Il y a deux façons d’envisager la vie économique : ne connaitre seulement que le court terme c’est à dire se limiter aux problèmes de liquidité, à l’importance du bénéfice obtenu dans une courte période et quelquefois au problème de la survie ou prévoir l’évolution à long terme c’est-à-dire développer l’investissement, s’assurer de la solvabilité à terme des entreprises .Dans le premier cas il est important de concevoir les risques des excès d’endettement qui suivent une  période de croissance. Dans le deuxième cas il faut prévoir quels seront à l’avenir les secteurs et activités qui assureront la croissance économique et par ricochet le « plein emploi ».

Kondratieff et plus tard Schumpeter et Minsky ont montré que les cycles longs (40 à 50 ans) correspondaient au développement de nouvelles inventions et que l’essor qu’elles avaient initié, s’arrêtait à mi-parcours sous l’influence des excès d’endettement que provoquait inévitablement l’euphorie d’une croissance (que les bons économistes assurent devoir continuer éternellement. C’est le « cette fois c’est différent » de Reinhardt et Rogoff).

Ainsi le monde est actuellement dans une situation intermédiaire. Nous vivons encore dans une civilisation basée sur quelques activités demandant une importante main d’œuvre, souvent peu formée intellectuellement : l’Immobilier, les Automobiles, l’Aviation, des Trains de plus en plus rapides, etc. Mais les progrès de la robotique, de l’informatique rendent inutile un grand nombre d’emplois. Cela provoque un malaise aggravé par une mondialisation qui développe la concurrence entre les individus. Par contre jusqu’à présent les nouvelles activités Informatique, Robotique, Nanotechnologie offrent des opportunités à de nombreux jeunes mais leur demandent en contrepartie une formation scientifique sérieuse. Or on n’est pas encore passé au stade où les emplois créés sont suffisants pour assurer le plein emploi (à l’échelon mondial).

Aussi le problème est celui de l’adaptation à cette situation en préparant le retour de la confiance dans l’avenir. Il faut donc lutter contre les tendances qui retardent ce monde meilleur (et bien entendu en aidant par des métiers simples les individus qui ne peuvent pas s’adapter au rythme de ce monde en devenir).

Un problème est posé : comment préparer les individus car il faut à la fois lutter contre des handicaps qui polluent l’économie actuelle et former les jeunes à ces nouveaux métiers. Il faut pour cela lutter contre l’étouffement des initiatives par des administrations incontrôlables et contre la tentation du « court termisme » qui assure, peut-être, aux opérateurs des bénéfices confortables, mais en même temps empêche les investissements nécessaires au développement harmonieux des économies. Ce sont ces deux points qu’il faut analyser.

I. Les Excès de « Précaution »

Une des « maladies » actuelle est l’excès de précaution. Le type même est le « Plan de Chicago ». Lancé par Irving Fisher sur les idées d’Henri Germain, il a été repris par Maurice Allais. Selon ce plan les Banques devraient utiliser leurs fonds propres pour leurs opérations à plus long terme que les échéances de leurs dépôts. Il est certain que cela donne aux banques une sécurité exceptionnelle, mais le risque des opérations longues (commerce international, grands travaux) doit être pris par quelqu’un d’autre : Etat ou Hedge Funds. L’avantage pour le Gouvernement est d’éviter de faire appel « en dernier ressort » à la Banque centrale avec ce côté démagogique suivant lequel un appel à la banque Centrale doit être financé par le Public. Cela n’a pas de sens car la Banque Centrale est naturellement obligée d’émettre de la monnaie pour assurer le développement des économies (même Milton Friedman, apôtre de la théorie quantitative, a considéré que la masse monétaire devait annuellement augmenter de 3 % si on veut arriver à une croissance économique saine). Ainsi, si la Fed avait sauvé Lehman, on aurait évité que la crise internationale devienne aussi violente. Selon la thèse du Plan de Chicago les fonds alternatifs peuvent « sainement » faire faillite puisqu’ils ne mettent alors pas en danger la masse de fonds de la banque Centrale.

Mais il y a d’autres raisons d’inquiétude. A côté des règlements de Bâle III et bientôt de Bâle IV qui vont petit à petit dans le sens du « plan de Chicago » on développe une lourdeur administrative absolument stupéfiante. Ainsi les banques croulent sous les « reportings » divers et les « tests de résistance » où l’on place les Banques dans des situations fondamentalement catastrophiques. Cela entraîne un hyper-développement des organes de déontologie qui ont un coût dont le montant serait beaucoup plus utile au développement de l’investissement.

