Pour qu’un bien soit considéré comme une monnaie il faut au minimum qu’il puisse répondre à trois problèmes :

a) il doit pouvoir être un instrument qui assure les échanges ventes et achats ( effet de transaction ).

b) il doit pouvoir être conservé permettant de séparer les ventes et achats sur plusieurs périodes , facilitant l’épargne et par extension le crédit.

c) il doit enfin être assez stable pour permettre l’évaluation des objets en particulier ceux qui sont négociables.

Les « Cauris » coquillages (utilisés en Afrique de l’Ouest jusqu’en 1940 en concurrence avec le Franc C.F.A.), les anneaux de cuivre pour les transactions internes et les anneaux d’or pour les relations internationales (Égypte ancienne) anneaux de pierre de 4 à 350 cm de diamètre dans l’Ile de Yap (en Micronésie) utilisés jusqu’au XXème siècle ont été des monnaies internationales. Les métaux précieux (or et Argent) répondent très bien à ces définitions, mais leur quantité dépend de la diligence des habitants à aller en profondeur pour rechercher ces cauris ou de l’efficacité des chercheurs d’or. Ainsi les produits utilisés comme monnaie dépendent de leur production . Dès qu’une découverte entraîne une forte augmentation de leur « masse »,il se produit des hausses de prix ,dans la mesure où il n’y a pas un développement équivalent des biens produits .Ainsi dans « La Réponse au paradoxe de Monsieur de Malestroict » Jean Bodin a inventé la théorie quantitative de la monnaie.

La monnaie-papier issue du développement des « lettres de crédit » a d’abord été émise en représentation de l’or déposé dans une Banque centrale (La banque de Saint George à Gènes créée en 1407.accepte des dépôts d’or en 1586 et émet des « papiers »  représentatifs). Malgré la condamnation de l’usure les prêts se développent sous la forme de prêts à la grande aventure et de crédit classique s’il y a « change »de monnaie. Malgré l’ affirmation de l’économiste Dutoit, en réponse à John Law, suivant lequel la monnaie -papier n’avait pas d’avenir, celle-ci s’est quand même développée. Mais les banques centrales ont cherché à contrôler les émissions .Le plus récent exemple est la condamnation par des tribunaux US de la BNP pour avoir utilisé le Dollar dans des opérations hors du domaine US mais illicites en droit américain.

Ainsi les monnaies n’ont vraiment été contrôlées par les banques centrales que depuis que la Banque d’Amsterdam (1609) a donné à la monnaie papier son acte de noblesse. Même encore à l’heure actuelle il y a des créations de monnaies non contrôlables qu’elles soient émises par les entreprises( crédit interentreprises) ou même par le public ( par carte de crédit). Les monnaies cryptées permettent-elles de sortir du système de contrôle des banques Centrales ? tel est le problème qui est posé par leur existence.

Une troisième étape est venue avec la possibilité de créer des monnaies virtuelles. Pour les étudier il faut analyser la première d’entre elle c’est-à-dire le Bitcoin, celles qui l’ ont suivi et enfin celles qui sont émises en représentation de monnaies réelles.

Pour analyser les cryptomonnaies il faut donc séparer le bitcoin des autres monnaies imitées du Bitcoins et les « stable coins » dont le premier exemplaire est le « LIBRA » devenu « Diem ».

I. Le Bitcoin

Le « monde » du Bitcoin comprend trois éléments :

a) le « jeton » représentatif d’une inscription informatique avec les inconvénients liés à ce type de produit. Ainsi le détenteur de 600 Bitcoins achetés pour quelques dollars et désireux de les vendre, s’est trouvé lésé car il avait perdu le code de l’ordinateur dans lequel il les avait déposés .Il faut noter aussi l’ardeur des hackeurs capables de dépouiller des porteurs privés ou des organismes para-bancaires détenteurs de Bitcoins pour compte de clients.

b) Le « blockchain » sorte de carnet où s’enregistre les transactions de façon définitive dès qu’elles sont acceptées par des opérateurs appelés « mineurs ». Le mineur qui a fait le premier réussir un « Bloc » de transactions a droit de recevoir une « prime » en bitcoins, prime de moins en moins importante quand on s’approche de la limite définitive de 21 millions de jetons, limite prévue par le système . Bien entendu le système est théoriquement impossible à pénétrer et les transactions sont totalement anonymes (d’où une mauvaise réputation quant à la nature de certaines transactions. Les États-Unis ont dû interdire une plateforme « Silk Road » qui se spécialisait ouvertement dans le commerce de drogue et autres agissements assez peu classiques. Aussi y a-t-il une forte pression des U.S.A. pour que les transactions mondiales en Bitcoins de plus de 10.000 $ soient toutes enregistrées aux U.S.A. suivant la règle du « KYC (Know Your Customer) ».Certains pays comme Singapour l’exigent pour les transactions initiées ou terminées chez elle ; (suivie jusqu’à présent par les grandes puissances occidentales USA, Allemagne ,France ).

En pratique le bitcoin s’est développé grâce à la vitesse des transactions, leur sécurité et leur coût extrêmement bas.

Deux problèmes sont alors posés qui assurent le succès actuel du Bitcoin :

i) Il est de plus en plus utilisé pour faciliter les transactions De nombreux Fintechs (PayPal par exemple ) l’acceptent comme une monnaie. Il en est de même de certaines grandes banques américaines.
ii) la hausse « fulgurante «  de son cours incite à en développer la spéculation. Les Bourses de Chicago C.B.O.E et C.M.E. cotent des primes et options sur le Bitcoin .Goldman Sachs fait même un marché de Produits dérivés suivi par un grand nombre de grandes banques américaines. En outre il se crée de plus en plus d’ « ETP »( Exchange Trading Products) spécialisés en monnaies scripturales et essentiellement en bitcoins

Jusqu’à présent les fluctuations du bitcoin, si fortes soient-elles, n’ont pas eu de conséquences graves. Le vol de 650.000 bitcoins en2014 chez MT Gox et sa faillite ont bien entraîné un Krach à la bourse de Shanghai mais sans conséquence pour le reste du monde. En décembre 2.017 le cours atteint 19.000 dollars pour tomber à 3.500 en novembre 2.018 sans provoquer de fluctuations sur les marchés boursiers classiques. En 2.021 Elon Musk a investi 1,5 milliards de dollars en bitcoins provoquant une forte hausse du bitcoin Puis quelques jours après il a annoncé que l’on ne pourrait pas acheter ses voitures en payant en bitcoins ,car il était devenu critique envers le bitcoin à cause coût énergétique de son « minage » (équivalant à la consommation d’électricité de la Norvège).. Aussi le bitcoin est passé de 60.000 $ à 26.000 $(puis à 40.000 $) tandis que les bourses mondiales continuaient de monter.

c) les plateformes de trading

Avec des commissions de 0,75 % à 2 % les plateformes qui assurent le transfert des fonds font des bénéfices considérables .Ainsi une des plus importantes plateformes « Coinbase » a fait une brillante introduction au « Nasdaq » avec une forte hausse le jour de l’introduction, hausse qui s’est d’ailleurs résorbée au cours de la journée. Pour le moment Coinbase ne cote que 5 types de « coins »dont le Bitcoin et l’Ether et envisage de coter le « Dogecoin »( lancé comme une plaisanterie mais fortement développé grâce à l’appui d’Elon Musk ).

II. les Altcoins et les I.C.O.s

La plus intéressante des « altcoins » est l’ « Ether » cryptomonnaie de deuxième génération et deuxième cryptomonnaie en importance loin derrière le bitcoin. Elle a sa chaîne de blocs appelée « Ethereum » qui fonctionne comme le « Bitcoin » mais dont la limite est fixée par les ICOs (Initial Coin Offerings) qui l’utilisent pour assurer leurs transactions.

Le système Ethéreum dispose d’un organisme supplémentaire, des «  contrats intelligents » (smart contracts),protocoles qui s’intègrent dans la Blockchain et permettent d’ajouter un grand nombre de fonctions(adaptation à de nombreuses autres activités comme : le transferts d’ « E.T.F. » (Exchange Trade Funds) ou de valeurs mobilières , le contrôle des « dark activities », etc…)

Même si le Bitcoin reste le « véhicule » le plus important il n’est plus le plus efficace sur le plan économique. A titre de comparaison : le Bitcoin peut traiter 7 transactions par seconde dénouées en 10 minutes, l’ether «  13 transactions en 15 secondes, l’EOS 4.000 transactions en 2 secondes.

Les I.C.O.s (Initial Coin Offerings) sont des appels à l’épargne pour des sommes très importantes financées en Bitcoins ou autres altcoins pour financer des « start-ups » non encore créées mais dont l’objectif doit plaire au public. Malheureusement 50 % d’entre elles font faillite dans leur 4 premiers mois d’existence.

Un des intérêts des ICOs qui se font coter sur certaines bourses est de faire pour les sociétés qu’ils représentent une introduction déguisée sans les frais et les lourdeurs d’un I.P.O. (introduction en Bourse) De plus, suivant les contrats d’émission elles permettent de protéger les lanceurs de la « société -cible » en leur permettant, par exemple, de conserver ses droits de vote, ses dividendes etc… Autres avantages :la rapidité de la transaction et l’importance des fonds qui viennent sur ce marché sans comparaison avec ceux que l’on obtient du secteur bancaire quand on n’a pas encore d’activité.

III. Les stable coins

Du fait de l’ampleur des fluctuations des « Coins »classiques, des sociétés ont inventé des Coins dont la parité fixe avec une monnaie ou un panier de monnaies assurent une certaine stabilité qui les rapprochent des « fiat » monnaies.

On doit distinguer les stable coins prives et leurs homologues émis par Banques Centrales :

a) Les Stablecoins privés se divisent eux-mêmes en trois catégories à risque croissant :

i) ceux qui sont à garantie « fiat ».ils sont obligatoirement couvert à 100 % par un dépôt bancaire dans la monnaie choisie exemple TRUE USD émis à Hong Kong . Cela ressemble aux monnaies régionales. C’est aussi le cas du Diem ex Libra qui a surtout la particularité d’avoir potentiellement les quelques milliards de clients de Facebook.

ii) Les «  Crypto Collaterized ». Le coin est « suradossé » à un autre coin exemple 500 dollars d’ un stable coin est couvert par 1.000 dollars en bitcoins.

iii) Les « Crypto non Collarized »ils sont contrôlés par un « smart contract » qui fixe le nombre de coins en fonction du cours. Le plus célèbre est TETHER qui a émis 2,2milliards de coins est devenu la troisième capitalisation protégée par du « papier commercial des prêts sécurisé ; etc ( ce qui en fait presque une banque ).

b) Devant l’apparition du Libra, suivi par Visa et Mastercard, les Etats se sont dit qu’il fallait se mettre dans l’opération des monnaies cryptées. Les Bahamas ont donné l’exemple suivie par la Chine qui développe ses essais dans les quatre villes qui vont servir pour les prochains jeux olympiques d’Hiver :Shenzhen, Chengchu, Suzhou et Xiong’an. Visiblement les Chinois comptent utiliser leurs coins appelés « CONY »pour en faire «  bénéficier » d’autres pays et permettre progressivement d’en faire la monnaie mondiale tout en en gardant le contrôle. Les pays occidentaux restent prudents même s’ils étudient le problème. La Federal Reserve y travaille avec le M.I.T.L’.Angleterre et la zone Euro en font de même.

Conclusion

On voit que la période actuelle est marquée par deux RÉVOLUTIONS :celle du public qui achète sans raisonner des Cryptomonnaies et celle du rôle que vont jouer les plus sérieuses d‘entre elles et surtout celles émises par des États :

a) Il y a à l’heure actuelle un effet « gilets Jaunes » en matière de finance. L’informatique a amené au le Marché des quantités de nouveaux opérateurs qui veulent jouer un rôle de défenseurs des opprimés en sauvant des sociétés comme « Gamestop » des griffes des vendeurs à découvert mais qui également achètent sans discernement tous les coins dont on a pu leur parler. Il y a une preuve de cette curieuse situation ; les mouvements erratiques du bitcoin ,(et des autres coins ) ne provoquent ,jusqu’à présent, aucune panique sur le marché. Il n’en serait pas de même si les fonds importants participaient fortement à ces placements risqués.

b) Les grands États ont compris l’importance de la monnaie cryptée qui possède trois caractéristiques rapidité, coût bas et garantie de protection et de parfaite conservation des transactions. Le défaut classique est l’usage abusif de l’anonymat .on peut y répondre en développant les KYC dans tous les pays.

Ainsi les monnaies cryptées joueront pleinement leur rôle à côté des monnaies « FIAT ».

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