Le monde universitaire français est soumis depuis plusieurs années à de fortes pressions qui poussent à sa transformation. Le classement de Shanghai, quelles que soient ses limites, a montré les insuffisances  du modèle universitaire français dans le cadre de la mondialisation. Les montages datant des années 1960/70 et pour certains plus récents, associant des unités CNRS autour d’universités évoluant dans un cadre leur laissant peu ou pas d’autonomie,  étaient peu adaptés au déploiement  de pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) aux ambitions européennes ou mondiales.
L’économie française a besoin pour rester une des premières du monde et financer son modèle social,  d’universités de premier rang dans les disciplines scientifiques, les sciences de l’ingénieur, l’économie et les sciences de gestion. Le modèle préexistant, issu de la reconstruction de l’Economie pendant les trois glorieuses était difficilement  capable d’affronter la dure concurrence de la mondialisation et de rapprocher étroitement les connaissances produites dans les Universités et les centres de recherche, des entreprises pour créer les nouveaux produits et services, sources de croissance.
La mise en place de la loi de réforme des Universités à laquelle adhère en 2010 plus de 60 % des universités françaises répond en partie aux nouveaux impératifs exercés par la mondialisation. Les Universités pourront se rapprocher des centres de recherche, ou des grandes Ecoles concernées au sein de pôles de compétences régionalisés ou de pôles régionaux de recherche et d’enseignement supérieur. La pression exercée est telle que ces universités se spécialiseront par thématiques et s’impliqueront plus ou moins sur la recherche ou sur l’enseignement. Ces transformations vont prendre du temps et elles ne sont pas simples ni faciles pour les personnels qui les vivent déjà ou vont les mettre en œuvre. Cependant la création d’une seule et unique Université à Strasbourg ou à Aix Marseille montre la voie, avec pour cette dernière plus de 70000 étudiants et plusieurs centaines de laboratoires, et une visibilité mondiale  à travers cette appellation.
L’impact de cette réforme spécifique aux universités est puissant car il affecte par ricochet les grandes Ecoles d’ingénieur et de commerce, soumises elles aussi à des impératifs de visibilité non seulement en France mais au niveau européen voire mondial. La différentiation se fera pour ces établissements non seulement par la qualité des enseignements mais par la qualité de la recherche appliquée, et fondamentale pour certains. L’affiliation à des pôles de compétences régionalisés devient indispensable pour que ces établissements ne disparaissent pas des premières places des classements français et européens. Des repositionnements vont s’effectuer rapidement entre ces établissements en fonction de la qualité des enseignements, des recherches et des publications, des budgets dont ils disposent. Si on ne peut pas parler à proprement dit de Tsunami pour caractériser ce phénomène, il est certain que la reconfiguration profonde du mode de gestion des Universités commence à produire ses effets sur les Grandes Ecoles qui sont elles aussi soumises au diktat des classements internationaux et des accréditations internationales. L’intégration à un PRES est une des voies pour exister au niveau international. Les accréditations de type AACSB et EQUIS en sont une autre pour les Grandes Ecoles de commerce mais il faut qu’elles disposent d’une stratégie claire et des moyens de s’offrir une recherche de bon niveau pour se différencier par ce biais. Des alliances avec des Universités ou des unités CNRS constituent des alternatives porteuses pour l’ensemble des parties prenantes.
A l’issue d’une crise financière très violente en 2008 et 2009, suivie d’une crise économique encore bien présente avec un taux de croissance prévisionnel du PIB de 1,2 % seulement pour 2010, les Universités françaises sont en pleine transformation avec des budgets préservés. Plus de 60 % des ressources du grand emprunt sont destinées à les renforcer ainsi que leur recherche, c’est une chance historique pour que l’économie française puisse entrer de plain-pied dans l’économie de la connaissance. La stratégie de Lisbonne se met donc en place en France, dix ans après la déclaration de Lisbonne sur l’économie du savoir.

Daniel Bretonès                                18 janvier 2010