Allocution prononcée par Daniel Bretonès à l’occasion du
Prix de thèse 2016 de l’ANDESE
Hôtel de l’Industrie - Le 14 juin 2017

Mmes et MM. les Professeurs
Mmes et MM. les Présidents et Directeurs généraux
Mmes les Recteurs
Chers adhérents et chers amis…

Je suis heureux de vous accueillir pour ce Prix de thèse 2016 de l’ANDESE qui marque l’excellence académique et la qualité de la recherche Française dans l’ensemble de ses Ecoles doctorales. Je tiens à préciser que le Prix de thèse ANDESE est le plus ancien Prix de thèse décerné en Economie et en Sciences de Gestion.

Je tiens à remercier M. Michel Edouard Leclerc, Président des magasins E. Leclerc, qui a bien voulu parrainer cette édition 2016 de notre Prix et succède à Michel Pébereau qui a soutenu notre Prix en tant que Président de BNPPARIBAS puis de Président de la Fondation BNPPARIBAS.

M. E. Leclerc n’est pas seulement un des chefs d’entreprise, Président des magasins éponymes, dont la notoriété publique est une des plus élevées en France. C’est un des rares Dirigeants français également « Docteur en Sciences Economiques » et de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne. Je suis particulièrement fier de vous accueillir, Monsieur le Président, en tant que condisciple de cette grande Université française connue mondialement. C’est un Docteur en Sciences de Gestion qui accueille un Docteur en Economie.

Vous avez été et vous êtes dans les métiers que vous pratiquez un innovateur et vous avez fait de votre groupe récemment le premier groupe de distribution français devant ses concurrents.

Au sein des activités menées par l’ANDESE, cette manifestation le « Prix de thèse » est complémentaire du « Prix du Financier » de l’ANDESE que nous organisons tous les ans en partenariat avec Investir et le Groupe les Echos. Cette année c’est Thierry de la Tour d’Artaise, Président du groupe SEB, qui a été lauréat de ce Prix remis par M. Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France.

Parmi nos activités je souhaite également parler de la revue VSE « Vie & Sciences de l’Entreprise » une des plus anciennes revues française d’Economie et de Gestion et je remercie les adhérents et les donateurs, dont certains sont ici, qui nous permettent de développer VSE, la revue de l’ANDESE. Les articles des nominés au Prix de thèse nous permettent tous les ans de constituer un « N° Spécial Prix de thèse ».

L’ANDESE est également amenée à renforcer la reconnaissance du diplôme de « Docteur » insuffisamment connu ou méconnu dans notre pays, ce qui est une singularité mondiale.

L’ANDESE fondée en 1953 a d’abord accueilli les Docteurs en Economie puis dans les années 1970 les Docteurs en Sciences de Gestion pour devenir l’Association des Docteurs ès Sciences Economiques et en Gestion. Ce qui caractérise notre Association c’est qu’on y trouve des chercheurs passionnés par les entreprises et des femmes et hommes d’entreprise attirés par la recherche. Notre ADN est constitué par cette hybridation académique et entrepreneuriale qui constitue un des piliers de la croissance économique. Nous pouvons certainement renforcer et développer ce pilier en France pour rattraper l’Allemagne, les pays Scandinaves, le monde Anglo-Saxon et l’Asie ou la proximité Universités / entreprises est en général plus forte.

On rencontre au sein de l’ANDESE les Universitaires les plus éminents et des professionnels reconnus. Certains d’entre nous dans cette salle ont été la cheville ouvrière de l’accord de Paris sur le changement climatique, d’autres publient et communiquent sur les mutations de notre société et anticipent l’avenir de la banque parallèle (shadow banking), de la finance participative ou de la gouvernance des banques, de la RSE des entreprises. D’autres encore ont été membres du Comité de politique monétaire de la Banque de France et ont œuvré à la création de l’Euro, ont exercé tous les métiers du capital investissement, créé des fonds d’investissement et présidé l’AFIC (Association française des investisseurs en capital). Nous avons également parmi nous le seul Français qui a été nominé deux fois au CES de Las Vegas sur la thématique de l’Internet et des objets connectés.

J’ose espérer qu’avec son ADN original l’ANDESE saura retenir l’attention de notre nouvelle ministre de l’enseignement supérieur dont une des nombreuses qualités est d’être une généticienne avertie.

Nos valeurs sont basées sur l’excellence académique, l’Universalité et la diversité. Parmi les candidats et nominés il y a une majorité de candidates, et d’origine variées car de tous les continents.

Les thèses nominées l’ont été, comme pour les années précédentes, après un travail de sélection méticuleux sous l’animation dynamique et pleine de tact de Mme le Pr. Denise Flouzat, Présidente du Comité académique. Ce comité est composé d’Universitaires et de professionnels. Les thèses reçues l’ont été tant des Universités que des Grandes Écoles.

A titre de mémoire nous avons déjà distingué des nominés des Universités de Bretagne, d’Aix Marseille, de Toulouse, de Paris Dauphine, de Paris I Panthéon Sorbonne, de Paris II Panthéon Assas, de Paris Ouest Nanterre, des Écoles Centrales, de Mines Paris Tech et d’HEC. Comme vous le verrez d’ici quelques instants l’École Polytechnique s’est jointe à la compétition et nous nous en réjouissons.

