Imprimer
Catégorie parente: Conjonctures
Catégorie : Notes de conjoncture
Affichages : 6162

On peut définir la « crise économique  », par opposition à la « crise financière », comme étant caractérisée par un sous-emploi d’hommes et de matériel. Quand l’industrie des Etats-Unis travaille à 64 % (contre une moyenne de 85% en période de plein emploi), et qu’elle a un sous-emploi de 9.5%  (contre 4% en période d’euphorie) on peut dire que l’Amérique est en crise. Cette situation est essentiellement due à la concurrence des pays du Tiers Monde qui ont peu à peu réussi à développer des industries de niveau comparable à celles de l’Occident mais avec des salaires beaucoup plus faibles et une absence presque totale de sécurité sociale. Bien entendu la crise financière de 2007 a considérablement aggravé la crise. Aussi pour comprendre la situation actuelle, il nous faut analyser l’évolution de la situation  économique, les effets prévisibles des mesures envisagées  et les solutions réelles.


I - Historique des dernières années : la crise économique structurelle.

Pourrait-on définir quand la crise a commencé ? Si l’on prend pour base de départ les années 1950 on s’aperçoit d’une certaine concomitance : la montée de Deng Xiao Ping a été le démarrage de la Chine, la fin de la guerre du Cashmire celle de l’Inde, tandis que la fin de la guerre de Corée assurait le démarrage de la Corée du Sud.

Comme tous les pays occidentaux, les Etats Unis ont  subi depuis la fin de la guerre du Viet Nam  une lente détérioration de leur industrie, convaincus en outre que le monde occidental devait se spécialiser dans les « services ». Pour ce faire, ayant la seule monnaie vraiment internationale, ils ont  accepté un endettement auprès de pays émergents  comme les pays du Golfe ou la Chine. (Ceux-ci, obligés de placer leurs fonds en bons du Trésor américains pour s’assurer leurs marchés, pratiquent en fait à l’égard des Etats-Unis un véritable plan Marshall).
Cette lente détérioration de l’industrie et le développement des « services » ont eu pour conséquence une faible amélioration de la productivité jusqu’en 1993 (en moyenne  annuelle de 1 ,5 %)
Cela n’a pas empêché l’existence de récessions, dues souvent à des actions extérieures aux U.S.A. Par exemple les deux hausses du prix du pétrole en 1973 et 1978 ont provoqué chaque fois une forte inflation, les autorités financières l’ont combattue par des hausses de taux provoquant ainsi des récessions plus ou moins fortes. Ainsi le Gouverneur Paul Volcker en montant en 1980 et 1981 le taux court à plus de 20% a cassé la spirale inflationniste, mais en même temps a provoqué une assez forte crise qui a eu pour conséquence en1985 le krach des « Savings and Loans  ». Celui-ci  a entraîné la disparition de 185 entreprises financières et coûté au Trésor plus de 150 milliards de $.
.
Les krachs boursiers de 1987 et de 1989 ont été spectaculaires mais ont eu un faible impact  économique car, déjà à cette époque, les investissements du public et ses spéculations se portaient essentiellement sur l’immobilier. Aussi ces deux chutes boursières n’ont pas provoqué de baisse sensible du Produit National Brut américain.

Le « miracle informatique » des années 93/97 a redonné aux U.S.A. un leadership incontesté pendant quelques années et en tout cas un retour de la confiance car l’informatique entrait parfaitement dans le cadre de la politique de développement des services et permettait des remarquables progrès de productivité (entre 3 et 5% suivant les années). Malheureusement les excès de spéculation, dès 1997 (le gouverneur Alan Greenspan a alors parlé d’ «  exubérance irrationnelle »)  et les escroqueries qui ont débuté à cette  époque ont  provoqué la récession de 2000/2003.

L’informatique a alors joué un rôle déterminant dans une nouvelle activité : la finance des produits dérivés. Dans le même temps on a conservé des bas taux d’intérêt pour éviter un retour de la crise. Cela a provoqué une intense spéculation immobilière alors que les besoins réels, au prix du marché, étaient saturés dès la fin 2006. Or à la même époque, les banques gênées par leur ratio « Cook » ont découvert qu’il suffisait de titriser leurs « risques » pour s’en débarrasser, tout en encaissant au passage de solides commissions.

