Le commerce électronique connait un essor considérable en France et dans le monde. En France, 835 millions de transactions ont été effectuées en ligne en 2015 pour un montant total de 64,9 milliards d'euros (+14% par rapport à 2014). Selon la Fédération e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), 78,3% des internautes français ont fait un achat en ligne en 2015 (35,5 millions d'acheteurs en ligne). Pour effectuer leurs achats en ligne, les internautes consultent régulièrement les avis d'autres consommateurs. A cet égard, le baromètre du consommateur à consommateur en ligne (C to C) de PriceMinister et La Poste pour l'année 2014 révèle que 74% des internautes ont renoncé à acheter un produit à cause de commentaires et d'avis négatifs et que 41% des internautes ont réalisé un achat spontané après avoir lu un avis positif.

Face à ce constat, on peut s'interroger sur la loyauté des avis des consommateurs sur internet et sur l'encadrement de ces avis.

1. Faut-il se fier aux avis des consommateurs sur les plateformes numériques ?

Depuis 2010, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené différentes enquêtes sur les avis des consommateurs postés sur internet et recensé plusieurs pratiques trompeuses récurrentes, notamment dans l'hôtellerie, certains organismes de formation et dans les services entre particuliers. Sa dernière enquête, réalisée pour l'année 2016, dévoile que les faux avis sur internet représentent 35% des avis postés en ligne.

A - Le concept de pratique trompeuse
La loi distingue deux types de pratiques commerciales trompeuses : les pratiques trompeuses par action et les pratiques trompeuses par omission. Dans les deux cas, le consommateur est incité à prendre une décision d'achat qu'il n'aurait pas prise en d'autres circonstances. Conformément aux dispositions du code de la consommation : une pratique est trompeuse par action si elle est commise dans les circonstances suivantes :
a) "lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent";
b) "lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur";
c) "Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable".
- une pratique est trompeuse par omission si "compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte".

B - Les différentes pratiques trompeuses pointées par la DGCCRF
La DGCCRF dresse un état des lieux assez exhaustif des manières de fausser un avis. Ainsi, parmi les différentes pratiques trompeuses relevées par la DGCCRF, on peut citer :
- le fait pour certains professionnels de se faire passer pour des consommateurs afin de valoriser de manière déloyale leur entreprise ;
- le cas des professionnels qui font une référence abusive à la norme AFNOR NF Z74-501 destinée à garantir les consommateurs que les avis qu'ils consultent correspondent à des avis certifiés. En d'autres termes, les professionnels se déclarent certifiés alors qu'ils ne le sont pas;
- la suppression d'avis négatifs au bénéfice d'avis positifs ;
- le traitement différencié des avis : les gestionnaires effectuent une publication plus rapide des avis positifs et diffèrent la diffusion des avis négatifs.

Ce problème des faux avis, dénoncé entre autres par la DGCCRF, a incité le gouvernement à mettre en place un cadre légal.

2. Un cadre règlementaire renforcé

Lorsque la DGCCRF a mené son enquête en 2016 pour faire le point sur la récurrence des faux avis de consommateurs sur internet, il n'existait aucune règlementation française pour régler ce problème. Seule existait la norme AFNOR NF Z74-501 qui , en tant que norme, n'a aucune valeur juridique contraignante.

En octobre 2016, la loi pour la République numérique a inséré l'article L. 711-7-2 dans le code de la consommation pour permettre de vérifier le degré de crédibilité des avis disponibles sur internet. Cet article impose à "toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs » de « délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne".

Comme cela a été prévu dans la loi précitée, un décret d'application du 29 septembre 2017 a été publié au Journal Officiel du 5 octobre 2017. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2018.

Dans ce décret, le législateur définit l'avis en ligne comme étant "l'expression de l'opinion d'un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d'appréciation, qu'il soit qualitatif ou quantitatif". "L'expérience de consommation s'entend que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis". "Ne sont pas considérés comme des avis en ligne, les parrainages d'utilisateurs, les recommandations par des utilisateurs d'avis en ligne, ainsi que les avis d'experts".

En outre, le décret énumère d'une part les informations devant figurer à proximité des avis comme l'existence ou non d'une procédure de contrôle, la date de publication de chaque avis ainsi que la date de l'expérience de consommation et les critères de classement des avis parmi lesquels figurent le classement chronologique et d'autre part, les informations qu'il faut faire figurer dans une rubrique spécifique facilement accessible comme l'existence ou non de contrepartie fournie en échange du dépôt d'avis et le délai maximum de publication et de conservation d'un avis.

3. Conclusion

Ainsi, aux termes du décret du 29 septembre 2017 pris en application de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, "toute personne dont l’activité consiste à collecter, modérer ou diffuser des avis en ligne de consommateurs devra assurer une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement de ces avis". En d'autres termes, il faudra être transparent sur la date de publication des avis en ligne ainsi que sur les critères de classement et l'existence d'une procédure de contrôle de ces avis.

4. Glossaire

Association française de normalisation (AFNOR) : Association régie par la loi de 1901, dont la mission est d'animer et de coordonner le processus d'élaboration des normes et de promouvoir leur application.

Commerce électronique : Ensemble de transactions portant sur des biens ou des services et exécutées par tout moyen de télécommunication, pouvant donner lieu à un télépaiement.

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : Direction du Ministère de l'Economie et des Finances chargée de la régulation concurrentielle des marchés, de la protection économique et de la sécurité des consommateurs.

Fédération e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) : Organisation professionnelle représentative des acteurs du commerce électronique.

Loi pour une République numérique : Loi promulguée le 7 octobre 2016 qui prépare la France aux enjeux de la transition numérique et de l'économie de demain.

Pratique trompeuse : Conformément à la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, "une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans un contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement".

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