La pandémie du Coronavirus qui a débuté en Chine a suscité la psychose, ébranlé l’économie mondiale et entraîné une remise en question de la mondialisation.

Le concept de mondialisation est la traduction de « globalization » en anglais. Certains dénoncent une mauvaise traduction de « « globalization ». Fernand Braudel, dans la Méditerranée, utilise le concept « d’économie-monde » (« Weltwirtschaft ») et le professeur canadien Marshall Mac Luhan (1971) emploie le terme de « village global » ou « village planétaire ». Les concepts de «globalization » et « mondialisation » ont fait débat non seulement parce qu’ils ne recouvrent pas la même sémantique mais nous observons également que l’objectif de la mondialisation fixé au départ a été détourné. En effet, à l’origine la mondialisation avait pour but de réduire l’écart entre le Nord et le Sud. Comme le rappelle Jean-Robert Henry, directeur de recherches à l’Institut de Recherches et d’Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM) à Aix-en-Provence, « un premier moment de la pensée mondialisante, curieusement refoulé aujourd’hui par beaucoup d’analystes, a été celui d’une mondialisation optimiste et universaliste. Consécutive au mouvement de décolonisation, elle était centrée sur l’espoir d’un développement pour tous grâce à une mise en œuvre de la solidarité mondiale ». La mondialisation a pris un autre tournant.

Après avoir examiné les échecs de la mondialisation ultralibérale et les méfaits du collectivisme, nous montrerons qu’une autre voie est possible.

1. Mondialisation et ultralibéralisme

« La mondialisation, stade suprême du capitalisme ? » est le titre d’un ouvrage édité sous la direction de Wladimir Andreff qui rend hommage à l’un des plus éminents représentants de l’école française de l’économie de la mondialisation, Charles-Albert Michalet.

A. Au cœur de la mondialisation : mobilité et uniformisation

Pour l’INSEE, le concept de mondialisation désigne « une interconnexion croissante à l’échelle mondiale : les personnes, les institutions, les lieux et, plus généralement, les sociétés sont de plus en plus reliés par delà les frontières nationales, du fait de l’accroissement des mouvements de capitaux financiers et de biens et services mais aussi de l’augmentation des flux de personnes et de leurs savoirs ».

La mondialisation met en relation différentes parties du monde grâce à des réseaux de communication et de transports de plus en plus performants et de moins en moins coûteux. L’un des aspects les plus visibles de cette mondialisation est l’explosion des mobilités de personnes, de marchandises, de services et de capitaux.

  • La mondialisation des capitaux, dont le pivot est la finance, est le phénomène le plus spectaculaire. En effet, comme le souligne François Chesnais dans son livre « La mondialisation du capital » « en cette fin de XXème siècle, l’analyse de la mondialisation du capital doit commencer par la finance. La sphère financière est celle où l’internationalisation des marchés est la plus avancée ; celle où les opérations du capital ont atteint le degré le plus élevé de mobilité ».  Avec le développement des échanges et l’apparition de déséquilibres dans les balances de paiements, le marché des eurodevises s’est largement déployé pendant les 30 glorieuses. La crise du pétrole en 1973 accompagnée d’un flottement généralisé des monnaies ont entraîné un essor du marché des capitaux flottants. Les années 1980 et 1990 ont été celles de la globalisation c’est-à-dire l’apparition de sociétés qui considèrent le marché mondial comme un espace unique dans lequel elles décentralisent la production et vendent partout et la déréglementation des marchés financiers (voir glossaire) d’autre part, qui facilite considérablement la mobilité des capitaux.
  • La mobilité des marchandises : d’après les chiffres de l’INSEE, le volume du commerce mondial a été multiplié par 6,8 tandis que le volume du PIB mondial a été multiplié par 3,5. Depuis le milieu des années 1980 jusqu’à la crise financière de 2008, le taux d’augmentation du commerce mondial est de manière systématique plus élevé que le taux de croissance du PIB mondial. Depuis 2011, les taux de croissance du commerce mondial et du PIB mondial sont quasiment identiques ; la mondialisation semble avoir atteint un palier.
  • Les services ont été touchés avec retard par la mondialisation. Cela étant, grâce au développement du numérique et de l’accélération des technologies de l’information et de la communication (TIC), les échanges de services commerciaux ont fortement augmenté au cours des années 90. Avec les TIC, de nouveaux services dits « intermédiaires » sont devenus « externalisables » : travail de bureau, traitement des données, programmation, recherche scientifique et ingénierie.
  • L’intensité et la variété des flux transnationaux des personnes dans le monde semblent être un aspect central de la mondialisation. En ce début du XXIème siècle, les migrations se sont mondialisées. Avec 3,5 % de la population mondiale, le nombre de migrants a triplé depuis quarante ans et presque toutes les régions du monde sont concernées par l’arrivée, par le départ ou par le transit de migrants, alors que seules quelques unes l’étaient il y a trente ans.

