Les deux crises « classiques », l’économique et la financière ont tendance à se résorber. Un certain nombre de mesures comptables style « réforme de l’IFRS » aident à réduire le caractère « pro-cyclique » de la « nouvelle comptabilité ». A ce moment éclate une nouvelle crise, « celle de l’Euro », qui a débuté en Grèce, mais dont on ne connaît pas encore les conséquences.
Pour essayer de comprendre cette situation il nous faut analyser comment ont évolué les deux premières crises et dans quelle mesure les solutions trouvées ont été la cause de la troisième.

1) L’état de la crise économique

La situation est caractérisée par une reprise que l’on accuse d’être « technique » et un développement d’un protectionnisme essentiellement « non tarifaire » important.

a) La croissance économique du dernier trimestre 2009 est forte dans la plupart des pays.

Il suffit de comparer les PNB annuels et ceux du quatrième trimestre 2009 (calculés en taux annuel). Ainsi aux USA le taux est passé de 0,1 % à 5,6 %, au Japon de –1 % à+ 3,8 %, en Allemagne de -2,4% à 0% et en France de –0,3% à 2,4% tandis que sur l’année la production industrielle augmentait de 3,3 % en France, 4 % aux USA, 5,4 % en Allemagne, 18 % en Chine et 31 % au Japon. Des études américaines ont montré que, dans ce pays, la reprise était due au restockage à hauteur de 2 / 3 de l’augmentation du PNB, mais cette recomposition des stocks correspond à un retour de la confiance dans la reprise économique. De même dans le domaine de l’immobilier américain, de nombreux acheteurs dont les logements sont encore à des prix inférieurs au montant de leur dette hypothécaire, ne cherchent plus à abandonner leur « home ». En fait la légère reprise des prix de l’immobilier incite les acheteurs anciens à supporter leur situation en espérant que l’amélioration actuelle continue. En Europe il semble bien que la reprise actuelle soit assez saine même si, comme aux USA, elle est en partie due aux résidus des mesures de relance (automobile et immobilier). En France la progression des recettes fiscales de 41% du PIB prévues pour 2009 à 43% réalisées, est essentiellement due à l’amélioration des résultats des sociétés. Cela permet de penser que le taux du déficit pour 2010 devrait se réduire à « seulement » 8 % ( contre 8,2% que l’on avait envisagé ).

b) Le protectionnisme tend à se développer.

Etats Unis et Chine pratiquent une politique de dumping financier extrêmement dommageable pour le reste du monde. Le cours de l’Euro par rapport au dollar est de 1,30 environ alors que la parité de pouvoir d’achat (critère assez critiquable au demeurant) serait aux environs de 1. Mais la Chine pratique une double dévaluation car le yuan est bloqué sur le dollar à un cours de 8,60 pour un dollar alors que l’équilibre de la balance commerciale américaine par rapport à la Chine nécessiterait une réévaluation du Yuan de plus de 40 %. On voit ainsi l’ampleur de la sous-évaluation du Yuan et par osmose celle de la plupart des monnaies asiatiques souvent bloquées sur la valeur du Yuan.
Des mesures protectionnistes non tarifaires se développent en Chine : attaque des produits de luxe étrangers (Hermès, Versace, etc..) pour mauvaise qualité, blocage de projets étrangers en matière d’énergie, aide à l’innovation indigène etc...

En outre ces deux pays prennent des mesures protectionnistes tarifaires : hausse aux USA de 35% sur les pneus, de 10 à 15% sur les aciers et en Chine une hausse de tarif sur les métaux. L’Euroland est dans une situation difficile. En effet d’un côté l’Allemagne et les Pays-bas ont une balance commerciale largement positive. Ils trouvent, de ce fait, la situation confortable et défendent une position très libérale du commerce extérieur. Les autres pays souffrent de la concurrence des pays émergents. Cette différence de comportement empêche l’Euroland d’intervenir au milieu de la lutte Sino-Américaine.

2) L’amélioration de la situation du secteur financier.

Il semble ne plus y avoir de risque de faillite des banques dites « systémique » c’est à dire des banques suffisamment importantes pour que leur déconfiture suffise à entraîner une panique mondiale et une fermeture des autres banques face à leurs confrères, comme cela a été le cas lors de la faillite de Lehman Brothers.

Trois raisons doivent être évoquées :

- Les Etats ont eu très peur et feront tout pour éviter une nouvelle crise Lehman.
- Les nouvelles règles proposées à Bâle et celles proposées par Barack Obama, même si elles vont être fortement édulcorées par les Parlements, devraient inciter les opérateurs financiers à plus de prudence.
- Enfin, pour le moment les opérateurs restent encore traumatisés par la crise. Il y a ainsi 1100 Milliards de $ déposés par les banques US auprès de la Federal Reserve (rémunérés seulement à ,25%) ;
- Enfin la réforme des comptabilités devrait rendre celles-ci moins procycliques.