Dès le début 2007 la crise financière commence. Le 15 Septembre 2008 elle prend un caractère nouveau par la mise en faillite de la 5ème banque U.S. Lehman Brothers. En effet la remise en cause de la règle « too big to fail » entraîne une perte de confiance envers les banques dans le monde entier. Les entreprises en souffrent. Beaucoup d’entre elles ne peuvent renouveler des crédits qui viennent à échéance. Si elles ne font pas faillite elles « réduisent la voilure » en supprimant leurs investissements réduisant leur personnel, etc, comme si elles étaient  frappées d’une sorte d’ « anorexie financière ». Elles trouvent ainsi la solution à leur  survie. Mais cela a naturellement entraîné une diminution de la demande globale de crédits de la part des entreprises permettant aux banques d’expliquer que si elles ne font pas plus de prêts c’est qu’il n’y que peu de demandes.

Cette crise de 2007/2009, la plus importante depuis 1930, a été caractérisée par une aggravation du chômage (passant en 2 ans de 4 % à près de 10 %), un nombre croissant de faillites (en particulier de 81 banques secondaires en 2008 et 2009) et un ralentissement des investissements. La F.E.D a évité le pire en sauvant la plupart des grandes banques (à l’exception de Lehman) les 2 G.S.E.s, la première  compagnie mondiale d’assurance A.I.G. etc.

Aussi deux questions se posent :
1) les mesures que l’on prend pour supprimer les effets de la crise financière actuelle sont elles suffisantes pour résorber les inconvénients qu’elle a produite ?
2) quelles sont les solutions possibles pour résorber la crise économique structurelle que nous rencontrons depuis un très grand nombre d’années ?

II) La résorption de la crise financière et les mesures envisagées pour en éviter le retour.

Les autorités politiques et financières ont réalisé qu’il fallait d’abord circonscrire la crise financière et préparer, presque simultanément l’après-crise  en prenant d’urgence un certain nombre de mesures pour essayer d’éviter le retour d’une telle situation. Dans les deux cas se révèle une certaine opposition.

Pour éviter que les faillites bancaires ne produisent une crise systémique les autorités américaines ont sauvé la banque Bear Stearns et les deux G.S.E.s. L’opinion publique américaine a été alors traumatisé par l’argument, parfaitement fallacieux , mais répandu à travers tous les médias que cela entraînerait une forte hausse des impôts. Aussi le Secrétaire au Trésor Henry Paulson n’a pas pu faire autre chose que de laisser mettre en faillite la banque Lehman Brothers, opération qui paraissait sans risque car elle n’avait que peu de clients directs, un effet de levier de 25, mais on avait sous-estimé le caractère international de ses opérations. La leçon a été comprise. Les autorités ont alors sauvé la plupart des grandes banques.

Par contre le débat reste ouvert sur les solutions financières. L’Euroland a, en premier,  dès le début de la crise, fait des propositions et même obtenu quelques résultats dans le cadre de la réunion du G20 organisée à la demande du président Sarkozy alors à la tête de la communauté Européenne. On peut classer ces projets, qui seront discutés au prochain G20, en plusieurs catégories, même si certains pays ont commencé à les imposer à leurs nationaux :

1-    Moralisation de la Finance

en luttant contre les paradis fiscaux, avec l’espoir de faire rentrer des fonds importants dans les caisses des pays occidentaux, et en réduisant les avantages des opérateurs financiers pour les obliger à prendre conscience des risques qu’il font encourir à leurs maisons. Malheureusement , la concurrence entre grandes maisons financières est internationale. Les pays qui prennent seuls des mesures de limitation des avantages accordés risquent de voir leurs meilleurs opérateurs partir vers des pays plus accommodants. Ainsi par exemple, au Royaume Uni, l’imposition à 50% des revenus au delà d’un montant très élevé a déjà provoqué le départ vers la Suisse de quelques petites banques Londoniennes.

2-    Restructuration des professions financières

a) en créant à la demande de la Commission présidée par l’ancien Président du F.M.I., Jacques de Larosiere un système de contrôle international des organismes financiers à l’instar de la Commission Bancaire Française. Si celle-ci est à peu près acceptée à l’échelon européen elle se heurte pour le moment à une difficulté. La Commission voudrait que cet organisme dépende, comme en France, de la Banque Centrale c’est à dire pour l’Europe de la B.C.E., et l’Angleterre préfère un organisme indépendant (proche sans doute de la principale place européenne).
b) en responsabilisant les institutions financières, par exemple en les obligeant à conserver 5% de tous les montants qu’elles titrisent. De même on  propose d’obliger les fonds (y compris les fonds d’investissement) à détenir un certain pourcentage de leurs portefeuilles en titres sans risques. Toutes ces mesures proposées au G20 provoquent une réaction violente de la part des banques incitant les lobbies américains à faire un effort pour empêcher toute décision contraignante.