B. Le concept d’ultralibéralisme

L’ultralibéralisme trouve son origine au sein de l’Ecole autrichienne d’économie, dite parfois École de Vienne, à travers les figures de Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek. Père de l’ultralibéralisme, Friedrich Hayek a forgé le concept de l’Etat minimal » repris par Ronald Reagan et Margaret Thatcher ». Cet économiste déclarait entre autres : « personnellement, je préfère un dictateur libéral plutôt qu’un gouvernement démocratique manquant de libéralisme ».

D’aucuns définissent l’ultralibéralisme comme une doctrine qui promeut la réduction drastique de l’Etat dans la vie économique et sociale, au bénéfice du secteur privé et des forces du marché. Le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval entendent par « ultralibéralisme », un libéralisme économique radical favorable à la « jungle du marché ». L’ultralibéralisme consisterait en un capitalisme sauvage qui ferait de la « marchandisation » une loi de l’histoire, du marché une réalité naturelle et de l’Etat un danger. Il s’agirait du refus de toute règle et de toute intervention de l’État. Pour Alain Supiot, professeur au Collège de France, « le libéralisme classique demeurait conscient du fait que la libre poursuite par chacun de son intérêt individuel ne pouvait engendrer la prospérité générale que dans le cadre d’un droit qui bride la cupidité. L’ultralibéralisme au contraire prend pour des faits de nature, les fictions juridiques qui fondent le marché et en vient à considérer le droit lui-même comme un produit en compétition sur un marché des normes (État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités, (2013) ». Dans leur ouvrage intitulé « La double démocratie - Une Europe politique pour la croissance », Michel Aglietta, économiste et Nicolas Leron, chercheur associé au Centre d’études européennes de Sciences Po (CEE), soulignent que « l’ultralibéralisme va bien au-delà du libre échange (...). Selon l’ultralibéralisme, ce sont les individus en tant qu’agents économiques, qui sont souverains. Au regard de cette idéologie, l’Etat doit dépérir ».

2. Les échecs de la mondialisation ultralibérale

Sans se réclamer du mouvement « altermondialiste » qui conteste le fondement doctrinal néolibéral sur lequel repose la mondialisation économique, d’aucuns parlent du coronavirus comme la maladie de la mondialisation.

A. Pandémie du Covid-19 : une nouvelle crise de la mondialisation

Porté par l’augmentation exponentielle des voyages et des échanges économiques internationaux, le coronavirus ou Covid-19 est devenu une des plus graves épidémies de virus du XXIème siècle. En raison de cette pandémie, la mondialisation vit à nouveau une grande crise après celle des subprimes de 2008 et la crise de 2001 avec les attentats du World Trade Center. Ces crises sont la conséquence d’un monde interdépendant dans lequel nous sommes passés du concept « d’État-nation » à celui « d’espace-monde ». Mais la crise du coronavirus nous rappelle les fondamentaux d’un État-nation qui consistent notamment à protéger son peuple en acceptant le concept de frontière, de contrôle, d’autorité. A cet égard, sous prétexte de ne pas faire le jeu du nationalisme, la France a refusé de fermer ses frontières, de suspendre tous les vols en provenance et vers la Chine et d’interdire l’entrée de ressortissants de pays contaminés. Ne plus avoir la capacité de produire sur son territoire des médicaments et des produits de première nécessité en quantités suffisantes pour éviter une pénurie met en lumière les limites de la mondialisation. Pour Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po et auteur de nombreux ouvrages sur la mondialisation et les relations internationales, « nous sommes en train de découvrir ce qu’est vraiment la mondialisation, à savoir un monde unique qui se caractérise par le fait que les 7,5 milliards d’individus sont sur le même bateau. Un monde extraordinairement interdépendant ».

