L’inflation est considérée comme une catastrophe. Elle pénalise les détenteurs de revenus fixes ; elle incite à des hausses de salaires qui elles-mêmes entraînent des hausses de prix (principe du cercle vicieux).

Mais avant de condamner l’inflation il faut l’analyser. Selon l’économiste anglais Harrod il y a deux types d’inflation :

a) L’inflation de demande

C’est l’inflation de pénurie. Il y a eu une crise de semi-conducteurs faute d’investissements suffisants, une crise agricole sous l’influence des anomalies climatiques, un manque de fret faute de main d’œuvre et un manque de métaux dû aux difficultés avec les écologistes pour ouvrir de nouvelles mines.

b) L’inflation de coût

Il s’agit d’une hausse des prix provoquée par un groupe « oligopolistique » qui est imposée même si les conditions économiques justifieraient qu’elle n’ait pas lieu. C’est le cas du pétrole et du gaz où les prix sont fixés en fonction des desiderata de l’OPEP. Ce n’est pas encore le cas des hausses généralisées des salaires dépassant le taux d’inflation sauf certains secteurs spécialement pénibles et mal rémunérés (ex. cafés, restaurants).

Ainsi l’inflation actuelle a des causes multiples : il s’agit de savoir comment la combattre et s’il ne faut pas conserver un peu d’inflation pour éviter les conséquences d’une politique trop répressive.

En fait il y a trois moyens pour lutter contre les excès de l’inflation. Ce sont l’austérité, l’expansion économique et l’inflation elle-même (à condition qu’elle soit bien contrôlée). Il nous faut analyser ces trois solutions.

I. L’austérité

C’est la solution de facilité. Il suffit de monter les taux jusqu’à une hauteur telle que l’industrie et les services soient « étranglés » et que, le chômage aidant, les salaires se stabilisent. Le système se stabilise avec ses conséquences sociales dramatiques.

A titre d’exemple Volcker a dû en1980 et 1981 augmenter les taux de banque à plus de 20% pour bloquer l’économie américaine, abimée par une inflation de coût (deuxième hausse du pétrole de1979). Le chômage devait atteindre 10% de la main d’œuvre. Il faut noter en outre la faiblesse des indemnités chômage aux États-Unis.

Dans le contexte actuel la hausse des taux est relativement faible puisque ceux -ci sortent à peine de la « trappe monétaire » mais par sa rapidité et sa brutalité, elle pose aux banques (surtout françaises où les prêts se font généralement à taux fixes) un problème de pertes sur les contrats passés, avec en contrepartie un gain important sur les fonds peu rémunérés laissés en liquide dans les banques.

Aux États-Unis, en revanche il y a un problème de taux pour les détenteurs de fonds liquides qui trouvent dans les « money funds » des rentabilités » plus fortes qu’auprès des banques commerciales. D’où des sorties de capitaux aussi brutales que la hausse des taux (400 milliards de dollars chez la « Silicon Valley Bank », 100 milliards chez la « First Republic »).

On voit ainsi que cette solution actuellement prônée par la Banque centrale allemande mais également aux USA et par la Banque de France a pour elle un consensus des milieux financiers officiels. S’ils connaissent « l’efficacité monétaire » de ce type de politique, personne n’en sait calculer le coût social.

II. La croissance économique

Louée par Krugman la croissance économique, le plein emploi sont certainement une solution originale pour augmenter les recettes des États et de ce fait réduire progressivement les dettes contractées pendant les périodes d’augmentation de la masse monétaire. Mais on se heurte à un grand nombre de difficultés. En effet pour réaliser cette politique il faut des investissements publics et privés. A première vue les besoins existent : écologie, logement, développement des nouvelles technologies etc mais les financements se heurtent à plusieurs séries de difficulté.

a) L’investissement public suppose une mise de fonds supplémentaire qui va à l’encontre de la politique de réduction des déficits telle qu’elle est prônée actuellement.

b) L’investissement privé est en chute libre comme le montre Jacques de Larosière en étudiant les statistiques du FMI. En fait par un « malthusianisme » bien compris, les entreprises dans le monde préfèrent utiliser leurs bénéfices pour racheter leurs propres actions plutôt que d’utiliser leurs fonds (et de faire appel au public par des augmentations de capital) pour prendre des risques. Il y a une solution pour inciter les sociétés à se développer c’est de « surimposer » les rachats d’actions leur prouvant ainsi que la solution pour augmenter leurs résultats se trouve dans de nouveaux investissements.

Cette solution présente en outre la difficulté de la lenteur des résultats. Aussi même si les entreprises se décident à développer leurs investissements, les résultats en matière de réductions des dettes des États seront longues à réaliser.

III. Une certaine inflation

L’inflation est dangereuse, mais surtout si elle se transforme, grâce à une émission monétaire trop forte, en hyperinflation.

Il faut distinguer :

a) l’inflation qui s’autoalimente lorsqu’il y a une « course poursuite » entre les salaires (inflation de coût) et pénurie de denrées (inflation de demande.) et

b) celle qui s’arrête à un certain niveau du fait de l’augmentation des productions des biens qui faisaient défaut. D’ailleurs les Banques Centrales acceptent comme tout à fait normal une hausse annuelle des prix de 2%. Olivier Blanchard ancien conseiller économique du Fonds Monétaire voulait que cette norme de 2% soit portée à 4% (cela représenterait une dévaluation de près de 50% de la valeur des monnaies en 10 ans).

Or il y a toutes les chances pour que les prix cessent de monter. Il y aura une fin à la guerre d’Ukraine et les prix du pétrole, du gaz, de l’électricité devraient se stabiliser. Les mesures prises pour protéger l’agriculture des mouvements climatiques devraient avoir le même effet. Quant aux salaires, ceux-ci montent mais dans des limites qui ne poussent pas à une accélération de l’inflation.

Conclusion

On doit avoir un certain optimiste car malgré la guerre qui continue les prix de l’énergie rebaissent de même que les matières premières et les semi-conducteurs. Les hausses de salaires restent modérées et tout cela malgré la continuation de la guerre. On peut donc penser que dès la fin de la guerre les marchés vont se réguler d’eux-mêmes.

Mais, bien entendu, il faut que l’on obtienne que le secteur privé accepte d’investir en supprimant ses rachats d’actions. Il faudrait taxer lourdement ce type d’opérations et même réduire les distributions de dividendes pour que les sociétés se consacrent essentiellement aux investissements nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique, améliorer le logement etc.

Jean-Jacques Perquel
1er mai 2023