Le choix d’un député Anti-Brexit pour diriger un gouvernement chargé de le réaliser est un des multiples paradoxes de ce référendum. Même si Theresa May a pu déclarer « Brexit means Brexit » elle se rend compte au vu des difficultés que cela entraîne qu’il n’y a pas de raisons de chercher à accélérer le processus et cela malgré les protestations des 3 Ministres des Affaires Etrangères « Brexiteers » convaincus. Aussi la date de l’annonce de l’utilisation de l’article 50 qui donne deux ans (prolongeables) pour organiser le départ de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne est-elle régulièrement repoussée. Prévue au départ avant la fin de l’Année, elle semble avoir été reportée après les Elections Française et Allemande puis à la fin 2017. On envisage même une date ultérieure.

En tout cas ces délais ont une conséquence importante : ils évitent une panique des Banques étrangères en particulier, des départs d’entreprises et surtout l’abandon de l’Angleterre par l’élite intellectuelle étrangère qui joue un rôle important. Il y a en particulier 300.000 Français dont un grand nombre travaille dans des sociétés de haute technologie et qui ont actuellement peur des mesures qui pourraient être prises contre les étrangers (certains même ont commencé à demander la nationalité anglaise).

Mais la seule conséquence vraie est la baisse de la Livre Sterling qui est passée en un jour de 1,50 dollars à 1,29 pour se stabiliser depuis entre 1,31 et 1,32. Certes le Gouverneur de la « Banque d’Angleterre : BoE » a annoncé qu’il défendra la Livre et a décidé de baisser le taux de base de 0,50 % à 0,25 % et d’augmenter le « Quantitative Easing » (de 375 milliards de Livres à 435). Bien plus la rumeur a couru d’une baisse de l’impôt sur les sociétés de 18 % à 15 % ce qui ferait de l’Angleterre un « paradis fiscal » un peu comme l’Irlande (taux de 12,5 %).

Mais cette baisse de la Livre pose deux problèmes : à quel taux doit-elle se fixer et quelles pourraient être les conséquences d’une baisse trop forte. Ce sont les deux questions auxquelles il faut essayer de répondre.

I - La baisse de la Livre.

Cette baisse de la Livre est un véritable succès. Les exportations ont tendance à s’améliorer. C’est également le cas du tourisme, aidé peut-être par la mauvaise réputation de notre pays (affaires du BaTaClan et de Nice et développement de la criminalité). Dans le même temps les Anglais hésitent un peu plus à aller à l’étranger qui devient plus onéreux. Quant à la hausse des prix elle ne semble pas très forte, car les exportateurs vers l’Angleterre cherchent à ne pas perdre leurs marchés. Ainsi Peugeot parle de n’augmenter les prix de ses véhicules que de 2 à 2 1/2 % (ce qui d’ailleurs est envisagé comme hausse moyenne des prix pour 2016).
En fait la situation permet de faire une comparaison historique : la discussion au cours d’un diner le 17 Mars 1925 au 10 Downing Street où Le chancelier de l’Echiquier Winston Churchill avait réuni 2 adjoints du Gouverneur Montagu Norman, un ancien Chancelier de l’Echiquier devenu Président de la Midland et John Maynard Keynes. Il fallait résoudre le problème suivant : était-il plus intéressant de ramener la Livre à sa valeur de parité de pouvoir d’achat et faciliter le « développement économique » ou revenir à l’ « étalon Or » (c’est-à-dire à la parité d’avant-guerre) et assurer ainsi par le jeu de la « Confiance » retrouvée dans la Livre le maintien et même l’augmentation des fonds que les étrangers déposent ou investissent en Angleterre. C’est le problème actuel. La dévaluation de 12 % de la livre assure un équilibre certes précaire entre ce qui conserve à l’Angleterre la confiance des étrangers dans sa monnaie et ce qui assure en même temps une amélioration de la Balance des Paiements.

II - La menace des C.D.S.

Les « Credit Default swaps ou C.D.S. » sont, par définition, des instruments d’ « Assurance-Crédit » d’Obligations émises par des entreprises ou même des Etats (on parle d’ « emprunts souverains ». Ceux-ci sont en général négociés de « Gré à Gré » (en Anglais « Over the Counter O.T.C. »). Pour essayer de protéger le Marché on veut obliger les négociateurs à passer leurs opérations à travers des « Marchés Organisés » ou du moins à avoir un dépôt de garantie qui se modifie en fonction de l’évolution du cours du C.D.S.  Si ces C.D.S. de titres souverains sont relativement peu dangereux dans le cas « classique » où ils servent de « couverture » aux emprunts d’Etats il n’est est pas de même des « Naked C.D.S. » c’est-à-dire des titres achetés dans le seul but de spéculer « contre une monnaie ». Si l’on se souvient de la spéculation de Georges Soros en 1992 contre la Livre qui s’est fait juste en vendant des Livres Sterling sur le « Marché des Changes », on peut penser quels outils fantastiques sont les C.D.S. pour déstabiliser une monnaie. Bien plus en cas d’ « attaque », c’est-à-dire de hausse accélérée des C.D.S, tous les spéculateurs viennent aggraver la demande car les bénéfices leur paraissent « faciles ». Or la position ouverte en C.D.S est en brut de 15 Trillons de Dollars et en net de l’ordre de 3 trillons. Mais le vrai problème est celui des vendeurs. Ce sont les institutionnels qui assurent la contrepartie. En appliquant une « règle de trois », si on se rappelle que « l’incident de parcours » de la Grèce (à la suite de l’accord de Deauville pénalisant les créanciers privés) aurait, suivant la presse, entraîné une perte de 3 Milliards de Dollars pour les institutionnels mondiaux quelles seraient les conséquences pour eux d’un « incident de parcours » d’un grand pays comme l’Angleterre ou la France (en cas de victoire de Marine Le Pen). L’Angleterre a un déficit majeur de sa « Balance des Paiements », (161 milliards de Dollars pour la seule année qui va de Juin 2014 à juin 2015, malgré le résultat brillant des « invisibles ». Il est impératif que la baisse de la Livre qui l’avantage considérablement en ce moment ne s’accélère pas au point que les étrangers qui ont des soldes en Sterling, ne perdent confiance et se désinvestissent ce qui faciliterait une opération comme celle de 1992 mais d’une beaucoup plus grande envergure.

Conclusion

Cette étude montre l’importance du risque que fait courir le Brexit non seulement à l’économie anglaise mais également à l’économie mondiale. Cependant l’Angleterre a trois atouts majeurs :

a) La livre a conservé, du moins auprès des membres du Commonwealth, un caractère de « Monnaie de Réserve ». Cela explique le désir de nombreux Etats de faire confiance à l’Angleterre même en période difficile.

b)  La qualité de la Place de Londres protège également la réputation de l’Angleterre.
         
c) Il y a une grande coopération internationale.

Il suffit de se rappeler qu’après l’erreur de la « réévaluation de 1925 » les difficultés rencontrées par la Livre en 1931 ont été partiellement corrigées par des prêts de la Federal Reserve et la Banque de France. Cela explique que si Theresa May considère que « Brexit means Brexit », elle n’est pas du tout pressée de le réaliser.