B. Mondialisation et financiarisation de l’économie

Sans aucun doute, les secteurs bancaires et financiers sont absolument nécessaires pour le bon fonctionnement d’une économie. Ils facilitent les fonctions basiques comme la gestion des moyens de paiement, la fourniture d’une chambre de compensation, la mise en commun de l’épargne, le partage des risques, le contrôle et la surveillance des entreprises, la production et la diffusion d’informations (Merton, 1995). Cela étant, sans faire fi des apports essentiels de la finance, il faut s’interroger sur ses excès et ses dysfonctionnements à la lumière des crises bancaires et financières qui ont durablement atteint le monde économique et financier. Nous observons en effet que les turbulences financières que traversent les économies depuis des décennies remettent en cause l’analyse des relations entre la sphère financière et l’économie « réelle ». En d’autres termes, les transformations qu’a connues le capitalisme au cours du dernier quart du XXème siècle consistant notamment à un désintéressement vis-à-vis de l’investissement productif au profit des placements financiers ont abouti à accréditer la thèse selon laquelle la sphère financière serait devenue entièrement autonome de la sphère productive. D’aucuns parlent de financiarisation de l’économie.

La finance ne doit pas être un objectif pour elle-même. Elle doit servir la croissance, l’investissement et l’emploi d’une part et améliorer la stabilité financière en évitant les crises d’autre part.

C. Une Europe ultralibérale

Les opposants aux traités européens considèrent que ces derniers constituent la forme la plus aboutie d’une Europe ultralibérale et sont un carcan pour les peuples européens. Ils présentent la construction européenne comme le cheval de Troie de l’ultralibéralisme. Pour Hugues Puel, ancien professeur d’économie à Lyon II, « la politique économique européenne est en fait une politique plus libérale dans la mesure où le Traité de Maastricht et la création de l’euro ont créé des contraintes de stabilité monétaire très lourdes pour les Etats membres de l’Union ». En décembre 1993, Philippe Séguin s’est adressé aux étudiants de Dauphine pour parler du Traité de Maastricht. Il a déclaré entre autres que « les deux erreurs cardinales qui ont conduit l’Europe à l’impasse actuelle sont la monnaie unique et l’ultralibéralisme ».

L’ultralibéralisme a pris de l’importance au sein de l’Union Européenne à partir des années 1980 sous l’influence des anglais. La libéralisation des services financiers a renforcé le poids des idées anglo-saxonnes au sein de la Commission européenne. Mais, avec le Traité de Maastricht (1992), les influences idéologiques en Europe ont changé. L’ultralibéralisme a laissé la place à l’ordolibéralisme.

L’ordolibéralisme est né en Allemagne pendant la crise des années 1930. L’inefficacité des politiques libérales pour lutter contre les effets de la crise économique a conduit les économistes à repenser les fondements mêmes du libéralisme économique. Sans remettre en cause les vertus du marché et des mécanismes concurrentiels, les tenants de cette doctrine économique préconisent que l’Etat intervienne pour encadrer ce système. Il s’agit d’une sorte de troisième voie entre le laisser-faire des libéraux et le socialisme, qui est qualifiée « d’économie sociale de marché » depuis les écrits de W. Eucken, et qui s’est développée essentiellement en Allemagne depuis 1950.

