Le printemps 2011 montre des transformations profondes de nos sociétés en France et notamment dans la périphérie méditerranéenne au Maghreb et au Machrek. Dans ces deux zones géographiques les changements sont violents et conflictuels et à l’origine d’une nouvelle guerre pour l’émergence d’une Lybie plus démocratique, après la chute des régimes Egyptiens et Tunisiens.
Le drame de Fukushima alimente une réflexion globale sur la place du nucléaire dans le mix énergétique au niveau mondial et en France. L’appréciation des risques pesant sur les centrales nucléaires est enfin réévaluée en France en prenant en compte les risques sismiques et nombre de risques collatéraux.
Parallèlement aux chocs politiques chez nos voisins du Sud, des changements plus discrets mais fondamentaux affectent la société Française. Ce sont les transformations qui permettent l’émergence de formes d’organisation nouvelles ; la croissance des pôles de compétitivité et la relance de l’industrie, le financement des projets innovants et la création d’entreprises développant des emplois à forte valeur ajoutée, le développement de la Toile avec les modèles économiques qui lui sont liés, l’irruption des réseaux sociaux dans les relations humaines et de travail, le développement de l’économie du « don » liée aux réseaux sociaux.

Le développement industriel et des services :

La réindustrialisation est une thématique à la mode en France, et depuis 2004, les pouvoirs publics ont soutenu la création de 71 pôles de compétitivité sur l’ensemble du territoire. Depuis cette date plus de 700 projets de R&D ont été financés dans le cadre de cette politique volontariste de reconstruction du tissu économique. Certains de ces projets se traduiront probablement par la création de jeunes pousses dont les produits attractifs montreront une forte valeur utile pour leurs clients potentiels. Il s’avère maintenant que les pôles sont devenus des attracteurs d’investissements puissants sur les entreprises allemandes, américaines et hollandaises. Une des faiblesses de cet écosystème réside pour le moment dans la faible présence des capital-risqueurs au sein des pôles de compétitivité. Ces derniers prétendent n’y trouver que trop peu de projets attractifs, mais sont-ils correctement informés de la richesse de l’offre émanant des pôles ? Par ailleurs les pôles font-ils leur propre promotion de manière adéquate vers les investisseurs ? Les chefs d’entreprise de TPE et de PME ont une approche patrimoniale de la gestion de leur affaire alors que les capital-risqueurs ont une vision capitalistique et s’impliquent dans la gestion des affaires où ils investissent. Cette différence culturelle est certainement une des pierres d’achoppement du financement des entreprises localisées dans le périmètre des pôles. Mais ce clivage entre les perceptions des modèles d’affaires et leur pilotage n’est pas spécifique des pôles. Quelques-unes des plus belles réussites entrepreneuriales françaises de ces dernières années, à faible contenu technologique innovant, se sont autofinancées car leurs modèles économiques innovants mais en décalage avec les modèles existants, n’attiraient pas particulièrement les investisseurs français. On peut citer parmi ces réussites : Price Minister et Meetic !


Les modèles Internet :

L’émergence de la Toile a fait naître des modèles économiques fondés sur la gratuité ou sur des modèles hybrides gratuit/payant. On peut citer le cas des solutions de logiciels libres qui peuvent être complétées par des offres comportant des composants payants. Le succès des modèles d’affaires libres peut également les mettre sur des trajectoires d’introduction en bourse qui font la fortune des fondateurs et des investisseurs initiaux comme dans les cas de « LinkedIn ou de Facebook ». Des solutions de mise en relation comme Facebook facilitent les rapprochements individuels et participent à la transformation du tissu relationnel et des relations sociétales. Derrière les acronymes tels que « Entreprise 2.0 », se dessinent des organisations plus dynamiques, car plus participatives. L’émergence de modèles d’affaires « Clients vers Entreprises ou C to B », en rupture avec les modèles classiques B to C ou B to B, est le signal d’une transformation profonde de la société qui affecte les organisations marchandes comme celles qui sont sans but lucratif. Les organisations de demain ne seront plus seulement orientées vers les clients, elles seront conçues pour le client avec le client.

Les transformations en profondeur de la société s’appuient sur des couples antagonistes :

- Développement économique endogène contre libéralisation et externalisation dans le cadre de la mondialisation
- Perception du risque par les investisseurs et décision de financement de projets innovants
- Liberté d’expression sur la Toile et modèles d’affaires gratuits souvent détournés vers des modèles payants
- Augmentation, grâce aux réseaux sociaux virtuels (RSV), des échanges et émergence d’une liberté de parole entre individus laquelle se confronte en entreprise à des systèmes de pouvoir qui peuvent être perçus comme coercitifs voire plus.

Les réseaux sociaux virtuels et l’économie de don :

Le développement des échanges sur les RSV participe à une reconnaissance des individus et de leurs appartenances mais aussi de leurs nouveaux modes de consommation. Il s’agit de leur consommation en tant qu’individu mais également au sein de leur communauté virtuelle qui transcende les communautés traditionnelles. C’est ce qui explique l’usage immodéré des RSV lors des récentes révolutions dans les pays du Maghreb et du Machrek tout comme dans les entreprises. Ce don de soi-même qui caractérise l’économie des réseaux sociaux est aussi la reconnaissance d’un statut, celui de membre d’un collectif. Le bénéficiaire de ce don ne reçoit pas seulement des informations provenant du réseau, mais une fraction de la personne du donneur. A côté des modèles économiques traditionnels basés sur l’échange de biens et de services, de travail, les RSV font émerger fortement le modèle économique du « don ». Dans ce modèle la valeur de l’échange est basée sur les connaissances et les connexions, et sur des fractions de « l’individu informé ». Le développement de l’économie du « don » est l’une des caractéristiques de l’économie du XXI ème siècle.

Ces transformations progressives s’appuient et se construisent généralement par étapes. Mais il en va des fractures sociétales, au-delà des organisations, comme des glissements tectoniques. L’impact des réseaux sociaux virtuels (RSV) est indéniable quant à l’émergence et au renforcement des valeurs démocratiques dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. Les tsunamis politiques auxquels nous assistons dans ces zones géographiques, et qui n’ont pas pris fin, rapprochent les nations concernées des démocraties européennes comme les plaques tectoniques européennes et africaines le seraient actuellement.