La Presse Européenne Continentale insiste sur les conséquences malsaines pour l’Angleterre du Référendum instituant le Brexit. Tous les pays « amis » se proposent, par dévouement, de soulager l’Angleterre du poids de son activité financière. La France, en particulier veut se venger de l’offre anglaise de « tapis rouge » en l’honneur des Français désireux de venir travailler dans un pays aux mœurs fiscales « civilisées ».

Autre complication, au bout de six mois d’incertitude après l’annonce officielle de la Sortie de L’EURO, l’Angleterre n’a pas encore une véritable politique. Le Chancelier de l’Échiquier Hammond voudrait faire durer la négociation au-delà de 2019 pour qu’un nouveau système se mette en place « en douceur » (le Soft Brexit) (c’est-à-dire reporter la rupture à une date non définie Mais les trois Ministres des Affaires Étrangères, tous trois « Hard Brexiteers », mais avec des degrés un peu différents, sont pour une rupture franche dès 2019 permettant de réaliser leur rêve d’un commerce anglais dominant à nouveau les « Mers du Monde ». Certes devant la faiblesse des arguments des Brexiteers Politiques, l’Administration Anglaise donne l’impression de vouloir « prendre les choses en main ». Elle vient d’envoyer à Bruxelles 100 techniciens de haut niveau pour faire face aux représentants des 27 Pays de l’Europe Continentale.

Aussi pour comprendre le problème il faut analyser les avantages de l’Angleterre, les pertes qu’elle risque de faire et voir dans quelle mesure elle devrait en sortir plus forte ou plus faible.

I. Les avantages de l’Angleterre
Le rôle exceptionnel de la City (8 % du P.N.B. Anglais).

C’est le principal actif de la partie des « invisibles » de la Balance des paiements. Il est dû à plusieurs causes caractérielles… et historiques :

a) Tout d’abord il faut noter le goût du risque. Ainsi au XIX ème siècle on constate qu’en Angleterre, le rendement des actions est à peu près toujours supérieur à celui des obligations publiques (le fameux 3 % war loan), ce qui est parfaitement normal puisque l’actionnaire prend un risque. Si l’on compare avec la France de la même époque on s’aperçoit que le plus souvent le taux des emprunts publics est jusque dans les années 70 environ est supérieur à celui des actions.  Notre 5 % perpétuel étant à des époques « difficiles : guerres, etc.. » tombé à 50 (soit un rendement de 10 %). A l’époque de la stabilité des prix et d’absence d’impôts on comprend que les Anglais aient préféré prendre des risques tandis que les Français ont choisi plutôt la facilité de se reposer sur l’Etat (analyse peu orthodoxe mais généralisée du « Colbertisme »). Certes le goût du risque entraîne souvent des erreurs mais les administrations n’ont pas le droit d’intervenir pour protéger les individus. Un exemple est célèbre : Dans les années 1880 un emprunt d’un pays d’Amérique Latine a fait défaut deux ans après son Introduction en Bourse. Les investisseurs se sont tournés vers le Stock Exchange pour demander réparation. Après un long procès, la Chambre des Lords a décidé que les règles d’introduction étant respectées, le public était débouté car les juges ont considéré que les investisseurs étaient responsables de leurs choix de placement. Ce goût du risque a parfois provoqué des catastrophes. C’est le cas des banques Anglaises (et Américaines) au cours de la crise que nous venons de traverser. Mais l’acceptation du Risque entraîne un dynamisme remarquable. Prenons un exemple : Sans se laisser influencer par l’arrivée du Brexit, les Anglais continuent à améliorer la concentration informatique autour de Londres (le fameux « hub » financier) et lancent un câble optique sous-marin pour relier Londres à Francfort en passant par la Belgique. Le but est le développement à Londres des activités de « High Frequency Trading HFT » (en français « flash Orders ») opérations traitées en millièmes de seconde et qui représentent 50 % de l’activité de New-York et 30 % de celle de l’Europe. Mais si ces opérations sont très rentables elles posent le problème de la « manipulation des marchés ». Elles inquiètent donc fortement les Autorités financières qui actuellement ne savent pas comment intervenir.

