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Catégorie : Messages du Président
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Depuis près de 30 ans la politique économique française s’est principalement appuyée sur la stimulation de la demande pour relancer l’économie à travers des déficits budgétaires successifs et des aides à certaines filières industrielles. Cette politique a montré ses limites dès la fin des années 1980 et a entraîné une augmentation régulière du chômage qui a dépassé les 10 % de la population active en 2004. Les programmes de stimulation de l’économie en 2004 et 2005, au moyen de donations entre générations et le soutien massif à l’emploi, ont stabilisé la consommation et fait repasser le chômage en dessous de la barrière des 10 %. La croissance atteindra peut-être 2 % en 2005 mais il faudrait au moins 3,5 % de croissance pendant plusieurs années pour faire diminuer significativement le chômage et commencer à résorber la dette publique de plus de 1000 milliards €.

La mise en place des pôles de compétitivité est l’occasion d’une nouvelle organisation des ressources, des compétences et des réseaux. C’est la première fois depuis le décollage de l’économie française dans les années 1960 qu’une vague de fond de grande ampleur s’est manifestée à l’occasion de l’appel à projet de la Datar pour faire émerger à travers les pôles une nouvelle offre économique. Cette nouvelle offre porte sur la capacité à convertir des actifs technologiques innovants en leviers d’amélioration de la compétitivité et de la productivité industrielle. Les pôles sont une opportunité unique de faire évoluer significativement l’offre existante ou d’en créer une nouvelle. C’est devenu une nécessité compte tenu des pertes de marché de la France sur les principaux marchés mondiaux et de l’intensification de la concurrence mondiale. Ce passage d’une économie de la demande vers une économie de l’offre correspond à une mutation profonde et indispensable pour renouveler le tissu industriel.

Dans cette «économie nouvelle » qui correspond à la mise en place de nouveaux espaces compétitifs à l’échelle mondiale les TIC ont une place significative mais ne sont pas au nécessairement au centre de cette nouvelle donne. C’est ce qui différencie la « nouvelle économie » des années 1998 / 2001 orientée principalement Internet qu’a connu la France de «l’économie nouvelle » qui se dessine à travers les pôles. Cette « économie nouvelle » s’appuie au premier degré sur les mécanismes de renforcement des entreprises individuelles qui existent déjà pour obtenir des niveaux élevés de performance. Les industries qui en résultent contribuent à renforcer l’attraction des territoires susceptibles d’attirer les investissements. Il n’est cependant pas suffisant de maintenir un équilibre entre entreprises, industries et régions. Il est nécessaire d’instituer un mécanisme dynamique capable de faire interagir tous les intervenants d’un écosystème industriel. Les pôles de compétitivité constituent le cadre susceptible de créer de la valeur pour tous ceux qui y participent. La création de valeur se construit au sein d’un pôle par un apprentissage progressif et au moyen d’un étalonnage constant par rapport aux pôles mondiaux les plus performants.

La mise en place des pôles de compétitivité correspond à un changement de paradigme. La France prend le train des pôles de compétitivité avec retard par rapport au Nord de l’Europe, d’une partie de l’Asie et des Amériques. C’est une opportunité pour bénéficier des enseignements apportés par les expériences finlandaise, indienne ou américaine et mieux rebondir.

Dans ces pôles les chercheurs et les enseignants ont une place centrale à jouer dans ce processus de création des nouveaux territoires. Certains déplorent que 19 milliards supplémentaires pour la recherche jusqu’en 2010 cela soit insuffisant. Mais en période de tension budgétaire c’est une forte aubaine qui devrait permettre de lancer de nouveaux projets. Les chercheurs dans le pacte qui les lient à la communauté des français doivent comprendre qu’une partie de leur recherche doit être transformée en innovation pour créer de l’emploi dans les entreprises existantes ou en création…ceci pour continuer à les financer.

Il faudra aussi que les élites comprennent qu’un pays sans universités reconnues au niveau international continuera à voir sa compétitivité s’éroder. La transformation viendra d’une modification des règles de gouvernance des universités. Il ne s’agit pas faire évoluer le système universitaire à la marge mais d’envisager sa transformation profonde sur la base d’un volontariat dans le cadre d’expériences innovantes. Il est clair que les universités qui feraient l’effort de moderniser leurs règles de gouvernance se verraient attribuer des moyens spécifiques proportionnels à l’effort consenti. Celles qui souhaiteraient proroger la gouvernance actuelle disposeraient des ressources habituelles.

Quant aux entreprises françaises qui investissent en R&D moins que la moyenne européenne et embauchent trop peu de chercheurs, sauf exception pour certaines, il est souhaitable qu’elles adoptent les « meilleures pratiques internationales » en la matière pour tenir leur place sur des marchés mondiaux de plus en plus concurrentiels.

Les fondations d’une «économie nouvelle» se mettent en place en France c’est une opportunité pour redéployer l’économie actuelle et créer des emplois. Nous disposons de chercheurs et d’ingénieurs talentueux. Les pôles devraient permettre de dégager des synergies innovantes et créatrices de valeur entre l’ensemble des acteurs.

Alors bienvenue à « l’économie nouvelle » et émergente en France.

Daniel Bretonès. Novembre 2005