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Catégorie : Messages du Président
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La nécessité pour la France de maintenir son rang dans la compétition mondiale est à l’origine des évolutions majeures du système français de recherche et d’innovation (SFRI) depuis plus de cinq ans. Différentes agences ont été créées avec un budget spécifique pour lancer des appels d’offre auprès de laboratoires appartenant à des instituts publics, à des universités ou à des structures mixtes. Ce dispositif a modernisé un système de recherche, terreau de compétences scientifiques mais dont les règles de gouvernance dataient des années 1960/70. Parallèlement des pôles de compétitivité ont émergé sur tout le territoire en 2005 avec l’ambition de créer une symbiose entre les entreprises, les régions qui les hébergent et les laboratoires de recherche qui y sont localisés, la fameuse « triple hélice ». Les universités et les institutions académiques sont associées à ces pôles au sein des organes de gouvernance.

La mondialisation a renforcé pour la France la nécessité de faire émerger de nouvelles entreprises à fort potentiel de marché ou d’accélérer le développement d’entreprises existantes pour les mondialiser sur des niches de marché spécifiques. A l’orée des années 2010 la France dispose d’une architecture du SFRI digne de son rang de sixième puissance mondiale. Cependant les résultats concrets en termes de développement d’entreprises sur de nouveaux marchés internationalisés prendront de 5 à 15 ans pour devenir significatifs et créateurs d’emplois à forte valeur ajoutée.

Dans les réseaux de production de savoir et de compétences les Universités françaises souffrent de handicaps. L’ouverture massive des universités aux bacheliers dans les années 1980 n’a pas été suivie des moyens budgétaires adéquats qu’il aurait fallu mettre en œuvre pour accueillir cet afflux supplémentaire d’étudiants. Parallèlement à cet ultra libéralisme démagogique, pas de barrière à l’entrée, les règles de gouvernance de ces institutions n’ont pas évolué. Cependant la qualité des enseignants chercheurs, recrutés eux de manière sélective, a permis au système de se maintenir à un niveau honorable malgré des moyens dégradés en personnels de soutien comme en locaux et en équipements. En effet la recherche française maintient ses positions en termes de publications quoique l’on note une tendance à l’érosion de ces positions. Par ailleurs le système est à la fois centralisé et éclaté en nombre d’institutions de catégories différentes relevant de régimes budgétaires différents. Il suffit de penser au régime des IUT par rapport aux UFR des Universités.

C’est dans ce contexte que la loi de rénovation universitaire «  LRU » agite les universités et arrive après les affaires sur le contrat premier emploi de 2007 « CPE » et les mouvements du printemps 2008 liés au vote prévu de la loi « LRU » en 2009. Les fondamentaux de la réforme sont guidés par le bon sens. Il s’agit de donner un pouvoir décisionnel réel aux Présidents d’Université afin qu’ils puissent concevoir avec leur Conseil un plan de développement et le mettre en œuvre avec les ressources adéquates. Il s’agit également de rapprocher les Universités des parties prenantes que sont les collectivités notamment les régions, et les entreprises. Ceci suppose la mise en place d’une nouvelle gouvernance qui n’est pas nécessairement appréciée par les tenants du système qui prévaut jusqu’à maintenant. Le point central est que toute réforme à un coût et que les moyens financiers déployés par le gouvernement sont supérieurs à ce qu’ils étaient il y a encore deux ans mais qu’ils sont encore insuffisants. La mise en place des 35 heures coûte entre 17 et 20 milliards d’euros tous les ans depuis 10 ans. Une somme de 3 à 5 milliards supplémentaires injectés dans l’enseignement supérieur depuis 10 ans nous permettrait de disposer d’infrastructures universitaires de qualité et d’un encadrement renforcé des étudiants. Si l’actuel gouvernement a fait un effort significatif en matière budgétaire c’est encore trop faible par rapport aux besoins actuels et à l’insuffisance de l’investissement depuis 20 ans. Comment ouvrir ces universités affaiblies à des partenariats européens ? Dans ces conditions comment recevoir correctement les étudiants étrangers et envoyer de jeunes français dans ces universités pour s’enrichir d’expériences nouvelles. Le manque de moyens couplé à une gouvernance souvent peu adaptée, mais qui pourrait évoluer dans le cadre de la mise en œuvre de la loi « LRU », est en train de créer un véritable clivage entre les filières sélectives et l’enseignement public, à l’exception de quelques universités qui ont réussi à mettre en place des pratiques de sélection et d’orientation.

Il s’agit donc bien d’une fracture sociale qui s’est progressivement mise en place depuis les années 1980. La nouveauté c’est qu’elle s’aggrave sous la pression conjointe de moyens insuffisants et de la pression de la mondialisation pour une production de connaissances qualitativement plus élevée. La fracture est en train de devenir une déchirure, elle-même potentiellement explosive. La sous-dotation budgétaire des universités eu égard aux objectifs assignés est une constante depuis 20 ans. Les pouvoirs publics actuels malgré leur bonne volonté sont confrontés à cette lente érosion dont ils recueillent les fruits.

Il s’agit bien donc de mettre en œuvre un plan Marshall pour les Universités afin de les doter de 30 à 50 milliards d’euros supplémentaires dans les 10 ans à venir. C’est un montant modeste relativement au regard de l’exonération des charges sociales liées aux 35 heures. Tout est possible à condition de le vouloir ! Souhaite-t-on véritablement que la France se maintienne dans le peloton des pays qui contribueront significativement à l’émergence d’une nouvelle société de la connaissance au XXI ème siècle ? Il n’est pas certain que nous en prenions le chemin ! C’est un Grenelle de l’enseignement supérieur qu’il faudrait mettre en œuvre pour déboucher à l’issue d’un consensus entre les parties d’un financement sur la durée comme évoqué ci-dessus.

Les média français se sont passionnés il y a un an pour le Danemark et la flex-sécurité ou pour la Suède et la gestion des populations senior. Si par goût de l’aventure ces media prenaient la route du pôle Nord, ils traverseraient la Finlande. Ils découvriraient probablement avec étonnement un pays qui a un système universitaire public à la pointe en matière de recherche et d’enseignement et ou les frais de scolarité sont très faibles ou inexistants. Les locaux sont modernes et bien équipés. L’encadrement des étudiants se fait dans les meilleures conditions. Bien sur la sélection et l’orientation font partie des bonnes pratiques. Ce modèle universitaire développé dans le pays qui le premier en Europe, a développé des pôles de compétitivité il y a plus de 20 ans, mérite un examen approfondi. Les social–démocraties nordiques de Copenhague à Helsinki ont su générer des universités de qualité tout en accompagnant les étudiants dans leur insertion professionnelle avec des frais de scolarité faibles ou modérés. Voici une destination de voyage pour nos politiques et nos syndicalistes, qui pourrait être fructueuse pour le système universitaire français. Gageons que la route du pôle devienne un objet de curiosité pour une partie de nos élites, notre enseignement supérieur ne pourrait alors qu’y gagner.

Le 7 avril 2009

Daniel Bretonès