Imprimer
Catégorie parente: Messages
Catégorie : Messages du Président
Affichages : 1924

La priorité des Français est le redémarrage de la croissance économique pour augmenter le nombre d’emplois et réduire le chômage.

Les TPE, PME et ETI jouent un rôle majeur dans la création d’emplois. Il n’est pas inutile de retourner dans un passé proche pour voir qu’il n’est sans doute pas difficile de faire mieux pour les nouvelles équipes qui seront aux commandes du pays et pour cinq ans à partir de Juin 2017.

Cet article reprend des thématiques développées dans le N° 201 de « Vie & Sciences de l’Entreprise » et diffusé en décembre 2016.

https://www.cairn.info/revue-vie-et-sciences-de-l-entreprise.htm

1- Du déclin de la transmission d’entreprises à la déstabilisation du Mittelstand français

1.1 -  La transmission d’entreprises n’est pas une priorité

Le rapport sur la transmission d’entreprises, remis au Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique le 7 juillet 2015, rappelle que seules 60 000 entreprises sont mises sur le marché tous les ans quand 185 000 unités pourraient être concernées. Le bilan est d’autant plus inquiétant que sur ces 60 000 unités, 30 000 sont effectivement cédées alors que 30 000 sont amenées à disparaitre.

D’autres rapports montrent que les transmissions intrafamiliales jouent un rôle déterminant dans la survie des PME (Rapport Mellerio, 2009 ; rapport TransRegio, 2006) mais que leur part reste minoritaire. Le taux de 25 à 30% de transmission familiale évoqué reste faible au regard d’autres pays européens et notamment à celui de l’Allemagne, principalement à cause des moindres avantages fiscaux et successoraux que ceux pratiqués par nos voisins d’outre-rhin (CNCFA EPSILON, 2013).

1.2 - Faiblesse des incitations à la transmission

Il semble que la transmission d’entreprises soit devenue le « parent pauvre » de l’entrepreneuriat que ce soit d’un point de vue politique ou académique. Nous remarquons que les principales initiatives publiques vont dans le sens d’une incitation forte à la création d’entreprise. Aucune réelle mesure n’a été prise pour aider ou simplifier la transmission, faisant prendre le risque de voir le capital financier, technique et social des PME disparaître. Déjà, en 2008, l’INSEE faisait remarquer que sur la période de 1995 à 2005, le nombre de reprises avait reculé de 12,3% alors que sur la même période, les créations ex nihilo avaient connu un essor considérable (+25,8%).

1.3 – Des droits de succession qui amènent plus de 500 ETI à se vendre à des groupes étrangers

Selon le rapport de l’institut Montaigne (2013), il apparaît que le marché de la transmission d’entreprise a été bloqué de 1980 au début des années 2000 sous l’effet conjugué de le l’ISF et du doublement des droits de transmission. Ces mesures fiscales ont eu un impact particulièrement lourd sur le tissu des ETI familiales françaises. Il semble que sur la période, pas moins de 500 entreprises, aient été vendues à des groupes étrangers. Ainsi, c’est une partie du Mittelstand français qui a indirectement disparu. On dénombre actuellement 4 600 ETI en France contre 12 500 en Allemagne et 10 000 au Royaume Uni (Rapport Montaigne, 2013). Même si le « pacte Dutreil » semble avoir amélioré ce processus, il est jugé d’un usage complexe et beaucoup plus couteux que ce qui est pratiqué par d’autres pays européens. Rappelons, par exemple, que l’Allemagne exonère 100% des droits de succession des actifs non cotés s’ils sont détenus depuis plus de deux ans.

1.4- Une taxation du capital excessive

Les spécificités françaises en matière de structure des prélèvements obligatoires sont dommageables aux entreprises car la France taxe beaucoup plus significativement le capital que les autres pays européens malgré le crédit d’impôt dit « compétitivité et emploi » (CICE) mis en place par le gouvernement Valls. D’après le Rapport de l’Institut Montaigne (2013), cette aide s’avère complexe et ne couvre que 40% des hausses d’impôts décidées depuis 2011 (Cour des comptes, 2011).

Ces approches qui prennent insuffisamment en compte l’environnement concurrentiel européen en matière fiscale montrent que l’économie française est impactée directement et durement par des politiques qui ont été mises en œuvre au début des années 1980, et qui perdurent jusqu’en 2016. La mise en place de mesures diverses, peu ou pas coordonnées n’a permis ni de maintenir l’emploi ni de faire reculer le chômage.

1.5- Les stratégies de spécialisation intelligentes

La mise en place par les régions de « Stratégies de spécialisation intelligentes » à partir de financements européens (Horizon 2014 – 2020) devrait permettre à la fois de renforcer des stratégies de production existantes et de créer une offre plus performante en termes de services proposés. Ces stratégies visent à s’appuyer sur le potentiel régional et à renforcer la compétitivité, et l’offre.

Le tissu industriel fragilisé a très mal vécu la crise de 2008. Seule la baisse simultanée de l’euro, du prix du pétrole, du coût du crédit depuis 18 mois expliquent le faible redémarrage de la croissance après plus de 10 ans de quasi-stagnation du PIB. Ce tableau peu réjouissant est-il derrière nous ? Cela dépendra du pragmatisme des mesures mises en place dès l’été 2007 par les équipes en charge de l’économie du pays.

2- Politique de brevets et désindustrialisation

2.1 – Des transferts vers qui et pour qui ?

