I – L’économie américaine est en plein essor et la bourse ne monte pas.

La croissance économique dépasse 3%, atteindrait même plus de 4 au troisième trimestre et au moins 3,6 au quatrième, malgré une hausse du pétrole à 70 dollars et un manque de raffinage qui aggrave aux U.S.A la tension sur les prix des produits raffinés. Certes l’épargne est au plus bas historique (0% en juin, 0,2% au troisième trimestre). La croissance de la masse monétaire reste modérée, (4,8% ou en termes réels 2,3% ce qui est inférieur au 3% que Milton Friedman considère comme nécessaire pour assurer une croissance régulière). Mais l’augmentation de l’emploi 166 000 en Août après 207 000 en juillet conjugués avec une forte hausse des salaires (5% en un an ) crée une importante demande du public. Bien plus la hausse de l’immobilier facilite l’accroissement de l’endettement du public et une diminution du déficit budgétaire (limité à 331 milliards contre 427 prévus en janvier et 600 envisagés l’année dernière) .

Mais le déficit extérieur qui dépasse les 700 milliards au premier trimestre 2005 est essentiellement financé par les pays asiatiques et du Moyen Orient. Ceux-ci sont obligés d’aider ainsi l’Amérique par une espèce de Plan Marshall inversé pour assurer la vente de leurs produits. Mais leurs investissements ne se font qu’en bons du Trésor , facilitant le maintien de taux bas à court terme. Banques et Hedge Funds transforment ces bons à court terme en emprunts longs faisant constamment baisser ces taux (le 10 ans tombe à 4,20% le 24 août) ce qui facilite la continuation de l’investissement immobilier.

Cette situation euphorique a deux inconvénients à court terme

a) comme il y a peu d’épargne le public investit peu en Bourse. Les plans d’épargne 401 (k) ont tendance à se tarir.

b) Les institutionnels sont très impressionnés par la montée du déficit commercial et ont peur d’une reprise de la baisse du dollar et ont donc tendance à fuir les valeurs U.S. malgré des résultats d’entreprises très satisfaisants.

II – Les économies européennes ne démarrent pas et pourtant les Bourses s’améliorent fortement.

Au 24 Août la Bourse de Paris avait gagné 17%, celle de Francfort 15,5 tandis qu’à la même date le Dow Jones était à –3,8 et le Nasdaq à-2,1. Si l’on regarde les résultats des entreprises françaises et européennes on s’aperçoit qu’au premier semestre 2005 des sociétés comme Arcelor ont un bénéfice en hausse de 124%, EADS de 104%, France Telecom de 340%, Publicis de 49%, Renault 52% Total 44% etc.. Résultats brillants mais très comparables à ceux des Etats Unis.

On peut considérer qu’un grand nombre de ces sociétés vont voir leur croissance continuer même si certaines d’entre elles n’obtiennent ces résultats que grâce à des exploitations en dehors de l’hexagone. On comprend alors les réactions des institutionnels américains. Ils veulent se protéger d’une baisse du dollar, et achètent ainsi des titres de sociétés européennes à bonne visibilité.

On arrive ainsi à ce paradoxe supplémentaire que plus le pétrole monte, plus la balance commerciale se détériore plus les institutionnels américains sont convaincus que le dollar doit baisser ils viennent alors acheter des valeurs européennes.

Certes cette situation est instable, une forte remontée des taux à court terme peut provoquer une envolée des taux longs même si en ce moment la tendance est plutôt à une inversion des taux d’intérêts. Si cela se produisait il y aurait alors un krach immobilier dont les conséquences sont inquiétantes pour le monde entier. Mais la prudence de Greenspan en matière de hausse des taux ne provoque aucune panique sur les marchés longs. Ceux-ci ont en effet tendance à baisser (4,20 à 10 ans pour un taux à trois mois de 3,65). Bien plus on envisage avec une certaine inquiétude un renversement de la courbe des taux, signe d’une situation instable. Mais cela n’est certainement pas dangereux à court terme.

Jean-Jacques PERQUEL Janvier 2006