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Je voudrais terminer cette allocution sur des perspectives d’avenir qui concernent tant l’enseignement que la recherche et l’économie.

Nous sommes dans la salle Chaptal qui fut chimiste et Ministre puis un des présidents de la SEIN (Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale), créée en 1801, association qui nous accueille aujourd’hui.

La désindustrialisation n’est pas une nouveauté en France car les Trois Consuls ont fait de la SEIN le fer de lance de la réindustrialisation Française il y a plus de 200 ans déjà.

Depuis plus de 20 ans les entreprises françaises ont été soumises à des conditions concurrentielles au sein de l’Union européenne extrêmement défavorables notamment par rapport à nos voisins allemands. Les groupes du CAC 40 s’en sont bien sortis car ils tirent plus de 80 % de leurs revenus des marchés extérieurs. Pour les PME cela a été beaucoup plus difficile car elles disposent de marges réduites (inférieures de 20 points aux marges des PME et ETI allemandes). Dans ces conditions il est très difficile ,de recruter et d’innover, de pratiquer la croissance, le « Scaling » comme l’écrivent nos amis américains, comme une respiration normale. Je passerai sur les droits de succession quasiment inexistants en Allemagne et l’ISF qui existe d’un côté du Rhin et pas de l’autre.

Si l’on avait voulu démanteler l’industrie française de manière systématique il aurait été difficile de faire mieux. Le résultat c’est en 2017, un PIB industriel de 10 % en France alors qu’il est à 17 % en Italie et à 26 % en Allemagne et des millions d’emplois perdus en France, sources de désespoir et d’extrémisme.

Cependant les Programmes d’Investissement d’Avenir initiés sous le mandat du Président Sarkozy ont donné un peu d’oxygène aux PME et permis pour la recherche de créer des Idex (Investissements d’Excellence) et des Labex (Laboratoires d’Excellence), stimulants pour le développement des Centres de recherche.

La création du contrat CICE sous le mandat du Président Hollande a permis de restaurer partiellement les marges des PME après des années de réduction des coûts et de destruction d’emplois.

Le soutien au développement des clusters industriels, initiés en 2005, a également limité ou réduit la dégringolade industrielle. Ce n’est qu’un rattrapage par rapport aux pays nordiques qui ont mis ces politiques en place 20 ans plus tôt et aux allemands au moins 10 ans plus tôt. Quant aux Etats Unis, ils ont développé leurs clusters industriels 50 ans plus tôt que les Européens ! Sans parler du Small Business Act utilisé à plein régime par les USA depuis 1953 et que nos amis Britanniques se sont fait un plaisir de bloquer en Europe dans la cadre de la libéralisation à outrance promue par leurs groupes de pression à Bruxelles !

Les temps changent et les Français viennent de montrer dans les urnes une volonté de changement et de renouveau. Nous sommes confrontés à des mutations accélérées et multiples qui touchent tous les secteurs de l’économie sous l’effet de la numérisation accélérée, du remodelage des processus d’affaires, de la refonte des modèles d’affaires, et des transformations profondes des conditions concurrentielles « Ubérisation ».  De nouvelles méthodes de développement des entreprises s’appuyant sur une économie plateformisée transforment ces dernières en profondeur en misant de manière systématique sur l’innovation et la disruption, ainsi que sur le financement par le capital investissement. L’exploration des données des années 1980 (datamining) est remplacée par le traitement de la Mégadonnée (Big data) et des algorithmes ultra puissants capables de s’améliorer constamment (auto-apprentissage) remettent en cause à terme de nombreux emplois intermédiaires.

Les Universités et les Écoles devront à court et à moyen terme transformer les enseignements en misant sur la créativité, l’apprentissage systématique de l’innovation et l’utilisation des nouveaux outils décisionnels à base d’intelligence artificielle. Les centres académiques devront également se rapprocher des incubateurs de jeunes pousses et des accélérateurs de start up, pour y détacher leurs doctorants et faire émerger cette nouvelle économie, plus virtuelle, augmentée, disruptive et à la croissance potentiellement exponentielle, et fortement consommatrice de capital risque.

C’est un chantier gigantesque qui s’ouvre pour les Universités et Ecoles Françaises face à une concurrence forte voire très forte des établissements Etatsuniens et Chinois dont les moyens financiers sont sans commune mesure avec ceux de nos établissements. Nous ne voyons que les prémices des changements à venir qui seront forts et disruptifs.

La position économique de notre pays dépendra de notre capacité collective à prendre cette transformation en main.

Je voudrais simplement citer les peintres cubistes, et le plus célèbre d’entre eux Pablo Picasso, qui ont su cultiver la différence, la rupture, la décomposition des objets et la recomposition par assemblages disruptifs. Le cubisme fait partie de notre identité et de notre héritage culturel. Il se situe dans le domaine des arts à un niveau de transformation de la réalité comparable à ce que nous découvrons au travers de l’utilisation des technologies numériques.

Pablo Picasso dans son approche de déconstruction / reconstruction a écrit « Je cherche l’inspiration dans la réalité. Seul le réel stimule mon imagination et me donne une vie nouvelle ».

Ces propos de l’artiste, reconnu comme le fer de lance du cubisme, me paraissent prémonitoires et d’actualité quant aux chantiers innovants à lancer pour remettre notre économie en mouvement et donner des orientations opérationnelles à nos Universités, à nos Écoles et à nos Centres de recherche.

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