b) Les Anglais ont un sens pratique non « juridique » Tous les cours français de Faculté concernant la Bourse commencent par faire une distinction entre les actions qui sont un droit de propriété et les obligations qui sont une dette. Par contre Joan Robinson dans les années 50 expliquait que la différence entre actions et obligations était que les premières avaient un revenu variable et les seconds un revenu fixe. Dans les mêmes contextes intellectuels, la comptabilité napoléonienne reposait sur la protection des créanciers, (d’où l’importance des investissements financés par de la dette) tandis que la comptabilité actuelle GAAP ( U.S.A ) et IFRS (reste du Monde mais influencée par les Anglo-saxons) cherche à évaluer les entreprises ( au profit des investisseurs.).

c) Les Anglais savent profiter des innovations pour en faire des marchés importants. Ainsi la Banque des Pays de l’Europe du Nord (banque russe) dont le siège était à Paris, a songé à utiliser une technique des années 1880 concernant les ventes de Fourrures russes. Celles-ci étaient payées  à date fixe lors de la période des chasses. Les fonds déposés à Londres étaient utilisés dans le courant de l’année mais servaient en attendant à des placements financiers. Le Marché des Euro Dollars était inventé. L’Angleterre s’en est saisi et en a fait le plus grand marché monétaire international mondial.

d) Le plus grand avantage de l’Angleterre (qu’elle partage avec son principal concurrent les Etats-Unis) c’est l’usage de la langue devenue la langue mondiale des Affaires.

Ainsi l’Angleterre, grâce à sa langue, son goût du risque, sa capacité à généraliser des inventions très souvent anglaises, a réussi à accumuler un potentiel de techniques financières qui en font actuellement le premier marché mondial. En particulier elle reçoit des fonds du monde entier ce qui lui permet d’avoir, à juste titre, une possibilité de mobiliser des montants très supérieurs à ceux des autres pays.

Deux remarques doivent être faites :
a) Le développement de la concurrence croissante des Etats-Unis mais surtout des pays de l’Asie de l’Est.
b) Le danger d’une perte de confiance dans la Livre sterling pourrait inciter les dépositaires étrangers à retirer leurs fonds. En 1925 cette peur avait motivé la Banque d’Angleterre à pousser le Chancelier de l’Echiquier (Churchill) à remonter la valeur de la Livre (parité Or d’avant 1914). Elle a réapparu lorsqu’après l’annonce des résultats du Référendum, la Livre est passée de 1,5 dollars à 1,14. Heureusement elle est remontée à 1,30.

II. Les problèmes actuels

Grâce au Brexit, l’Angleterre s’est « auto-handicapée » face au monde moderne. Deux questions se posent : quelle est l’ampleur des pertes que peut subir la Place de Londres et quels sont les bénéfices qu’elle peut espérer, et quel devrait être la situation en tenant compte des deux premières réponses.

Le Brexit entraîne deux difficultés :

a) La zone Euro pourrait récupérer le marché des produits dérivés libellés en Euro. Ce marché actuellement tenu essentiellement par Londres. Il représente près de 20 % de l’activité anglaise de produits dérivés. Certes cette menace n’est pas récente et Londres dans le cadre du Marché commun la subissait déjà, mais avait alors beaucoup d’arguments pour y résister. Maintenant ce sera plus difficile car on doit rappeler que les Allemands n’ont mis qu’un mois à récupérer le marché des dérivés en Deutsche Mark le jour où ils ont décidé d’en faire un grand marché Allemand. Aussi il y a un risque que l’Angleterre perde une partie de ce marché.

