1 - Une situation plus que préoccupante

Une augmentation massive du chômage depuis 2009

Les pertes d’emplois massives dans l’industrie de l’année 2009 (plus de 170.000) ont montré la fragilité d’un tissu industriel qui perdait déjà de 70.000 à 110.000 emplois par an depuis près de 10 ans. Ces pertes d’emploi jusqu’en 2008 étaient peu ou prou compensées par la création d’activités de service. Les fortes pertes d’emploi en 2009 cumulées aux politiques de séniorité mises en place pour faciliter le financement des retraites d’ici 20 ans rendent en 2010 l’insertion des jeunes plus difficile sur le marché du travail. L’évolution des parités monétaires euro / dollar au détriment de l’euro compte tenu de l’affaiblissement du dollar depuis 10 ans ont amoindri voire laminé dans certains secteurs la compétitivité des entreprises françaises et eurolandaises. Ce phénomène de désindustrialisation fort depuis 10 ans est devenu explosif avec la crise des « subprimes » et devient insupportable pour nombre d’acteurs industriels. Les conséquences directes sont une montée forte du chômage en France et dans l’Euroland par la destruction soutenue et généralisée d’activités industrielles. Ce sont les pouvoirs politiques de l’ensemble des pays de la zone Euro qui ont à gérer les conséquences économiques et sociales délicates de ces fluctuations monétaires couplées à la mondialisation.


La grande distribution et la finance dans la zone Euro


Toute une série d’acteurs français et européens ont plus à gagner qu’à perdre à une hausse de l’euro. Créé en 1998 l’euro avait une parité de 1,15 € pour 1.0 $. Jusqu'à récemment la monnaie européenne s’approchait d’une parité de 1,50 € ce qui constituait une augmentation de plus de 30 % par rapport au dollar américain. Actuellement la parité euro/ dollar est de 1,35 dollar pour un euro ce qui est largement supérieur à la parité de lancement de la monnaie européenne en 1999. Cette parité pénalise les exportations de produits français et européens sur les marchés de la zone dollar et ceux qui y sont liés.

Le niveau élevé de l’euro rend moins couteux les importations ce qui favorise les grands groupes de distribution qui ont des centrales d’achat mondialisées et fortement enracinées en Asie notamment en Chine (la monnaie chinoise est indexée sur le dollar $ pour le moment).

Les groupes bancaires et financiers français bien implantés sur les marchés de la banque de détail sont insensibles en Europe aux variations de la parité euro / dollar. Sur leurs activités d’investissement ces acteurs peuvent se couvrir sur les écarts de taux. En ce qui concerne les produits dérivés ces groupes peuvent surfer sur les fluctuations monétaires ou sur les variations de cours des matières premières.

Les industriels produisant en zone Euro


Les grands perdants dans ce contexte sont les producteurs de la zone euro qui doivent exporter des produits en zone dollar ou assimilée. L’exemple du programme Airbus fortement pénalisé à l’exportation par la dévaluation progressive du dollar est illustratif de ce phénomène. Les grands groupes automobiles français ont réorganisé leurs achats dans les années 1990 en se rapprochant de leurs bassins d’emploi d’une part et en produisant en zone dollar ce qui améliorait d’autant leur compétitivité.

Mais de manière générale ce sont des milliers d’entreprises industrielles de taille petites et moyennes qui font depuis 10 ans les frais de la mondialisation. Les effets secondaires de la dette grecque, perçue par certains acteurs des marchés financiers à haut niveau de risque, ont fait pression à la baisse sur l’euro et apporté un bol d’oxygène aux industriels et exportateurs français ainsi qu’aux autres exportateurs de la zone euro.

La baisse du pouvoir régulateur de la politique commune (PAC)


En ce qui concerne l’agriculture, la baisse des aides liées la PAC sans attendre l’échéance de la renégociation de 2013 se traduit en 2009 par une perte de revenus de plus de 30 % en moyenne pour les producteurs de lait et le chiffre sinistre de 800 suicides liés au désespoir des agriculteurs en faillite en 2009. Le revenu moyen des producteurs de lait étant de 750 € par mois en France sur la période mentionnée. Il est clair que sans une renégociation forte des aides à l’agriculture à Bruxelles tout au moins pour les producteurs du lait sans attendre le cap de 2013, cette triste situation ne pourra que perdurer. Il est difficile d’imaginer que les pouvoirs politiques français n’interviennent pas massivement au niveau européen. Le problème est intra-européen avec des niveaux de prix fluctuant à la baisse qui détruisent massivement des activités et des emplois dans ce secteur. La parité de l’euro avec le dollar ne favorise pas par ailleurs les exportations.

2 - Les réponses à ces défis multiples


C’est d’un Grenelle des jeunes pousses et des PME créatrices d’emploi dont a besoin notre pays, car c’est par le biais de la croissance de ces entreprises qu’une contribution significative peut-être apporté à la création d’emplois.

Les solutions ne peuvent être mises en place simplement car elles supposent de faire évoluer quasi-simultanément plusieurs champs :

- Le financement du développement de ces entreprises suppose de redéfinir l’utilisation de l’épargne sur le long terme et des mesures sont engagées en ce sens par les pouvoirs publiques. Ces mesures ont un impact direct sur les placements des assureurs et le financement des fonds de capital-risque.

- L’évolution de la fiscalité affecte directement le financement de l’innovation à travers le crédit impôt recherche dont le maintien semble acquis pour les PME. La fiscalité des fonds communs de placements pour l’innovation est également concernée.

- Les plans sectoriels alimentés par le grand emprunt interviennent pour soutenir ce redéploiement du tissu économique.

- Les relations avec les grands groupes sont déterminantes pour les ventes et le développement commercial de ces entreprises.

- Les pôles de compétitivité ont un rôle clé à jouer pour rapprocher les PME de la recherche et des grands groupes. Les territoires qui hébergent les pôles sont au centre des relations locales entre ces acteurs.

- La liaison avec les directions concernées par ces thématiques de l’Union européenne est indispensable pour ne pas découpler l’évolution de l’écosystème français du reste de l’Europe, à travers les directions concernées de l’Union (Industrie, Recherche, concurrence, fiscalité, etc..) et pour influencer ces dernières.

3 - La nécessité d’un soutien total au tissu économique couplé à une baisse de l’euro face au dollar

- La vitesse de déploiement des mesures évoquées ci-dessus est liée à leur synchronisation, seule capable d’en optimiser le déploiement rapide. La coordination des chantiers mentionnée suppose une organisation transversalisée avec une unité décisionnelle centralisée (tout au moins provisoirement). La coordination de ces chantiers n’est que partielle puisque aujourd’hui le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie n’en contrôle qu’une partie.

- Sur un chantier qui est stratégique pour le redéploiement du tissu industriel et économique, il est souhaitable que les pouvoirs publics qui ont fait la preuve de leur capacité d’intervention durant la crise financière renforcent leur action en faveur des jeunes pousses et des PME.

Alors que les commentateurs économiques s’étonnent lorsque l’euro vaut 1,35 $ il est plus que temps que les pouvoirs publics interviennent à Bruxelles et auprès de la BCE pour la parité initiale de 1,15 avec le dollar soit retrouvée. Le soutien multi facettes au tissu économique doit être couplé simultanément avec des mesures restaurant la parité initiale euro/dollar. Ce n’est qu’à ce prix que l’on apportera une réponse forte au marasme économique et social européen.




Daniel Bretonès 8 février 2010