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Catégorie : Messages du Président
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Le séisme financier et ses conséquences économiques ont frappé et très fort en septembre/octobre 2008. Le résultat direct en est une prévision de croissance négative en 2009 dans les pays de l’OCDE.

Parallèlement à la fragilité du système financier sauvé de la faillite par des injections massives de capitaux et de garanties publics, des enjeux écologiques majeurs liés au réchauffement de la planète apparaissent. Les enjeux concernent la gouvernance économique mondiale mais également la remise en cause des fondamentaux du développement économique. L’économie de marché issue de la seconde guerre mondiale est confrontée à une remise en cause de paradigmes supposés acquis comme la production de biens en grand volume sans intégrer les conséquences énergétiques et environnementales liées à ces productions. La création exponentielle de monnaie virtuelle par les acteurs du système financier en déconnection totale avec le PIB mondial souligne la nécessité de revisiter en profondeur la finance actuelle, ses modes de développement, de régulation et de contrôle.

Après le tsunami du deuxième semestre 2008 l’année 2009 sera l’occasion de la remise en cause de la pensée unique néolibérale. Les supporters de cette dernière attendent que les Etats renflouent les économies malmenées, limitent la casse sociale et replâtrent le système pour repartir comme cela se pratiquait auparavant. Cela ne sera probablement pas le cas car laisser la sphère financière, transversale à tous les secteurs de l’économie, fixer en toute autonomie les règles de son développement et de sa régulation sans arbitrage indépendant mène à des catastrophes majeures comme cela vient d’être démontré. 2009 sera l’année des négociations entre les parties prenantes du nouvel ordre économique mondial. Le conservatisme des adeptes du laisser faire pèsera dans la balance mais l’élection d’un président démocrate aux Etats-Unis annonçant un plan de relance massif de 850 milliards de dollars devrait rééquilibrer la négociation. Le rôle du G 20 qui s’est réuni à Washington le 15 novembre dernier et du Fonds monétaire international va être crucial pour arbitrer les négociations entre des acteurs aux intérêts divergents et faire émerger de nouvelles formes de régulation.

Pour les Etats-Unis ce sera une occasion de maintenir leur leadership dans un monde de plus en plus multipolaire. L’Europe aura l’occasion de montrer qu’elle peut parler d’une seule voix si elle le souhaite… La Chine, le Brésil et l’Inde et la Russie prendront la place qui leur revient dans le concert des nations.

Le mode de croissance actuel qui détruit des millions d’emploi tous les ans dans les pays industrialisés pour en créer autant en Asie sera certainement revisité. La destruction systématisée et durable d’emplois appauvrit une économie et il a fallu inventer des subterfuges comme les « subprimes » pour vendre de l’immobilier à des populations insolvables ou proches de l’être, aux Etats-Unis. Les pays asiatiques dont la Chine vont pouvoir utiliser une partie significative de leur excédent au développement de leur marché intérieur. La composante endogène de la croissance redeviendra plus importante et le développement économique ne reposera plus majoritairement sur les délocalisations à outrance dans les pays à bas coûts avec peu ou pas de protection sociale pour les populations concernées.

Parmi les matières premières, le gaz et le pétrole ont un place particulière car il sont l’objet de convoitises géostratégiques. Lors du colloque Andese sur l’énergie d’octobre 2003, les prévisions de prix du baril pour 2010 le positionnait à un prix voisin de 30 US $ et c’est ce vers quoi tend le prix de cette matière première stratégique au début de l’année 2009. Ceci semble indiquer que la spéculation est en grande partie responsable de la forte hausse des prix du pétrole depuis 2005 et pas seulement la forte demande chinoise pour cette matière première. La forte hausse du pétrole et du gaz a mis en relief l’intérêt des énergies de substitution qui devraient progressivement prendre le relais des énergies fossiles sur un horizon à 20 ans.

Les matières premières agricoles comme le blé, le riz et le maïs ont-elles aussi été soumises à des variations de prix importantes depuis près de cinq ans sous l’effet d’une demande chinoise croissante et de la spéculation. Le cumul de ces deux actions a entraîné des famines en Afrique et en Asie et en Amérique latine. Ce n’est pas la production d’organismes génétiquement modifiés qui maintient les agricultures des pays les utilisant en état de dépendance technique accrue qui réglera le problème. La Politique agricole de l’Union n’a jusqu'à présent pas autorisé les excès en matière d’utilisation d’OGM que l’on rencontre en Amérique du Nord et du Sud, ou en Inde. C’est par ailleurs en réaction aux excès des pratiques de diffusion des « OGM » que se développent très rapidement les cultures « bio » aux Etats Unis et au Canada.

La France dispose d’atouts nombreux dans cet environnement mondial en redéfinition ;>

- Le choix du nucléaire comme énergie majeure pour l’approvisionnement en électricité du pays nous laisse plus d’autonomie qu’à nos partenaires allemands très dépendants des hydrocarbures et du gaz russe. Cependant un rattrapage est nécessaire en matière d’énergie renouvelable comparativement à l’Allemagne et à l’Europe du Nord.

- Le développement des pôles de compétitivité devrait faire émerger dans les années à venir une population de PME au taux de croissance élévé, sources d’emplois à forte valeur ajoutée.

- Parmi ces pôles, le pôle mondial « Finance innovation » pourrait jouer un rôle significatif dans le processus d’évolution de l’économie financière dans ses différentes composantes.

- Le Grenelle de l’écologie a permis de repositionner les enjeux énergétiques et en matière de développement durable avec des retombées économiques à moyen terme.

- La mise en œuvre de la loi de modernisation de nos Universités tout comme les bons classements mondiaux des grandes écoles de commerce françaises sont également des atouts pour l’avenir. L’exclusion des jeunes du marché du travail reste un problème central tout comme la mise à la retraite précoce de seniors, sujet sur lequel il n’y a toujours pas de consensus national.

- Le cadre administratif français centré autour du département et conçu il y a deux siècles devrait également s’adapter aux évolutions techniques et en matière de communication pour se recentrer sur des régions responsables disposant de véritables moyens de développement, plus proches des citoyens et des entreprises.

- La monnaie européenne nous a protégé des excès des fluctuations massives des prix des matières premières depuis plusieurs années. L’Euro fait partie de notre patrimoine il faut renforcer son poids et en faire une monnaie de référence mondiale dans un monde multipolaire.

- Le renforcement de notre partenariat avec l’Afrique dans un cadre moyen / long terme pourrait être bénéfique aux deux parties et renforcer la démocratie sur ce continent.

Les orientations qui seront prises dans tous les prochains mois pourront faire pencher le curseur du développement économique vers un redémarrage progressif de l’activité d’ici 12 à 24 mois ou vers une récession renforcée. Le niveau des interventions des pouvoirs publics dans les pays du G 20, en terme de volume de ressources mises à disposition, et le ciblage des actions engagées et à venir co-pilotées avec le FMI détermineront le cours des évènements. C’est de la volonté politique commune des membres du G20 qu’un nouvel ordre économique mondial pourra émerger et se mettre en place.

Daniel Bretonès le 2 janvier 2009