Les autorités américaines se refusent à toute mesure concernant les « bonus », mais elles voudraient pouvoir limiter les montants négociés par client (surtout en matière de pétrole et de gaz), contrôler les opérateurs financiers non bancaires, réduire les surendettements en matière de cartes bancaires.
Mais sur tous ce sujets elles se heurtent à une opposition totale des Républicains et même de certains Démocrates de droite. Par contre, la tentative pour obtenir que l’on traite les produits dérivés sur des marchés organisés, malgré l’opposition des banques qui ont peur de la transparence semble devoir être une grande réussite. Le Chicago Mercantile Exchange C.M.E. qui a débuté sa Chambre de Compensation en 2009 se développe rapidement.

III) L’évolution économique récente

Il y quelques bonnes nouvelles sur le plan économique.
A) La masse monétaire créée par certains pays comme la Chine, les Etats-Unis et l’Angleterre ont trois effets naturels :
a):une hausse très forte des Bourses depuis le 9 mars 2009. Ainsi les Bourses des pays occidentaux se retrouvent en hausse de plus de 20% depuis le 1er Janvier, la Bourse chinoise de plus de 60%. Cela améliore le moral des Chefs d’Entreprise et les incite à envisager d’investir d’autant que les taux restent très bas.
b) une certaine reprise de la consommation (en Août les ventes de détail ont augmenté de 2,7 %)
c) mais surtout, ce qui est beaucoup plus important sur le plan économique, une reprise de l‘immobilier U.S. depuis le mois de Mai. Il y a à la fois une certaine demande de permis de construire, une augmentation des mises en chantier et des négociations et une légère amélioration des prix (en dehors en tout cas des zones encore sinistrées : Floride, région de Détroit, etc...)

B) D’autres mesures ont un effet plus limité mais se révèlent efficaces. Ce sont par exemple les aides à l’industrie automobile (2.500 Dollars distribués aux U.S.A. lors de l’échange d’un véhicule ancien pour un plus moderne). Cela a entraîné en août une augmentation des ventes de 10,6 % et de 5,1 % de la consommation d’essence.

L’atmosphère devient plus sereine. Le Gouverneur Ben Bernanke parle de fin de crise et encourage les remboursements de TARP par les Banques. On parle à nouveau aux USA de possibilité de hausse des taux dès qu’un danger d’inflation reparaîtrait, et de mesures pour réduire l’énorme déficit budgétaire.
Le chômage continue à augmenter mais à un rythme plus faible ce qui donne aux Autorités Financières l’impression que « tout va bien dans le meilleur des mondes »



Conclusion : Y a –il des solutions ?

En fait on ne peut pas vraiment parler de « fin de crise » tant que le chômage ne commence pas à se résorber.
Il y aura alors deux problèmes, l’un financier, l’autre, beaucoup plus important, économique.

Le premier correspond au désir de réformer le « capitalisme », empêcher le développement de spéculations incontrôlées. Mais le retour du « too big to fail  » provoque chez les intermédiaires, relayés par les lobbies auprès des membres du Congrès, une peur de voir leurs bénéfices être réduits.
Il y a, peut-être, une solution à ce problème, solution dont personne ne veut entendre parler. Ce serait de séparer les banques actuelles en deux types d’entités, des banques travaillant pour leur clientèle et d’autres travaillant pour compte propre, fusionnées sans doute avec les Hedge Funds puisqu’elles feraient le même métier. Cela supprimerait les délits d’initiés et permettraient aux banques de la première catégorie de pratiquer une politique de gestion à long terme, tandis que les banques du 2ème type seraient  beaucoup plus vulnérables et de ce fait obligées à mieux contrôler leurs risques.

Pour résoudre la crise économique, il semble qu’il  n’y ait que deux solutions :
- Une forte dévaluation du dollar (style « beggar thy neighbour policy » d’avant-guerre) à l’égard des pays émergents accompagnée, comme le préconise Paul Krugman de nouvelles émissions monétaires pour aider à la reconstitution du tissu industriel.
- Un retour au « protectionnisme » permettant de protéger une industrie renaissante ( c-à-d des emplois). Il semble bien que l’on aille dans cette voie. Cela rappelle l’entre-deux guerres où le pays à balance commerciale dominante (les U.S.A.) avait donné le mauvais exemple avec le «  Hawley-Smoot Tariff »(1930). Maintenant, c’est la Chine avec sa balance commerciale triomphante qui est en train de promouvoir un retour aux fermetures de frontières, d’où une petite guerre entre les Etats-Unis qui créent un tarif anormal sur les pneus chinois, incitant ceux- ci à vouloir taxer les poulets et les automobiles américaines.


Cette solution à la fois inflationniste et malsaine sur le plan international pourrait peut-être être évitée si les pays occidentaux acceptaient de faire un effort commun de recherche et de développement pour l’amélioration des populations mondiales.

Paris le 21 Septembre 2009                                         Jean-Jacques  Perquel