Le ralentissement de l 'économie américaine est commencé. Le taux de croissance au premier trimestre n'est plus que de 0, 9 %. On sent un certain ralentissement dans les sondages d'opinion européens. Les matières premières se conduisent de façon désordonnée. Si le pétrole monte en flèche, le nickel s'effondre. Pendant ce temps les Bourses ne cessent de remonter.


Quels sont donc les traits principaux de cette forme très particulière de " stagflation " ?

1) Le monde financier est persuadé que la crise financière est terminée Certes il y a plusieurs dangers : les fonds L.B.O.s ne sont pas toujours assurés de trouver leurs financements, des sociétés financières n'ont pas encore toutes publié leurs bilans. Il y a une révolte des commissaires aux comptes qui ne veulent plus accepter d'évaluations " model to market " lorsqu' un produit n'a aucune liquidité. Par contre il y a eu deux très bonnes nouvelles qui justifient cet optimiste :l'affaire Bear Sterns où la banque centrale est intervenue pour assurer le financement du rachat ce qui prouvait que l'on était capable de continuer la politique dite " too big to fail " inaugurée pour Chrisler et la Continental Illinois. En outre chacune des grandes banques internationales ont pu faire d'énormes augmentations de capital sans provoquer des hausses anormales des taux longs. Cela est du à l'abondance de l'argent en quête de placements sérieux (et bon marché) du fait de la baisse générale des cours des banques.

2) Comme nous l'avons vu le ralentissement est plus psychologique que réel. En effet tous les organismes de sondage reflètent un réel malaise du public ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas en tenir compte . Il est certain qu'il y a une baisse forte de l'immobilier aux U.S.A (moins 14%) , en Angleterre, en Espagne et en Irlande. En France, certains excès de placement de produits " Loi Robien " rappellent un peu ceux des ventes " subprimes ".L'Allemagne qui n'a pas subi de hausse immobilière ces dernières années n'a pas l'air de ressentir le moindre ralentissement.

3) Mais une des causes fondamentales de ce malaise est la montée de l'inflation : d'une part la hausse du pétrole s 'accompagne d'une augmentation des prix de la plupart des métaux (hors nickel), mais elle entraîne une demande inflationniste de produits agricoles servant à faire de l'éthanol et cela à un moment où les récoltes de céréales, australiennes en particulier, sont très réduites du fait de la sécheresse, et où la demande des pays émergents qui s'enrichissent s'accroît très sensiblement. Il faut encore ajouter à cela la forte montée de l'inflation chinoise (8.5% cette année contre 3 % l'année dernière) ce qui menace la stabilité des prix U.S et Européens. Ces deux ensembles économiques sont de très grands importateurs de produits chinois.

Tout cela produit une forme certes encore modeste (sauf sa branche inflationniste) de " stagflation ".Mais pour lutter contre cette situation. les politiques des banques centrales divergent.

1) L'Amérique prend le parti de lutter contre l'aspect " stag " c'est à dire de mettre de l'argent sur le marché pour aider les institutions financières et même le public. On ouvre des " guichets " aux banques d'affaires en leur permettant d'échanger des créances immobilières de plus ou moins bonne qualité contre des bons du Trésor, détériorant ainsi la qualité du portefeuille de la Federal Reserve (sauf à créer de nouveaux titres ce qui serait inflationniste). Et cela pour un montant de plus de 200 milliards de $. On autorise les G.S.Es Fanny Mae et Freddy Mac à augmenter leurs prêts. On crée des titres nouveaux pour aider les banques dans leur détention des emprunts municipaux.

2) Par contre la Banque Centrale Européenne est beaucoup plus traumatisée par la croissance de l'inflation, d'autant que la part stag est encore un peu virtuelle .La croissance des économies française et allemande au dernier trimestre a été tout à fait remarquable. Aussi conserve-t-elle un taux de base relativement élevé.

Certes il y a régulièrement des consultations entre banques centrales mais on peut craindre que ces deux politiques divergentes n' entraînent une forte baisse du $ créant une situation difficile pour les économies européennes.



Paris le 1er Juin 2008

Jean-Jacques Perquel