Issues du programme d’investissements d’avenir en lancé en 2010 les SATT (sociétés d’Accélération des Transferts de Technologie) ont pour objectif la valorisation et la commercialisation des brevets issus de la recherche universitaire principalement. Mais, il faut avant toute chose se poser la question de ce qu’on doit transférer. Si on adopte la politique dite du « laissez faire », il est évident que de nombreux laboratoires ont des résultats à transférer, mais leur nombre et la qualité des résultats sera-t-il suffisant ? Pas nécessairement Il faut résolument agir en amont et faire en sorte que le chercheur soit formé certes à la rédaction d’une publication, mais bien mieux à une vision large des domaines économiques concernés par ses compétences et les facilités disponibles dans son laboratoire. En ce sens la veille technologique et scientifique prend tout son sens. On arrivera ainsi à une prise de conscience et à un recentrage des sujets de recherche, qui, tout en restant fondamentaux, seront plus facilement « transférables ». Mais alors qu’en sera-t-il des évaluations de type CNRS, ou la dictature des indicateurs dits de qualité (loi de 2014) ? De même pour le laboratoire qu’adviendra-t-il de sujets importants au plan local, jugés à l’aune d’un académisme souvent éloigné des réalités du terrain ?

2.2 - Des transferts de brevets qui sont à 90 % des ventes

Comme la création de postes de chercheurs dans les établissements publics est un fait rarissime, les laboratoires ont tendance pour développer leur recherche à faire appel à des doctorants, qu’ils soient français ou étrangers. De ce fait, une fois leurs doctorats obtenus, une des seules manières de trouver un emploi va être de créer une startup en bénéficiant des aides multiples destinées à la création d’entreprises. C’est ce qui explique en partie le développement des startups et la position de la France dans le domaine de la création d’entreprises. Mais les domaines de création sont inégalement partagés, le domaine de l’Internet (high-tech) est favorisé comme celui des biotechnologies. Mais il n’empêche que 50% des startups « meurent » avant d’atteindre cinq ans d’âge et que dans bien des cas les brevets déposés ne sont pas exploités en France mais à l’étranger. C’est ainsi que dans un article sur le sujet l’OBS en ligne souligne que : « Car ce qui importe, c’est ce qu’on fait des brevets. Dans le cas de la France, la situation est assez consternante : au lieu d’exploiter nos inventions, nous les vendons massivement à l’étranger. En 2012, France Brevets a publié une étude sur le devenir de 4210 brevets cédés en Europe entre 1997 et 2009 dans le secteur des télécoms. Cette étude montre "une hausse exponentielle des cessions de brevets en France après 2004" d’après une analyse de la revue Challenges. Depuis 2004, 90 % des transactions françaises en matière de brevets sont des ventes, contre seulement 10 % d’acquisitions. »

Cela souligne une politique de cessions de brevets non ciblée sur des axes industriels prédéterminés en France, et avec peu ou pas de coordination avec l’écosystème industriel.

3- De la nécessité de la planification stratégique par scénarios

La planification par scénarios est utilisée dans de très nombreux pays pour organiser des choix stratégiques entre différentes alternatives. La France a été une nation pionnière en Europe en matière de prospective grâce au laboratoire Lipsor et sa chaire de prospective stratégique animée par le Pr. Michel Godet. Cette discipline est également utilisée actuellement dans l’ensemble des grandes entreprises au niveau mondial. Elle est clairement en retrait en France au niveau étatique et son utilisation permettrait de mieux éclairer les choix du futur, et par retombées de mieux coordonner les efforts. Il ne suffit pas de créer de la valeur mais il faut savoir la capturer pour en faire bénéficier les territoires et les entreprises qu’elles portent.

Des stratégies fiscales fluctuantes depuis 30 ans et des prélèvements élevés sur le capital comparativement aux pratiques de nos concurrents européens ont amené de nombreuses entreprises à se vendre ou à voir leur croissance ralentie. Le peu d’intérêt des pouvoirs publiques pour la transmission d’entreprises comparativement à la création ne favorise pas le maintien d’un tissu entrepreneurial et les emplois liés. Les nouvelles entreprises de services numériques « les jeunes pousses technologiques » soutenues par Techno France alias la « French Tech » ne représentent pas plus de 5 000 emplois en France à l’heure actuelle lorsqu’on y inclut Criteo et BlablaCar.. L’avenir porte aussi sur le renforcement des entreprises de basse et moyenne technologie qui ont impact sur l’emploi beaucoup plus significatif que les pépites de la French Tech.

Le manque de coordination entre les Ministères et les carences en matière de planification stratégique ne poussent pas à une bonne utilisation des brevets au bénéfice d’entreprises nationales. Ceci souligne l’intérêt de réintroduire en France et dans de nombreuses organisations la planification par scénarios.

Des espaces de croissance existent en France en matière de reprise d’entreprises et de meilleure utilisation des brevets sous réserve de stratégies éclairées.

Une croissance renforcée est possible mais suppose une forte évolution par rapport aux pratiques en cours. La continuation des politiques actuelles n’infléchira que modérément la croissance qui profite du triple alignement à priori provisoire « Parité euro/dollar, prix du pétrole, coût du crédit ».

Des poches de croissance existent dans la transmission et la reprise d’entreprises, comme dans le réservoir de brevets d’une recherche de qualité mais dont les orientations gagneraient à être recentrées vers des axes industriels prédéfinis. La mise en œuvre de ces poches de croissance suppose que les décideurs les aient identifiées et qu’en suite les politiques adéquates de stimulation, de financement et de coordination soient mises en place.

© Copyright ANDESE
Le présent document est protégé par les dispositions du code de la propriété intellectuelle. Les droits d'auteur sont la propriété exclusive d'ANDESE (Association Nationale des Docteurs ès Sciences Économiques et en Sciences de Gestion). La copie ou la reproduction (y compris la publication et la diffusion), intégrale ou partielle, par quelque moyen que ce soit (notamment électronique) sans le consentement de l’éditeur constituent un délit de contrefaçon sanctionné par les articles L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle.