prêteur en dernier ressort »

Les sommes nécessaires après le krach de Lehman pour éviter un effondrement du système financier américain étaient importantes mais malgré les efforts de Tim Geithner alors Président de la FED de New-York, la faillite a été prononcée entraînant une crise mondiale et des difficultés pour toutes les grandes banques américaines. Le problème posé était le suivant : aurait-il été plus coûteux de sauver Lehman que de payer pour sauvegarder le système financier américain ? Ainsi pour éviter de faire intervenir le « Prêteur en dernier ressort » en faveur de Lehman on a dû le « faire en faveur de presque toutes les banques U.S. » (et organiser des sauvetages dans le Monde entier). On aurait pu en tirer la conclusion qu’il fallait conserver la formule « Too Big To Fail » quitte à améliorer les contrôles pour éviter des situations comme Bear Sterns, Lehman ou A.I.G. On a préféré une solution bâtarde : rajouter pour les banques une taxation supplémentaire, en inventant un fonds « de résolution bancaire » chargé d’aider dans le futur des banques en difficulté (après avoir fait payer les actionnaires, les créanciers et même certains détenteurs de compte), et ainsi d’éviter (par pure démagogie) de faire appel à la Banque Centrale. Il semble que le manque de confiance de la part des déposants qui pourront être incités à éviter de déposer leurs fonds dans les banques (s’il se produit un « incident de parcours ») soit beaucoup plus dangereux pour les économies qu’un appel à la Banque centrale payé par une légère et temporaire émission monétaire.

II - La situation actuelle

Elle est caractérisée par une double évolution : la Balkanisation du marché financier  au sens le plus large (c’est à dire incluant le Marché Monétaire ) et le « Court termisme » des Opérateurs  sur ce marché.

2.1 - La Balkanisation du Marché Financier.
Le mythe de la liquidité a entraîné un développement de mesures contraignantes pour limiter les politiques de « Transformation » des banques (c’est à dire l’emploi en investissement à long terme d’une partie des fonds déposés à court terme).  Bâle III a ainsi élevé à 10,5 % des fonds disponibles la couverture des opérations. Mais on a rajouté différents « coussins » Ainsi les banques systémiques (Systematically Important Financial Institutions S.I.F.I) doivent ajouter à ce chiffre un montant variable suivant leur taille (2 % pour la B.N.P., % pour la Société Générale, le Crédit Agricole et la B.E.P.C.). Sans rapport avec cette obligation de fonds « Tier one », les banques doivent répondre à deux obligations de liquidité le « Liquidity Coverage Ratio : L.C.R » obligation de faire face à un blocage des relations interbancaires à 1 mois, et le « Net Stable Funding Ratio : N.S.F.R » (crise de liquidité d’un an). A cela s’ajoutent des ratios de levier (le « Minimum Required eligible liabilities : M.R.E.L » et le « Total loss-absorbing Capacity : T.L.A.C. » plus des tests de résistance, plus…et on commence à parler d’un Bâle IV. Si les banques voient leurs obligations s’aggraver considérablement réduisant leurs possibilités de jouer leur rôle de développeur de l’économie (en Europe Continentale (hors Pays bas) 75 % de l’investissement était financé par le secteur bancaire)  elles sont également attaquées en matière de rentabilité sur leurs activités accessoires par les « Fintechs ».  Ces dernières se logent dans des secteurs de forte rentabilité pour profiter d’un coût très faible grâce à un usage extensif de l’informatique. En matière de service de paiement on compte actuellement 80 établissements ou la « finance participative / Crowdfunding » où l’on en recense 86. Cette détérioration à terme du secteur bancaire a pour conséquence une prise de risque beaucoup plus importante que normale par ceux des établissements qui voudront conserver leur rentabilité provoquant l’effet inverse du but recherché, c’est à dire une aggravation des prises de risques.

2.2 - Le développement du « court termisme »
La lourdeur administrative de la gestion des Banques, lourdeur que l’on aggrave sans cesse, incite à créer des fonds non dépendants du « contrôle de la Banque Centrale ». Ce sont les « Hedge Funds ou fonds alternatifs », fonds ayant des spécialités diverses mais dont la plupart des structures cherchent à pratiquer des opérations à très court terme. Il en est de même des opérateurs de H.T.F. qui effectuent environ 60 % des opérations de la Bourse de New-York et 30 % de celles de Paris. De même les « Exchange Trading Funds », créés pour fournir au public des outils de gestion souples (cotation continue) et peu coûteux (les frais sont limités aux commissions de bourse) ont été détournés de leur but en devenant pour la plupart des produits de spéculation à court terme.