L’ordolibéralisme pose plusieurs principes directeurs et tout d’abord au niveau des prix. La libération de ces derniers offre une bonne boussole pour guider les décisions des agents économiques. Par ailleurs, l’État a la responsabilité de protéger la concurrence contre les dérives oligopolistiques. Enfin, pour être efficace, le système économique doit enregistrer une faible inflation et maîtriser ses finances publiques.

Né en Allemagne, l’ordolibéralisme est devenu la pierre angulaire de la construction européenne. Pour le président de la Bundesbank, M. Jens Weidmann, « tout le cadre de Maastricht reflète les principes centraux de l’ordolibéralisme ». De son côté, M. Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), reconnaissait que « la constitution monétaire de la Banque centrale européenne s’ancrait fermement dans les principes de l’ordolibéralisme » et M. Jean-Claude Junker déclarait « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». En résumé, la construction monétaire européenne issue de Maastricht est clairement ordolibérale. Ainsi, l’objectif premier de la BCE est la stabilité des prix dans la zone euro. Son indépendance politique est inscrite dans les traités et la met à l’abri de toutes les pressions, y compris des gouvernements. Son statut est calqué sur celui de la Bundesbank (« Buba »). La rigueur budgétaire constitue également un pilier majeur de l’Union économique et monétaire avec la mise en place du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) destiné à encadrer les finances publiques à travers une surveillance multilatérale. Le PSC fixe comme objectif général la recherche de l’équilibre budgétaire et pose des ratios maxima : le ration déficit public sur PIB doit être inférieur à 3 % et celui de la dette publique sur PIB à 60 %. En principe, ces règles sont assorties de sanctions pouvant aller jusqu’à de fortes amendes.

D. L’État-nation fragilisé par la mondialisation

En France, la fragilisation de l’État-nation consécutive à la mondialisation s’est traduite par une démission de l’Etat de ses fonctions régaliennes et à une dépendance vis-à-vis de l’étranger pour des secteurs économiques stratégiques.

  1. Concernant les missions régaliennes de l’Etat français, beaucoup considèrent qu’elles ne sont pas à la hauteur de la pression fiscale qui est la plus forte comparée à celle des 36 membres de l’OCDE. Ainsi par exemple, la crise du Covid-19 a confirmé la nette dégradation de notre système de santé publique. De plus en plus d’observateurs critiquent les réformes libérales qui ont réduit les moyens de l’hôpital public et l’ont « cassé ». La situation des services d'urgence s’est nettement dégradée. Ces derniers sont surchargés et soumis à de graves dysfonctionnements, déjà soulignés par le rapport du professeur Adolphe Steg (1993).
    L’économiste Jean Tirole, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, a publié une Tribune dans le monde du 25 mars 2020 intitulée « Face au coronavirus, allons-nous apprendre notre leçon » dans laquelle il écrit entre autres : « Nous devons également reconsidérer notre conception du monde. Nous devons accepter d’affronter la réalité plutôt que de nous réfugier dans des postures pseudo-éthiques. Dans de nombreux pays, les hôpitaux doivent parfois choisir qui vivra et qui mourra. Il va sans dire que personne ne voudrait être confronté à un tel dilemme (...). Le public ignore cependant que les hôpitaux sont confrontés en temps normal à des dilemmes similaires, mais moins visibles : l’allocation de leur budget et de leur personnel conduit à secourir certains patients au détriment d’autres personnes atteintes d’une maladie différente ».

    Les fonctions régaliennes consistent par ailleurs à assurer la sécurité des biens et des personnes. Dans ce domaine également, les importants désinvestissements de l’Etat français et son manque d’engagement ont conduit à une insécurité qui dépasse les limites du supportable avec notamment la peur des attentats qui menacent notre territoire. Les chiffres de la criminalité et de la délinquance en témoignent : la hausse de la violence en France ne cesse d’augmenter. Les spécialistes comme Alain Bauer parlent du « pire bilan qu’on ait vu depuis des années » pour l’année 2019. De plus, la mondialisation a entraîné le développement d’une criminalité transfrontière, illustrée par l’accroissement des trafics sexuels, la constitution de réseaux mafieux transnationaux ainsi que l’explosion de la criminalité financière (blanchiment de capitaux, fraude fiscale internationale, etc.).

