La transformation numérique de l'économie est en marche. Tous les secteurs de l'économie sont concernés. Les dirigeants d'entreprises ont bien compris qu'ils pouvaient tirer profit des nouvelles technologies et ont investi en masse pour créer une rupture numérique ("digital disruption") qui oblige tout leur écosystème à réagir. Mais la transformation numérique a créé une fracture entre les « digital followers » et les « digital transformers ». Les « digital followers » se contentent de travailler sur leurs activités existantes alors que les « digital transformers » sont les leaders de la transformation numérique. Parmi ces derniers figurent les "GAFA", les "NATU" et les FinTech.

1. Après les GAFA, l'émergence des NATU

Les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) sont toujours présents sur le marché et incarnent l'économie du début du XXIème siècle.  Selon plusieurs sources, le quatuor pèse désormais plus lourd que l'ensemble des entreprises du CAC 40 : 1675 milliards de dollars pour les GAFA contre 1131 milliards de dollars pour les entreprises.

Les GAFA pèsent lourd en Bourse
Evolution de la capitalisation des GAFA et du CAC 40 en euros courants


Source : Bloomberg - Aurel BCG - AlterEcoPlus

Cela étant, ils sont confrontés à l'émergence d'une nouvelle génération de géants américains qui ont inventé un nouveau modèle d'affaires, les "NATU" (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber).

2. Qui sont les NATU ?

Les NATU symbolisent la deuxième marche de la transformation numérique et sont les nouveaux géants du numérique. Netflix dans l'industrie de la télévision et du cinéma, AirBnb dans le tourisme et l'hôtellerie, Tesla dans l'automobile et Uber dans le transport. Soutenues par d'importants effets de réseaux et une exploitation massive des données, ces nouvelles jeunes pousses ("start up") secouent le monde. En 2015, elles représentent légèrement plus de 10% du CAC 40  contre 3% au début de l'année 2013.

  • Netflix, entreprise américaine créée en 1997, propose des films et séries télévisées en flux continu sur Internet. L'entreprise est implantée en Amérique du Nord et du Sud, dans les Caraïbes et dans certaines parties de l'Europe.
  • AirBnb, fondée en août 2008 et basée à San Francisco, est une plateforme communautaire qui permet de proposer des logements en location à travers le monde et de les réserver via Internet.
  • Tesla Motors, créé en 2003, est un constructeur automobile de voitures électriques dont le siège social est à Palo Alto, dans la Silicon Valley, aux Etats-Unis.
  • Uber, créé en 2009, est une entreprise technologique qui a développé une plateforme mobile de mise en relation d'utilisateurs avec des chauffeurs de véhicules de tourisme (VTC) géolocalisés en temps réel.

3. Quelques mots sur l'uberisation

Cette nouvelle forme d'activité est en train de gagner tous les secteurs : transport, logistique, tourisme, restauration, banque, etc.

L'uberisation est un néologisme qui décrit comment les modèles d'affaires sont bouleversés par de nouveaux acteurs qui utilisent à plein les possibilités d'internet.  La société Uber en est l'inspiratrice directe et l'illustration.

  • Selon les experts du Cabinet Deloitte, l'uberisation qu'ils qualifient "d'économie à la demande" et estimée à 26 milliards en 2013 devrait peser 100 milliards de dollars en  2016. Mais que recouvre ce concept ? Pour le Cabinet Deloitte, l'uberisation de l'économie se caractérise par sept aspects essentiels :
  • "disruption" ("rupture") : les modèles traditionnels sont remis en cause.
  • usage : l'usage d'un bien ou d'un service est préféré à la possession dudit bien ou service.
  • innovation : des approches nouvelles qui apportent un regard différent sur notre quotidien et le mieux-vivre, à travers l’expérience utilisateur.
  • échange : la mise en relation via internet des clients qui recherchent un produit ou service avec les fournisseurs de ce même bien ou service.
  • "digital" ("numérique") : l'échange entre clients et fournisseurs est supporté par des plateformes numériques.
  • interdépendance : le consommateur est au centre du système.
  • dynamique : le prix est ajusté en temps réel suivant l'offre et la demande.

Au total, il s'agit le plus souvent d'une société qui installe une plateforme en ligne pour mettre en relation les clients avec des acteurs professionnels.

Si l'uberisation est jugée comme une aubaine pour le consommateur, il en va différemment en matière d'emplois. Ainsi, pour Bruno Teboul, directeur scientifique chez Keyrus et coauteur de l'ouvrage intitulé "Uberisation = Economie déchirée", l'uberisation risque d'anéantir bien plus d'emplois qu'elle ne va en créer. L'auteur estime que "d'ici 2025, 3,5 millions d'emplois seront détruits à cause de la numérisation de l'économie dont l'uberisation est une des conséquences. D'ici dix ans, 42à 47% des emplois ne seront plus effectués par des humains mais par des robots (...). A l'inverse, ce phénomène créera des activités nouvelles qui profiteront à une petite quantité de salariés très qualifiés (...). Les grands gagnants seront les clients et les grands perdants, les salariés peu qualifiés."

