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Catégorie : Notes de conjoncture
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L’affaire grecque est un révélateur d’une crise européenne profonde, issue d’une clause peu étudiée lors de l ‘accord de Maastricht: l’absence d’une possibilité de créer un fonds monétaire européen  à l’imitation du F.M.I. Cette suspicion à l’égard des pays les moins importants de l’Union Européenne U.E. provoque presque une remise en question de l’Euroland. Du moins la presse se fait l’écho des réactions d’Eurosceptiques trop heureux de voir les difficultés que rencontre l’U.E..  Pour bien comprendre la situation il nous faut étudier le problème général du financement de la relance  dans le monde et les problèmes posés par la politique de la Banque Centrale Européenne.

1 - Le financement de la relance.
Il y a deux façons d’assurer la relance lorsqu’une économie est victime d’un manque de liquidités et/ou par une concurrence extérieure qui remet en cause le développement économique:
-    des mesures financières  internes pour aider l’industrie
-    et des mesures protectionnistes pour protéger cette industrie.

A) Pourquoi y a-t-il à la fois dès l’origine de la crise un  excès de liquidités entraînant jusqu’en 2007 une euphorie sur les marchés financiers et tout à coup une première dissipation de cette abondance d’argent à la suite du krach des « subprimes » et un effondrement complet de la masse monétaire en Septembre 2008 à cause de la faillite de Lehman Brothers ? En fait le coupable est la vitesse de rotation de la monnaie, les détenteurs de celle-ci la conservant par peur de faillite de leurs correspondants.

Aussi a-t-on dû augmenter la masse monétaire. Mais il y a trois façons de le faire :

1) les Banques Centrales peuvent créer de la monnaie en achetant des bons du Trésor, ou même dans des cas graves, des titres « toxiques » (plan TALF américain). Ainsi la Chine a créé plus de 1.000 milliards de dollars, les Etats Unis près de 2.000 milliards et l’Union Européenne de l’ordre de 200 milliards.

2) Un Etat peut acquérir des devises étrangères. Ainsi la Chine a pu convertir en monnaie interne le montant du solde de ses exportations soit plus de 300 milliards chaque année. Par contre l’Amérique aurait souffert de son déficit commercial à l’égard des pays émergents si ceux si n’avaient pas accepté d’être payés en bons du Trésor. Grâce au surplus commercial Allemand, l’Europe a pu conserver un certain équilibre de sa  Balance des Comptes.
On peut aussi emprunter des devises au risque d’un endettement qui détériore le rating du pays et aggrave de ce fait la situation déjà difficile du pays. Il faut noter une exception.  L’Amérique supporte très bien sa situation  de débiteur net, situation qui durera tant que le reste du monde n’aura pas mis sur pied une nouvelle monnaie internationale

3) le troisième type de mesure est le déficit budgétaire. C’est le moins efficace mais c’est le seul qui reste quand on a épuisé les deux autres. En effet il s’agit de prélever des fonds sur le public par l’emprunt (moins douloureux que l’impôt). Ceux-ci proviennent soit de la consommation (c’est le cas en Allemagne où la consommation de biens courants et d’immobilier s’est peu développée ces dernières années) soit de l’épargne. Dans le deuxième cas c’est de l’argent qui est alors normalement retiré du secteur bancaire réduisant ainsi l’avantage économique macroéconomique de l’opération. Ainsi les déficits dramatiques du Japon, financés par l’épargne des nationaux n’a pas servi à assurer un quelconque essor économique).  On peut cependant espérer qu’en période de crise l’Etat se révèle plus efficace que le secteur privé, les Banques, comme nous l’avons vu, devenant très « frileuses » dans cette conjoncture. Ce comportement est d’ailleurs « aidé »par les décisions des administrations financières de renforcer les bilans des Banques en plein crise économique.

Les mesures les plus « laxistes » ont la particularité de ne pas être inflationnistes sous deux conditions actuellement remplies :
a) il y a sous- emploi de la main d’œuvre  (actuellement en moyenne 10 % de chômeurs) et sur- capacité industrielle (le taux de fonctionnement des usines est environ de 60 %)
b) la vitesse de circulation de la monnaie (le V de Fisher) reste faible ; L’augmentation des fonds disponibles ne réussit pas à compenser son ralentissement .Seule  la Chine, grâce à sa politique financière …et monétaire, semble être sortie de la crise avec un taux de croissance de plus de 10 % en 2009. Mais cela provoque  une certaine hausse du prix des matières premières et aggrave la peur de l’inflation que gardent toujours à l’esprit les autorités Financières.