II. Le « court termisme »

Les modalités d’une vision à court terme sont très variées. Ainsi au cours des deux premiers « assouplissements quantitatifs » les intermédiaires ont pratiqué différentes techniques pour éviter d’investir. En premier lieu le « portage de devises ou carry trade » s’est considérablement développé (c’est à dire la vente de devises ou de titres du trésor U.S dont le taux était très bas grâce à l’abondance d’achats par la « Federal Reserve F.E.D. » et l’utilisation de ces sommes pour investir en Monnaies ou Bons du Trésor de pays moins importants mais qui conservent des taux plus élevés (en général pour défendre leur monnaie). Les produits dérivés, inventés pour protéger des opérations économiques ou financières, sont devenues une source de moyens de spéculation extrêmement efficaces. Ainsi les « couvertures de défaillance ou credit default swaps » ont été créées pour assurer les acheteurs d’obligations contre un « défaut » d’un émetteur mais les opérateurs ont inventé les « couverture de défaillance à nu ou naked C.D.S » (achetés par pure spéculation, d’autant que la hausse de ceux-ci donne au public une mauvaise impression sur le crédit et la qualité du débiteur). Cette opération est d’autant plus efficace que l’on fait (en général) courir des rumeurs concernant la situation « difficile » du débiteur. Ce qui frappe dans ces opérations c’est la facilité de les réaliser Ainsi les couvertures de défaillance américaines vers des pays comme le Canada, l’Australie ou la Nouvelle Zélande provoquent en même temps une hausse de leur monnaie. De même la spéculation sur des pays comme la Grèce dont on connait la fragilité économique permet en apparence en tout cas d’acheter sans risque des « Naked C.D.S.s Grecs ».

Certes si ces spéculations paraissent devoir assurer, sans risque, de confortables bénéfices, il y a quelquefois des retours difficiles : la reprise américaine a provoqué une panique chez les opérateurs de Carry Trade. Egalement toutes les fois que les Etats et Organismes Internationaux menacent d’aider la Grèce il y a une baisse « dramatique » des C.D.S.s grecs.

Conclusion : Le retour de la confiance.

Si les deux premiers plans d’assouplissement quantitatifs «AQ ou Q.E.s » ont été un échec grâce au développement du « court termisme » des bénéficiaires. Le troisième a été un plein succès faisant passer le chômage américain. de plus de 7 %  à la fin du deuxième  « Q.E. » à 5 % l’équivalent du plein emploi. Ce succès a entrainé une forte reprise aux U.S.A. Il s’en suit une amélioration en Europe et en particulier en France où le progrès de la consommation a malheureusement entraîné un « renforcement » de notre déficit commercial.  Mais pour qu’il y ait une franche reprise il faut que les opérateurs soient persuadés que l’on entre dans une ère nouvelle. Or celle-ci existe : c’est la nouvelle économie issue de l’informatique, du développement de la Robotique, de la Nanotechnologie, de la recherche médicale, etc.

Ce progrès se heure à deux difficultés

1 - la plus importante, c’est pour le moment, le petit nombre d’emplois par rapport aux industries « lourdes » et la qualité technique demandée aux employés. Mais on avait le même problème au début de l’industrie ferroviaire obligeant à supprimer les diligences et toutes les activités qui en découlaient. On peut penser que ces nouveaux métiers vont assez vite permettre des emplois simples (la technique de la transmission immédiate de messages a demandé une formation technologique avancée, et, l’usage des « e-mails » reste ouvert à tous les individus). Toutes les nouvelles créations devraient assurer une multiplication d’emplois au fur et à mesure que les nouvelles techniques se développent et se simplifient.

2 - La combinaison de liquidités importantes et d’innovations spectaculaires font que, comme en 2.000, avec l’éclosion d’une masse de sociétés nouvelles introduites sur les marchés malgré leurs pertes, on raisonne « parts de marchés » et non plus « coefficient de capitalisation ». C’est le cas de « Licornes » (sociétés valant plus d’un milliard de dollars et dont certaines d’entre elles n’envisagent pas encore d’équilibrer leur bilan.). Une faillite de quelques licornes ou autres « bêtes » moins riches ne serait pas dramatique mais aurait un effet malsain sur le « climat » économique.

Malgré ces excès on peut dire que nous sommes au tout début d’une nouvelle ère, qu’il faut sortir du « trou » Kondretieffien, que pour assurer le retour de la Confiance il faut développer les nouvelles entreprises et même maintenant que la reprise économique mondiale est commencée, contrôler la masse monétaire pour éviter une forte inflation. Les AQs ont remarquablement joué leur rôle. Il s’agit maintenant d’éviter que la reprise, par « excès de confiance » n’augmente trop vite la vitesse de rotation de la monnaie. Cela pourrait selon Hyman Minsky provoquer un nouveau krach).