Mais le retour de la confiance provoque un renouveau de spéculation. Les opérations de « Carry trade » se développent. On les évalue à 1300 milliards de $ soit l’équivalent de l’augmentation de la masse monétaire au cours des deux années de crise, (800 milliards de $ vendus à découvert et 500 milliards de $ d’autres monnaies). L’interdiction des ventes à découvert dans certains secteurs et certains pays est officiellement « tournée » par des opérations de CDS et de CFD. De même on recrée des CDO et autres produits dérivés complexes. Mais si l’on reprend l’analyse d’Hyman Minsky montrant que les krachs arrivent seulement après une longue période de croissance brillante, on peut, à contrario considérer que ces « bavures », à l’échelon mondial, n’ont pour le moment que peu de conséquences dommageables c’est à dire qu’il n’y a pas pour le moment de danger d’explosion de bulles. Mais que les bénéfices réalisés par le secteur financier sont tels que cela l’incite à spéculer de plus en plus au détriment d’investissements dans la sphère réelle (ce qui ralentit la reprise économique).
Malheureusement il n’en est pas de même au plan européen où la crise de la Grèce est révélateur d’une situation très dangereuse.

3) La crise grecque

Le traité de Maastricht a comporté deux « bavures ». Il donnait comme seul objectif à la Banque Centrale Européenne la lutte contre l’inflation et par peur d’une intégration politique, interdisait de gérer collectivement les dettes des Etats. Cela a eu des conséquences désastreuses sur la situation de la Grèce mais les dégâts sont loin d’être terminés si on ne revient pas sur ces deux points.

En effet la politique européenne a été marquée par un refus de création monétaire pour relancer les économies alors que si l’on reprend la formule de Fisher « PT = MV » où V est la vitesse de rotation de la monnaie, MV s’est effondré puisque V a souffert du manque de confiance mondial après les « affaires » Bear Stern, AIG et Lehman Brothers.

Aussi les Etats ont cherché des fonds dans un endettement de plus en plus ravageur, soit en empruntant à l’étranger soit en l’obtenant au détriment de l’épargne locale c’est à dire au détriment de fonds qui devraient être utilisées par le secteur bancaire pour aider au développement des entreprises. Bien entendu si, troisième solution, les fonds collectés viennent d’une réduction de la consommation, cela a pour effet de faciliter l’investissement et l’emploi, mais le côté non démagogique d’une telle politique la rend difficilement réaliste en période de crise. L’Allemagne a eu longtemps le courage de la pratiquer mais ce type d’opération semble avoir atteint ses limites. Ainsi le déficit budgétaire allemand qui était voisin de 0 jusqu’en 2008, a dépassé 3 % en 2009 et devrait atteindre 6 % en 2010 se rapprochant ainsi du déficit français de 8%.

Si la politique allemande commence à déraper, on voit les difficultés des autres Etats en particulier les plus faibles atteints par la crise, ce qui les a incités à développer leur consommation pour se donner l’impression qu’ils résistaient ainsi au déficit de fonds dû à la faiblesse internationale de la vitesse de rotation de la monnaie. Cela explique les difficultés croissantes de tous les pays européens, obligés, pour juguler la crise monétaire, d’aggraver considérablement la crise économique (style politique Pierre Laval de 1935).

Le second point est moins important, mais il a joué un rôle important dans la crise grecque. En effet ne pouvant pas monter une aide inter-européenne dès le début de la crise, on a été obligé de le faire pays par pays, d’où des difficultés dues à différents problèmes électoraux allemands. Ce retard a compliqué sérieusement la solution à court terme, mais ne résout nullement les difficultés de la zone Euro à une époque où la Chine a une croissance de plus de 10 % et l’Amérique de plus de 3 % (considérant le taux du 4ème trimestre 2009 comme assez exceptionnel.)

Conclusion

La reprise économique parait commencée dans le monde entier. Il ne semble pas qu’il y ait des dangers dans le monde financier. Il reste quelques risques aux USA en particulier dans le secteur des crédits commerciaux immobiliers, mais il s’agit de problèmes mineurs. Enfin, dans celui, beaucoup plus sérieux de la crise de l’Euroland on doit pouvoir être assez optimiste puisque :

1) Les pays Européens et le FMI fournissent une aide importante à la Grèce
2) Enfin les Etats proposent de remettre en cause l’interdiction de prêts collectifs Eurolandais

Cela montre que la crise grecque va peut-être enfin améliorer la cohésion de l’Euroland, tandis que la baisse de l’Euro rend, si elle devient suffisante, un service inappréciable aux économies européennes.


Jean Jacques Perquel, le 7 mai 2010.