L’économie mondiale doit faire face à trois problèmes :

1) La mondialisation devrait entraîner une spécialisation de chaque pays, mais le schéma traditionnel où les pays pauvres doivent fournir des matières premières et les pays « riches » les biens manufacturés ne fonctionne plus. Les pays émergents atteignent un niveau scientifique comparable sinon supérieur à celui des pays occidentaux. Seules quelques innovations (informatique US), des spécialités (machines-outils et, produits de haute qualité technique en Allemagne, luxe en France ou Italie, etc.) ou enfin des services non transportables (tourisme en Europe du Sud) permettent d’éviter aux pays occidentaux de devenir de « nouveaux » pauvres.
Le Monde occidental n’a toujours pas pris pleinement conscience de cette situation et en tout cas ne sait pas très bien comment y faire face. Seule, l’Allemagne a fait les 10 ans d’efforts nécessaires pour surnager dans ce contexte économique.

2) Un problème plus grave, mais encore virtuel, est la masse de produits dérivés (700 Trillions soit sensiblement plus que la masse des actifs détenus dans le monde entier). La grande majorité de ces opérations (les swaps de taux pour plus de 400 trillions) paraissent à peu près sans risque car chacun des participants garde ses titres et l’on n’échange que des « différences ». Même dans ce contexte il existe un risque, celui d’une contrepartie défaillante dans un pays trop pauvre pour garantir ses banques.
Aussi veut-on faire transiter les opérations de produits dérivés par des Centres de Compensation. Mais les fonds propres de ces organismes sont très insuffisants en cas de panique généralisée.
Heureusement, il ne s’agit que d’une menace. L’on peut se mettre la tête dans le sable (technique recommandée par les autruches) et considérer qu’il y a peu de risque d’explosion (à court terme).

3) Le troisième problème le plus immédiat est celui de la zone euro. En effet, le succès de la politique allemande avec un solde annuel créditeur (202 milliards d’Euro sur un an à fin mars) provoque une véritable « famine » monétaire dans la zone euro, au point que le système de compensation inter-européen « Target 2 » se trouve déséquilibré avec un solde créditeur allemand de 1.000 milliards d’euro d’après Olivier Berruyer (Cf. La Tribune du 1er juin 2012) c.-à-d. que l’Allemagne finance une partie importante de ses exportations par les crédits « involontaires » et elle se trouve obligée de les faire si elle veut continuer d’exporter.

Il nous faut essayer de comprendre cette situation en analysant les deux faces de la politique allemande :

a) l’Allemagne est favorable à la fédéralisation de la petite Europe (zone euro), mais elle demande que les Etats améliorent leur productivité et pour atteindre ce but se réorganisent sur le modèle germanique (austérité renforcée).

b) Les Allemands ne veulent pas prêter « à fonds perdu » au reste de la zone, c.-à-d. si les fonds prêtés (ou garantis) servent uniquement à des dépenses administratives ou sociales donc « NON REMBOURSABLES ».

On peut synthétiser le problème en étudiant les deux produits envisagés pour sortir de la crise actuelle : les Eurobonds (que refuse l’Allemagne) et les Product bonds que tout le monde accepte.

En analysant ces deux types d’opérations, on peut comprendre le problème allemand actuel.

I. Les Eurobonds

Ce sont des emprunts émis par la Communauté (ou la zone euro plus probablement). Ils ont pour but d’aider les pays européens par une mutualisation de leurs dettes. Ainsi, le taux devrait se fixer entre les taux extrêmes des marchés (1,22 % taux des Emprunts de l’Etat allemand à 10 ans et celui de l’Espagne à près de 7 %). Bien entendu le poids des pays serait très important, ainsi le taux devrait se rapprocher plus des taux allemand et français (100 points de plus que le taux allemand). Cela représenterait donc un gain important pour les pays en difficulté et une légère pénalité pour les pays dont le fonctionnement est efficace.
Malgré la forte pression de François Hollande qui voit dans les Eurobonds le moyen de pratiquer une politique plus sociale, il y a en fait une forte opposition allemande.

a) Les fonds ainsi collectés servent à réduire le coût des emprunts des pays exagérément endettés, mais rien ne prouve qu’ils en font un usage qui leur permette d’en effectuer le remboursement.

b) Les Allemands subissent une hausse de coût à une époque où ils peuvent emprunter à 2 ans à 0 %, sacrifice qu’ils n’ont pas vraiment envie de faire s’il n’y a pas en contrepartie la certitude que les pays de la zone euro soient capables de redresser sérieusement leur Balance des Comptes, car l’Allemagne est parfaitement consciente de l’intérêt pour elle de rester dans l’Euro.

Devant les urgences Mario Draghi a pratiqué une double politique :

i) Il a utilisé la technique des S.M.P. inventée par Jean-Claude Trichet qui permet de racheter sur le marché des emprunts publics décotés,

ii) Il a repris une autre idée de son prédécesseur qui avait lancé des emprunts à 1 an stérilisés (L.T.R.O.) en émettant des emprunts à 3 ans partiellement stérilisés (1.000 milliards stérilisés seulement à hauteur de 700 milliards),

Mais cela a entraîné un gonflement du Bilan de la Banque Centrale et une position de plus en plus déterminée des pays de l’Europe du Nord de ne pas accepter de nouveaux LTRO, en tout cas après celui que l’on envisage pour le début juin.

II. Les Productbonds

Ce sont des titres qui auraient toutes les apparences des Eurobonds, garantis comme eux par les Etats au prorata de leur importance, mais ils auraient pour but, non le rééquilibre des finances des Pays, mais le développement de ceux-ci.

Il faut en distinguer deux types :

a) des grands travaux du style « Tennessee Valley Authority » Le but est à la fois de réaliser des infrastructures utiles et surtout une reprise de l’emploi. L’efficacité de ces opérations est relativement faible, la mise en place demande des délais importants et surtout la rentabilité n’est pas toujours assurée .Ainsi les Japonais construisent des routes nouvelles que sont assez peu utiles.

b) des investissements directs comme le « Plan Marshall ». C’est de beaucoup la meilleure solution puisqu’il s’agit alors de financer des projets d’investissement à forte rentabilité espérée, en faisant confiance au dynamisme des chefs d’entreprise intéressés par ces investissements .On peut même privilégier les investissements industriels pour des produits exportables.

Conclusion

On voit ainsi les deux côtés de la politique allemande :

i) L’Allemagne pousse les Etats de la Zone Euro à améliorer leur productivité, aidés par des Productbonds (ou leur équivalent comme des emprunts de la Banque Européenne d’Investissement) pour qu’ils rétablissent la situation de leur Balance des Comptes. Cela passe bien entendu par l’équilibre budgétaire et la baisse de la fiscalité,

ii) L’Allemagne se rend parfaitement compte de la « famine monétaire » que son succès a produit en Zone Euro et elle essaie de corriger un peu cette situation par des hausses de salaires dont nous avons vu que cela était insuffisant.

Aussi la solution se trouve dans l’émission de Productbonds surtout ceux du deuxième type. Mais il faut d’urgence que les montants soient beaucoup plus élevés que ceux qui sont actuellement envisagés pour redonner à la zone euro la place qu’elle mérite dans le concert mondial.