b) La perte du Passeport Européen obligerait les banques installées en Grande-Bretagne à ouvrir des succursales en Zone Euro, ou pire à se déplacer vers d’autres pays de la Zone Euro.    En fait, jusqu’à présent il y a peu de déplacements de personnel. Beaucoup de banques étrangères qui ont en général déjà des implantations en Zone Euro envoient quelques personnes à l’étranger pour faire face aux difficultés que devrait rencontrer la Place de Londres.  Ainsi H.S.B.C. a annoncé augmenter d’environ 1.000 personnes son importante filiale française (ex Crédit Commercial de France CCF).  H.S.B.C prévoit que le Brexit va lui coûter entre 200 et 300 millions de Livres. Un certain nombre d’autres Sociétés financières envisagent d’envoyer quelques employés à Francfort pour profiter de la proximité avec la Banque Centrale Européenne (Citigroup, Morgan Stanley, Standard Chartered ) ou à Dublin pour raisons fiscales (Bank of America et Barclays) à Amsterdam pour profiter du dynamisme local ( la MUFG principale banque japonaise ) tandis que les Sociétés de Gestion envisagent des déplacements partiels à Luxembourg, etc..  Mais de toute façon les sièges anglais ne seront pas du tout dévitalisés. Certes la perte du passeport européen peut gêner des petites banques anglaises ayant d’importantes clientèles européennes et, au pire, entraîner quelques fusions.

Les bénéfices du Brexit :

Londres peut espérer un renforcement des liens avec les pays du Commonwealth, et avec les pays tiers comme la Chine ou la Russie. Au plan financier il y a peu d’avantages puisque le système international est totalement libéral. Par contre l’Angleterre espère grâce à des accords commerciaux bilatéraux augmenter son commerce international et normalement la Place de Londres devrait en profiter.

d)  Le Brexit n’entame pas le dynamisme interne des milieux financiers

Conclusion

A première vue la Place de Londres devrait souffrir un peu du Brexit surtout s’il s’agit d’un « Hard Brexit ». La Banque d’Angleterre demande aux entreprises financières d’étudier le pire des cas « Worst-case scenario » de Hard Brexit.

En fait deux raisons d’optimisme subsistent :

a) La langue anglaise.
Elle facilite les transactions dans tous les pays du monde. Si d’après Oscar Wilde   la principale différence entre l’Angleterre et l’Amérique est la « langue », on ne peut pas dire que les américains ne comprennent pas l’Anglais. Il en est de même à Singapour, Hong-Kong ou en Indonésie.

b) Le remarquable « know how » Anglais en matière financière et la culture du Risque n’ont pas disparu avec le Brexit. Aussi on peut penser que les banques internationales n’enverront qu’un minimum d’employés en Zone Euro pour récupérer le passeport européen, mais resteront fondamentalement implantées en Angleterre.

En fait le succès d’une Place financière vient de l’importance des fonds (locaux ou étrangers) qu’elle peut rapidement mobiliser. Ainsi les principaux concurrents de la place de Londres sont les villes comme New-York, Hong-Kong ou Singapour et malheureusement pas pour le moment les villes de l’Euro Zone (en partie à cause de leur fameux « Esprit de Précaution » ). Il faut même ajouter que la dispersion des implantations bancaires internationales à travers la Zone Euro devrait rendre encore plus difficile la concentration des fonds.

Enfin, Londres effectue à l’heure actuelle 82 % des échanges de devises en Europe, en opérant sur toutes les monnaies. Si la Place de Londres perd son quasi-monopole du marché de l’Euro elle continuera à le négocier dans ses rapports avec les autres monnaies. On voit ainsi que, même sur le plan financier où l’Angleterre serait susceptible de subir ses principaux dégâts dûs au Brexit, les effets de celui-ci devraient être modestes en cas de « Soft Brexit », beaucoup plus douloureux si on réussissait à faire un « Hard Brexit » mais de toute façon, on peut souhaiter pour l’Angleterre que les dégâts « Brexitéens » soient peu à peu corrigés grâce au dynamisme des financiers anglais.