    Enfin, s’agissant du monopole régalien des banques centrales de battre monnaie, les crypto-actifs comme le bitcoin, la libra, etc., qui ne dépendent d’aucune banque centrale ou institution financière, cherchent à échapper au contrôle régalien. Il faut tout mettre en œuvre pour mettre un terme au développement de ces crypto-actifs qui portent atteinte à la souveraineté des banques centrales. En effet, nous sommes surpris de voir par exemple des publicités télévisés sur le bitcoin. Les crypto-actifs ne doivent pas être les monnaies de demain. En mai 2019 au Sénat, la dirigeante du Secrétariat de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) Claire Landais déclarait que « les nouvelles technologies permettaient à des acteurs privés de rivaliser avec des Etats, en assumant des fonctions faisant historiquement et sans conteste jusqu’alors, l’objet de monopoles régaliens ».

  2. L’inquiétante dépendance vis-à-vis de l’étranger pour des secteurs stratégiques : la Chine, que certains qualifient « d’usine du monde », fabrique des produits et des composants d’une importance vitale ou stratégique et la France en est fortement dépendante. Comme le reconnaît le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, « l‘épidémie change la donne de la mondialisation et montre que, dans certaines filières, les difficultés d’approvisionnement peuvent poser un problème stratégique ». Il cite les batteries électriques (à 95 % asiatiques) ou les principes actifs à la base des médicaments (80 %). S’y ajoutent les terres rares indispensables aux produits haute technologie, panneaux solaires, matériels électriques, composants électroniques ...

    La France a perdu sa souveraineté en matière de médicaments et elle est régulièrement confrontée à des pénuries de médicaments essentiels. Un rapport d'information du Sénat sur la pénurie de médicaments et de vaccins publié en septembre 2018, souligne entre autres que « les pénuries sont à l’origine d’un préjudice sanitaire très important pour les patients comme pour la collectivité ».

    D’autres secteurs économiques subissent de plein fouet la crise du Covid-19 comme celui de l’électronique (80 % de la production de circuits imprimés est concentrée en Chine), du textile (un quart des importations de vêtements sont en provenance de Chine), de l’automobile (20 % au moins des pièces arrivent de Chine), des jouets (55 % des jouets sont fabriqués en Chine) et le tourisme (la clientèle chinoise a dépensé 265 millions d’euros à Paris et en Ile-de-France en 2018 dans des biens « durables »).

Ce n’est pas parce que l’on dénonce la mondialisation, qu’il faut faire les louanges du collectivisme (assistanat, non reconnaissance du mérite, etc.). Cette idéologie n’est pas davantage acceptable : elle ôte aux individus le goût de se battre ; elle en fait des moutons.

2. Le collectivisme

Le collectivisme ne peut pas être un remède aux effets néfastes du mondialisme et des politiques économiques ultralibérales.