B) Le développement du protectionnisme

Jusqu’à présent ce terme de « protectionnisme » est honni, et cela avec juste raison car il est fondamentalement inflationniste. Cependant il a tendance à se développer de plusieurs façons :
1) La dépréciation de la monnaie. Cela est pratiqué, sans doute involontairement, par les Etats-Unis. Mais les banques du monde entier profitent de la faiblesse des taux d’intérêt à court terme américains (voisins de 0) et développent du « Carry Trade » en vendant des Dollars empruntés et en achetant par exemple du Dollar Australien qui rapporte du 3 ½ %. Par contre la Chine en bloquant sa monnaie sur le Dollar U.S profite de la situation de cette monnaie pour améliorer fortement sa balance commerciale …et sa masse monétaire.
2) La hausse des tarifs. Ainsi les Etats-Unis ont augmenté de 35 % la taxe sur les pneus importés  de 10 à 15 % sur les produits à base d’acier etc.
3) Enfin des mesures de protection indirecte comme une aide aux entreprises nationales, etc.

L’OMC fait constamment un listing des mesures qui remettent en cause les accords internationaux de « libre-échange, mais ce sera sans doute la solution si l’on n’est pas capable d’assurer la reprise économique par une expansion de la masse monétaire

2 - Le cas de l’Euroland
La position prise par les pays de l’Euroland est très classique: Ils ont parfaitement conscience de l’existence des  deux crises :

A) Une crise économique due à la mondialisation mais elle devrait, «  selon les experts » trouver une solution interne à chaque pays, puisque l’Allemagne a parfaitement réussi à rendre sa balance commerciale bénéficiaire, quitte à demander des sacrifices à ses nationaux. Il suffirait donc pour régler cette crise d’imiter l’Allemagne et la Finlande, de baisser les salaires en termes réels (cf. la politique de Pierre Laval en 1935) et de demander aux individus de faire un effort d’innovation et de productivité

B) Une crise financière qui atteint principalement certaines « Caisses  d’Epargne » (Cajas espagnoles, Landesbank , Caisses d’épargne françaises) obligées de rémunérer leurs déposants alors que leurs principaux actifs sont habituellement des Bons du Trésor nationaux dont le rendement est actuellement compris entre 1 et 2%. Aussi ont-elles dû compenser leur manque à gagner  par des emprunts de type « subprime ». Par ailleurs certaines banques européennes avaient racheté des banques américaines qui ont été prises dans le Maelström de la crise des organismes financiers. Les Allemands en ont été les principales victimes.
Mais chaque pays « a fait son Devoir » sauvant ainsi son secteur bancaire. Aussi, fière de son succès, la communauté européenne se veut « en pointe » sur les problèmes de régulation, au risque de diminuer à terme les possibilités concurrentielles de l’Europe face au reste du monde.

Ainsi « tout va bien dans le meilleur de mondes ». La « faiblesse  » de l’Irlande a été réglée par des solutions classiques, celles qui étaient « conseillées » pour résoudre leurs difficultés. Et pourtant l’affaire grecque montre que derrière ce décor assez reposant, l’Euroland  est en fait en pleine crise.
En effet la monnaie européenne  a été poussée au zénith par les politiques, volontaires ou non, de détérioration des principales monnaies du monde (de type Beggar Thy Neighbour Policies). Cela a produit une détérioration des Balances Commerciales de la plupart des pays européens, tandis que l’aide aux banques, en particulier pour développer leurs ratios prudentiels, s’est faite au détriment de la politique d’investissement, aggravant le chômage dans la plupart des pays et détruisant encore plus le tissus industriel. Le déficit Grec est en soi peu important vu la place de ce pays dans le PNB Eurolandais (2 à 3 %) mais il est grave pour deux raisons :
-  la spéculation qui entoure ces difficultés rend difficile le placement d’emprunts à des taux normaux  ce qui aggrave le coût des émissions et augmente de ce fait les déficits futurs
- mais faute d’avoir créé suffisamment de monnaie pendant la crise financière le seul moyen qui reste est ce déficit budgétaire qui s’autoalimente du coût des dettes issues de déficits passés .Ainsi, si on ne fait rien la décomposition grecque devrait entraîner celle de l’Espagne, du Portugal et même de la France et… de l’Allemagne bien que celle-ci soit un peu protégée par sa balance commerciale.

Conclusion
Le problème majeur est quand même celui de la désindustrialisation des pays occidentaux face aux pays émergents. L’Union Européenne est trop divisée pour pouvoir servir de leader. Quand les EUA fermeront  leurs frontières l’Europe suivra  quelles qu’en soient les conséquences inflationnistes.
Par contre l’Europe a un rôle à jouer pour reprendre une place à la hauteur des 2 autres entités. Il faut sauver la Grèce et résoudre le problème des déficits budgétaires. Pour cela il est indispensable de remettre en chantier l’article du traité de Maastricht qui interdit la création d’un « FMI » européen, le créer en lui faisant faire les mêmes opérations que son homologue international : prêter et contrôler.
Il est certain qu’une forte émission monétaire pour compenser une vitesse insuffisante de rotation de la monnaie présente un risque, si faible soit-il, de créer des excès d’argent lors de la reprise d’une vitesse normale. C’est alors à la Banque Centrale de faire des « réglages fins » pour résorber sans dégâts les excès de monnaie.



Paris le 25 Février 2010                                               Jean-Jacques Perquel