 On est loin de l’idée originelle de la Bourse servant essentiellement à fournir des fonds pour l’investissement. Il faut ajouter à cette analyse de la situation que les principes de base des réformes actuelles ne sont pas assez bien respectés : à savoir la « transparence des transactions » et « l’égalité entre les opérateurs », notions qui ont pour but de prouver au public qu’il peut « faire confiance à la qualité et l’honnêteté du marché ».

2.3 - La transparence des transactions

Celle-ci n’a jamais été aussi peu respectée et ceci essentiellement pour deux raisons :

On a, sous l’influence de la création d’ « Electronic Communication Networks E.C.N.S » créé des « Multilateral Trading Funds M.T.F.s » pour accélérer la concurrence des Bourses et, de ce fait améliorer les facilités de « trading » des opérateurs financiers. Cela encourage à faire des opérations multiples en particulier du « Churning ou rotation », opération qui consiste à faire abusivement « tourner » les comptes des clients. Certes pour protéger un peu les clients face à une multiplicité de cours les intermédiaires sont obligés de rechercher la « Meilleure exécution », technique qui comporte un certain nombre d’exceptions.

Bien plus on autorise l’existence de « Dark Pools » où les opérations ne sont officiellement répertoriées qu’avec retard. Devant les excès de ce système on a certes créé des limites aux possibilités des intermédiaires d’utiliser ces « Dark Pools ».

L’accès aux marchés est-il égal pour tous les opérateurs ? On peut faire à ce sujet au moins deux critiques : les Banques qui pratiquent le « Crossing Network » peuvent faire la contrepartie des ordres qu’elles reçoivent favorisant ainsi leurs clients au détriment du Marché ; les opérateurs de « Trading haute fréquence ou THF » ont un avantage important sur les autres investisseurs. Ces opérateurs ont parfois tendance à franchir la ligne jaune de la morale élémentaire en pratiquant le « stuffing ou bourrage » (accumulation d’ordres vite annulés pour empêcher des concurrents d’intervenir en bourse) ou le « Layering ou stratification » (accumulations d’ordres aussitôt annulés) pour inciter à une baisse ou une hausse qui leur soit favorable, etc...

Au total on s’aperçoit que l’intention du régulateur consiste à favoriser les clients finaux par une baisse maximale des courtages ce qui a pour effet :

D’inciter à une spéculation à court terme sans aucun intérêt économique. Le gouvernement français veut corriger cette anomalie par une fiscalité abusive des patrimoines mobiliers ce qui a pour effet d’empêcher toute gestion directe de la part du public qui joue un rôle très important dans des pays comme les U.S.A, l’Angleterre ou les Pays Bas.

Par ailleurs pleins de bonnes intentions, les Régulateurs sont dépassés par l’innovation financière qui met à mal les règles de base du marché financier.

Conclusion

On est dans le cadre d’une structure économique en complète évolution.

Les Banques ne peuvent plus jouer leur rôle de financier de l’économie. Bien plus on les menace du « Plan de Chicago » imaginé par Irving Fisher selon lequel les banques limitent les prêts à moyen et long terme au montant de leurs fonds propres. Ce qui n’est pas dangereux en pays anglo-saxon où le marché fournit les fonds de 75 % des besoins d’investissement. Ce n’est pas le cas des pays d’Europe Occidentale.

Les Bourses tentent de devenir des tripots où « l’Hyper court termisme » accompagne l’existence de « Cours » qui conservent cependant une valeur de référence. Mais les vraies opérations d’échange de titres se font de plus en plus directement avec un enregistrement à posteriori si les titres sont cotés.

Les Autorités Financières font d’énormes efforts pour réguler les excès que nous avons évoqués, en particulier pour contrôler les « Ordres éclair » sans aller à des mesures trop fortes (comme la taxation des ordres annulés) pour essayer de ne pas décourager le dynamisme des opérateurs mais en éradiquant les excès.

Enfin il faut tenir compte du développement des « Blockchains » qui vont remettre en cause une partie très importante de l’intermédiation financière.

Aussi si l’on continue à aggraver les règles prudentielles et que l’on cherche, en fait, à terme, à appliquer le « Plan de Chicago », les banques commerciales pourront survivre sous une forme réduite laissant des formes nouvelles de « Banque parallèle » faire leur métier actuel. Dans le même temps les Bourses également accablées de règlementations verront leur activité réduite. Il est temps, pour les autorités financières, de préciser la « politique » qu’elles désirent mener pour assurer à l’Investissement les meilleures possibilités de développement et limiter non la spéculation qui peut servir à élargir les marchés mais ses excès.