A. Le concept de collectivisme

Albert Eberhard Friedrich Schäffle, sociologue et économiste politique allemand, en donne la définition suivante : « c’est la propriété collective, au lieu de la propriété de tous les moyens de production ; c’est le remplacement le la concurrence capitaliste sans unité par l’organisation sociale du travail ; c’est la substitution de l’organisation corporative et de la direction sociale de la production aux entreprises privées ; c’est la division publique du travail commun sur la base de la propriété collective par tous de tout le matériel du travail social ; c’est la répartition des produits collectifs de tout genre aux travailleurs, en raison de la quantité et de la qualité de leur travail ». Pour Jules Guesde, professeur au Collège de France, le collectivisme s’identifie au communisme scientifique de Karl Marx. Fidèle aux théories marxistes, il pense qu’une nécessité de la transformation collectiviste de la société, c’est la disparition de la classe moyenne qui « fait tampon et empêche le choc entre le prolétariat travailleur et le capitalisme oisif ». A cette affirmation, d’aucuns répondent que le collectivisme garantit la même pauvreté à tous - sauf à la nomenklatura étatique. Sous le régime soviétique, les classes moyennes avaient disparues. Il y avait les travailleurs et les privilégiés qui constituaient la « nomenklatura ».   Dans un ouvrage intitulé « Le collectivisme au Collège de France », Jules Guesde répond à Paul Leroy-Beaulieu, membre de l’Institut et professeur au Collège de France. Il écrit entre autres : « Où M. Paul Leroy-Beaulieu s’est surpassé, c’est lorsque, démasquant toutes ses batteries, il a foudroyé le collectivisme au nom de la justice, de l’utilité et de la liberté, convaincues au contraire de trouver leur pleine et entière satisfaction dans la plus juste, la plus avantageuse et la plus libre des sociétés , la société capitaliste ». De son côté, Paul Leroy-Beaulieu, dans la préface de l’ouvrage « Où mène le socialisme » rédigé par le politicien allemand Eugen Richter, énonce les effets du socialisme prévus par ce dernier : « bureaucratisation et militarisation de la société, domination du parti, asservissement des travailleurs et surtout des paysans, perte d’intérêt pour le travail, irresponsabilité généralisée, basse qualité des produits et des services, déficits, pénurie, rationnement, marché noir, népotisme, dislocation de la famille, assujettissement de la femme », etc. Pour Paul Leroy-Beaulieu, « tous les moyens artificiels de supprimer ou de réduire l’inégalité sont des attentats à la libre expansion du talent, de l’activité et des progrès mêmes du genre humain ».

B. « Trop de social tue le social » : de l’assistanat au collectivisme

Dans leur ouvrage intitulé « Transformer la France - En finir avec mille ans de mal français (2018) », Jean-Philippe Feldman et Mathieu Laine décrivent « une France assoiffée d’égalitarisme et habituée à se placer sous protection publique ». Il ne faut pas confondre « égalité » et « égalitarisme ». L’égalitarisme favorise indirectement l’uniformité, l’indifférenciation et la massification en annulant le caractère sacré de la différence humaine. L’égalité ne doit pas se transformer en égalitarisme. De son côté, dans son ouvrage intitulé « Tyrannie de la redistribution », Thierry Afschrift, professeur de droit fiscal et avocat fiscaliste, dénonce le processus par lequel tous les individus deviennent les esclaves de l’État, les uns parce qu’imposables à merci, les autres parce qu’assistés à sa merci.

En 2013, un groupe de parlementaires français ont signé une tribune pour dénoncer « l’assistanat et la déresponsabilisation de la société française qui nous font basculer dans le collectivisme dont le modèle, de triste mémoire, s’est effondré à l’Est de l’Europe il y a plus de vingt ans ».

L’assistanat est trop développé en France. Les comparaisons internationales révèlent une certaine « exception française ». Avec un tiers de la richesse nationale consacrée à la protection sociale, soit 727,9 milliards d'euros en 2017, la France reste le pays le plus généreux d'Europe, indique une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), le service statistique du ministère de la santé et de la solidarité. D'aucuns parlent de la France comme « la patrie des mille et une allocs ! ».

3. Une troisième voie

Pour sortir du carcan d’une société ultralibérale ou d’une société collectiviste, il faut trouver une troisième voie qui pourrait être un changement profond de notre modèle économique et social avec une évolution des mentalités.

Quelques pistes de réflexion :

A. Réguler la financiarisation de l’économie

La finance est d’autant plus difficile à réguler que de nombreux facteurs menacent la stabilité financière. En effet, contrairement à ce qu’affirme la théorie, les marchés financiers ne sont pas parfaits eu égard à leur manque de transparence et de l’asymétrie de l’information qui va entraîner une volatilité des prix et être à l’origine de l’instabilité financière préjudiciable à l’activité économique. En outre, l’intégration des systèmes financiers nationaux présente des risques pour la stabilité comme celui de contagion en cas de crise par exemple. La régulation financière est indispensable pour éviter de graves crises comme celle des « subprimes » qui a failli faire exploser le système bancaire mondial. Dès lors, des mesures de supervision du système financier ainsi que de règlementation ont été adoptées.

B. Redynamiser notre industrie

D’année en année, les chiffres de l’industrie continuent d’illustrer les problèmes de notre système productif. Depuis 1989, les effectifs de ce secteur ont diminué de plus de 30 % avec une forte accélération depuis les années 2000. Les délocalisations et la désindustrialisation restent un problème préoccupant en France et inquiète l’opinion publique. La France est « malade » de sa désindustrialisation dont les premiers effets ont commencé à être plus clairement perceptibles à partir du milieu des années 1980, à la faveur de la concurrence exercée par les pays à bas salaires. Un exemple des problèmes posés par la désindustrialisation nous est fourni par la crise sanitaire actuelle. En effet, pour sortir de la pandémie, la France ne peut pas compter sur sa capacité de production industrielle. A l’inverse, l’Allemagne s’en sort beaucoup mieux sur sa forte productivité et un important stock de réactifs chimiques.

C. Réhabiliter la valeur travail pour combattre l'assistanat

Dans son ouvrage intitulé « Celui qui ne travaille pas ne mange pas », Régis Brunet, professeur à l'université catholique de Louvain, rappelle que « des abbayes bénédictines aux soviets bolchéviques et de la Réforme calviniste au capitalisme , la formule de Saint Paul n'a cessé de retentir : que celui qui ne travaille ne mange pas non plus ».

Pour les défenseurs de la valeur-travail, le travail reste une valeur centrale, une valeur morale, un devoir, la seule liberté dont dispose l'individu, la véritable source du mérite et de la dignité, la condition de la prospérité sociale ... Lors d'un discours au Sénat, Christine Lagarde avait exprimé le souhait que le travail « redevienne ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : une valeur démocratique, un vecteur d'intégration, une vérité dans notre existence ».

D. Lutte contre le déclin des classes moyennes

Depuis plusieurs années, le sort des classes moyennes qui fait débat. De nombreux travaux les décrivent comme étant « à la dérive » (Louis Chauvel). L'économiste Nicolas Bouzou dans son ouvrage intitulé « Le chagrin des classes moyennes » décrit la situation des classes moyennes comme le « ciment du lien social qui se délite ». Les classes moyennes, dont la progression du niveau de vie est plus faible que celle des extrêmes ressentent une frustration importante car d'une part les nombreuses mesures sociales ont permis de faire progresser le niveau de vie des plus modestes et d'autre part, les français les plus riches ont connu une progression de leur revenu disponible plus forte que la moyenne. A cela s'ajoute les problèmes liés aux coûts et à la politique du logement. Les classes moyennes disposent de ressources trop élevées pour prétendre au logement social mais trop faibles pour louer ou acquérir dans le secteur libre. Elles se trouvent alors reléguées en zones périurbaines, loin de leur emploi.

Taxer toujours plus les classes moyennes et notamment les classes moyennes supérieures conduit vers un nivellement par le bas et vers un anéantissement des classes moyennes annoncé par Marx.

Face au grave problème de l'appauvrissement des classes moyennes, la question se pose de savoir si nous voulons une société collectiviste plutôt qu'une société où le courage, l'effort, la volonté de réussir, le mérite, etc. sont récompensés et non punis par un matraquage fiscal.

4. Glossaire

Capitaux flottants : Capitaux en quête de placements recherchant la meilleure rentabilité à court terme sur l'ensemble des places et des marchés.

Délocalisation : Fait pour entreprise de transférer une partie de ses activités, de ses capitaux ou de ses employés vers un autre pays.

Dérèglementation financière : Suppression des réglementations existant sur les marchés financiers, comme l’encadrement du crédit ou le contrôle des changes.

Désindustrialisation : Action de réduire ou de faire disparaître une ou des activités industrielles.

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