4. Les nouveaux géants de l'internet dans la finance : les FinTech

L'apparition des FinTech (voir glossaire) bouleverse le modèle d'affaires ("business model") de l'industrie financière. Ces jeunes pousses de la finance spécialisées dans les technologies financières se lancent à l'assaut des paiements, de l'épargne et du crédit.

Faut-il pour autant conclure que les FinTech vont « supplanter » demain les établissements financiers classiques ? Face aux offensives de ces nouveaux entrants, qu'il s'agisse de géants comme Apple et Google investissant le métier des paiements ou de jeunes pousses dans le domaine du crédit, le patron de la Société Générale reste serein et souligne que les "métiers de la banque sont complexes avec de forts enjeux économiques à la clé, et cela n'est pas si simple de bâtir une présence durable et crédible en très peu de temps".

Les banques ne sont pas condamnés à disparaître car elles disposent d'atouts non négligeables face à ces jeunes pousses.

  • Elles disposent de moyens financiers plus importants et d'équipes bien formées
  • Elles effectuent des opérations que les FinTech ne pourront jamais faire (gestion des flux, opérations de marché,...).
  • Contrairement aux banques, les FinTech manquent d'expérience en matière de conformité pour la lutte contre le blanchiment, la fraude et autres délits  financiers.
  • Comme le confirme Sabine Grafe, directeur d'études chez Xerfi, "les FinTech ne représentent pas une menace sérieuse pour l'activité moyens de paiement " des banques. Dans ce domaine, les banques françaises ont toujours joué un rôle majeur dans l'innovation (voir "Les Assises des Moyens de Paiement" qui se sont tenues le 2 juin 2015). En outre, l'apparition dans le sillage de l'utilisation accrue d'internet de monnaies parallèles comme les monnaies virtuelles présente de réels dangers. Le bitcoin en est un exemple. Une note de la Banque de France de décembre 2013 rappelle que le bitcoin est une monnaie non régulée qui n'offre aucune garantie de remboursement. Par ailleurs, eu égard à son degré d’anonymat élevé, le « bitcoin » apparaît comme un instrument très efficace pour le blanchiment d’argent ou l’évasion fiscale. Enfin, les « bitcoins » peuvent faire l’objet de cyber-attaques.
  • En matière de crédits, ces nouveaux acteurs ne sont pas plus compétents que les banques pour financer l'économie et en particulier les TPE et les PME. Selon les informations fournies par la Banque de France, le crédit délivré aux entreprises et aux PME est satisfaisant en France.

Comme le rappelle Hubert de Vauplane, Avocat, "la clé pour une entreprise, quel que soit sa taille, c’est de s’adapter à son environnement". A cet égard, les banques n'auront aucun mal à s'adapter aux nouvelles exigences de la clientèle.

5. Glossaire

Entreprise numérique : "Entreprise qui tire une part de sa valeur de la numérisation de ses activités, ses produits ou ses clients" (CIGREF)

Modèle d'affaires ("Business model") : Structure utile pour lier les décisions techniques aux résultats économiques (Chesbrough)

FinTech : « Entreprises utilisant des modèles opérationnels, technologiques ou économiques innovants et visant à traiter des problématiques existantes ou émergentes de l’industrie des services financiers » (Alain Clot, Président de France Fin Tech).

Géant du numérique : Entreprise numérique ayant entre autres un pouvoir de marché gigantesque et une forte capitalisation boursière.

Monnaie virtuelle : Monnaie créée au sein d’une communauté virtuelle et stockée par ses détenteurs sur un support électronique.
Cette monnaie n’a pas cours légal et échappe au contrôle de la sphère publique. On peut citer l’exemple du Bitcoin.

Rupture digitale : Modification se produisant lorsque les nouvelles technologies et les modèles d'affaires affectent la valeur de proposition des biens et services offerts.

© Copyright ANDESE
Le présent document est protégé par les dispositions du code de la propriété intellectuelle. Les droits d'auteur sont la propriété exclusive d'ANDESE (Association Nationale des Docteurs ès Sciences Économiques et en Sciences de Gestion). La copie ou la reproduction (y compris la publication et la diffusion), intégrale ou partielle, par quelque moyen que ce soit (notamment électronique) sans le consentement de l’éditeur constituent un délit de contrefaçon sanctionné par les articles L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle.