Doit-on prendre au sérieux la crise actuelle ?

Les banques ont fait des opérations risquées : prêter à des particuliers sans autre ressource que leurs hypothèques (subprime mortgages). Bien plus, la hausse continue de l’immobilier leur a fait croire qu’ils étaient rentable d’acheter à crédit, d’emprunter en profitant de la hausse pour faire une deuxième opération du même style et comme la hausse continuait d’en faire une troisième et pourquoi pas d’autres encore. Les banques ont prêté à taux quasi usuraires en remplaçant les prêts ainsi réalisés sous forme de titres style CDOs (Collaterized Debt Obligations) auprès d’institutions (autres banques, fonds de pension, compagnies d’assurance et fonds communs de court terme dits dynamiques, etc.). Bien entendu, seuls ces derniers ne semblent vulnérables, mais l’opinion a été traumatisée.

Pour approfondir le problème, il nous faut comprendre qu’il a deux crises : celle des «subprimes» et celle que l’on peut appeler «de confiance» ; la seconde étant beaucoup plus sérieuse que la première.

Bernard Bernanke, Président de la Federal Reserve, a émis l’opinion que les «subprimes mortgages» représentaient 100 milliards de $. D’autre part, même si leur liquidation devait entrainer la faillite de nombreux petits épargnants obligés de vendre leur propriété, celles-ci ne sont pas sans valeur. Ainsi le risque couru par le secteur financier ne doit pas dépasser 20 milliards, montant très faible pour le secteur bancaire dans son ensemble. Les organismes parapublics Fanny Mac et Freddie Mac ont même proposé d’en assurer à eux seuls la couverture. Mais leur proposition à été refusée par leur «régulateur» pour ne pas donner l’impression que la spéculation doit être «récompensée».

Mais si le montant du risque est très faible, pourquoi un tel tumulte entoure les «subprimes» ? Cela est dû au fait qu’une partie non négligeable de ces emprunts ont été achetés par des fonds de trésorerie dont ce n’est pas la vocation, en ajoutant le terme «dynamique» qui leur permettait juridiquement grâce a ce genre d’anomalie, de produire des dividendes un peu supérieurs à ceux des fonds de trésorerie classiques.

Cela explique le second aspect du malaise actuel : la peur du public…et des institutionnels. En effet, le public qui s’était engouffré dans les fonds de trésorerie dynamiques a pris peur, a revendu ses parts le plus vite possibles, montant payé sur la trésorerie «normale» augmentant d’autant la «lie» existante. On cite le cas d’un fonds ayant placé 35% de ses actifs en «subprime», a subi en quelques jours des retraits à hauteur de 50% du fonds et s’est donc retrouvé détenteur de 70% de «subprime». La publicité qui a entouré ces fonds risqués chez Bear Sterns, AXA puis ODDO et BNP a aggravé cette peur dans le public.

Mais le grand public n’est pas le seul à s’inquiéter et c’est le deuxième aspect de la crise actuelle. Les milieux financiers ont pratiqué aux maximum toutes les formes de produits à risque «leverage buy Out», produits dérivés, CDSs, etc., avec la conscience qu’ils prenaient de gros risques. Aussi, à l’amorce des difficultés issues des «subprimes», les institutionnels ont recherché à accumuler des liquidités, aggravant ainsi le malaise économique.

Les gouverneurs des banques centrales ont à l’instar de Bernard Bernanke et de Jean-Claude Trichet, injecté des liquidités dans le marché (open market), permettant de compenser autant que faire ce peut, la diminution due à la «timorosité» des institutionnels. Si ces créations monétaires pouvaient être suffisantes, s’accompagner d’une baisse des taux courts pour aider les acheteurs privés endettés à taux variables, et accepter ce que demandent les démocrates (de donner un peu de facilité aux organismes hypothécaires US), on pourrait espérer que cette mini-crise disparaisse d’elle-même. Il reste également à espérer que des mesures soient prises ensuite par les gouvernements pour contrôler les excès «d’effets de levier».

Quid des bourses ? En recherchant la liquidité, les institutions vendent un peu de titres, de matières premières (baisse du pétrole et des métaux), et réduisent les «carry trade», ce qui entraine une hausse du Yen. Mais comme les résultats des entreprises restent superbes, que les rapports cours/bénéfices restent faibles (13 en Europe, 15 aux USA), on peut raisonnablement penser que la baisse actuelle soit peu durable.

Jean Jacques Perquel 14 août 07